A l’extrémité de la plage, creusée dans le flanc de la falaise, se trouvait une cavité, petite grotte où la mer venait s’échouer, lasse. A l’abri du vent et des regards, l’excavation naturelle était un repaire que peu connaissait. Sur la voûte hérissée de stalactites se réverbérait le soupir marin. Çà et là des bulbes rocheux comblaient l’espace restreint de la grotte. Les pierres ruisselantes scintillaient à cause du sel.  Il y faisait frais et Bahati aimait à s’y isoler lorsque, comme aujourd’hui, la fournaise extérieure rendait même la baignade pénible. Au dehors l’air était lourd et le soleil irradiait, à l’intérieur l’éclairage était plus tamisé. Les pieds dans l’eau, assise sur un rocher, Bahati regardait Bajirao barboter, le tiplouf brassait doucement l’eau, étendu sur son dos, et regardait le plafond de la grotte. Le calme de la scène était rythmé par le clapotis régulier des gouttes d’eau chutant de la pointe des stalactites. Bahati jeta un regard circulaire. La lumière ambiante jetait, celons l’heure de la journée, des ombres sur les parois irrégulières. Une fresque de formes sombres prenait alors vie. Bahati s’asseyait là pendant des heures pour observer ce lent théâtre et avait l’impression, à chaque visite, de découvrir de nouvelles scènes. On aurait dit des peintures, laissé là par les premiers hommes, témoignant de leur observation des pokémons, de leur projection, aussi de leurs peurs et de leurs mythes. Parfois Bati se demandait comment avait pu être les premières heures du monde, lorsque les hommes d’antan, méfiant de nature, n’avaient pas encore appris à se rapprocher de la nature qui l’entourait et de ses habitants. Combien de légendes et de rites s’étaient fondés sur les apparitions sauvages de ces pokémons alors méconnus. Combien d’augures avaient été reconnu par les prêtres et les chamans à l’apparition d’un roucarnage dans le ciel ? Bahati s’imagina une grotte similaire, quelque part, où s’étendrait, géante et bleutée, une fresque représentant Kyogre et les autres pokémons des légendes. Avant qu’elle n’ait pu développer sa rêverie mystique, un bruit d’éclaboussure l’interpella. Bajirao s’était redressé dans l’eau. Son visage était marqué par la tension, comme s’il avait repéré l’approche d’une menace.

Traçant un sillon d’écume derrière elle, une poissirène fonçait droit sur Bajirao. Sa corne frontale menaçante fendait l’eau et ses nageoires carmin, brassant frénétiquement, généraient une trainée d’écume. Bahati se redressa subitement, craignant pour Bajirao et s’apprêta à l’alerter mais le pokémon avait été plus rapide que sa maitresse. Le Tiplouf avait rejoint la berge rocheuse afin d’éviter la charge et se tenait maintenant sur le sol, prêt à en découdre. En quelques bonds, Bati se plaça à ses côtés. La poissirène s’éjecta hors de l’eau, se propulsa avec ses nageoires, et lança un regard de défi au duo. Le bleu acérée de son iris luisait de méchanceté. Elle retomba dans l’eau. Sa corne toujours pointée dans la direction de Bahati et Bajirao indiquait qu’elle ne semblait vouloir bouger. Peut-être s’étaient-ils aventurés sur son territoire, bien que cela soit peu probable ? Quelle qu’en soit la raison, le pokémon était visiblement belliqueux. Inspirant profondément, Bajirao se dressa, gonfla la poitrine et laissa s’échapper de son bec un rugissement qui fit écho contre les parois de la grotte. Si son adversaire ne voulait fuir il espérait que ceci l’intimiderait.

D’un coup de nageoire la poissirène s’éjecta hors de l’eau et fonça droit sur Bajirao. Son rugissement ne semblait pas avoir découragé son adversaire. Au contraire, cela lui avait permis de prendre le tiplouf de vitesse. Ce dernier n’arriva pas à esquiver l’assaut et reçut le coup de corne de plein fouet. Il piaillât de douleur et Bahati retint son souffle. Elle était impuissante face à la situation et craignait pour la vie de Bajirao. Mais le petit être n’était pas sans ressources, à peine la poissirène l’avait-elle heurté qu’il ripostait d’un coup de nageoire en plein visage. Le corps du poisson fut projeter dans l’eau mais il ne détala pas. Tenace, la poissirène semblait vouloir poursuivre le combat.

Le tiplouf ne voulut pas laisser à son adversaire le temps de riposter, il s’avança dans l’eau d’un bond et nagea avec zèle en direction de la poissirène. Pédalant rapidement de ses pieds palmés, il s’approcha de son opposant et s’apprêta à frapper de nouveau. Il aurait voulu lui rendre son coup, fonçant avec vitesse, mais quelque chose ralentit sa course. La queue du pokémon poisson remua hors de l’eau et Bajirao fut distrait pendant quelques secondes. La vélocité et, par conséquent, la force de sa frappe diminua alors. Il décocha à la poissirène un coup de nageoire de toutes ses forces. Sur le bord, Bahati observait le combat, espérant que son vaillant  compagnon l’emporte.

La collision fut brutale entre les deux pokémons. Ni le tiplouf ni la poissirène ne semblait avoir pris l’avantage sur l’autre, les coups avaient était rendu avec violence. Bajirao s’était heurté à la corne de son adversaire et le poisson avait le visage endolori par la frappe de son opposant. Le tiplouf recula d’un pas en titubant. Son plumage était tout ébouriffé et il se tenait légèrement courbé, le corps endolori par les assauts. En arrière-plan de cet affrontement, Bahati cherchait frénétiquement dans son sac en toile afin de mettre la main sur la potion qu’elle gardait avec elle. Sa main caressa la surface des pokéballs qu’elle avait également mis dans son sac. Elle se figea quelques instants, pensive. L’apparition de ce poissirène n’avait peut-être rien d’anodin … Se pouvait-il qu’elle lui avait été … ‘envoyée’ ? et que la tâche de Bati était de la capturer ? Une force plus grande qu’elle était-elle à l’origine de cette rencontre musclée ? Elle fut arrachée à ses réflexions par une éclaboussure au visage. Bajirao n’avait pas attendu que sa maitresse lui apporte les soins nécessaires et s’était à nouveau précipité vers la poissirène.