Les alentours étaient de loin ceux que j’appréciais le plus sur l’île. Le volcan, la mystérieuse forêt automnale et cet autel, ces éléments m’avaient rendus amoureuse des lieux. Intimement j’aimais à penser qu’ils étaient ce qui me faisait rester ici. Je ne cessais de m’émerveiller lorsque je tentais de me rendre au pied du volcan. Je n’avais jusqu’à maintenant pas trouvé meilleur lieu de repos que celui au creux de la forêt aux arbres multicolores. C’était d’une poésie qui me dépassait, me transcendait. Mes siestes y étaient toujours plus sereine. Et puis, il y avait cet autel. Celui-là même devant lequel nous venions d’arriver Atlas et moi-même. Je délestais l’animal de mon poids et le laissais comme toujours vagabonder non loin du kiosque.
Je me souviendrais toujours du premier jour où j’avais découvert cette merveille. D’autres autels semblaient être sortis de terre sans laisser la moindre explication plausible. Sans laisser le moindre indice. Juste une beauté flagrante, écrasante. L’autel de la forêt était toujours fleuri. C’était tout du moins ce que j’avais remarqué à mes différentes visites. Puis, comme saisi d’un sentiment qui avait du envahir ceux étant passés avant moi, j’avais fini par ressentir une envie étrange. Celle de venir à mon tour fleurir les lieux. J’avais donné une signification évidente, logique, à mon geste. Chaque bouquet déposé était pour moi le symbolique reflet d’une gerbe que j’offrais à ma Saskia.

Je déposais mes affaires là où Atlas m’avait laissé puis m’avançais tranquillement vers le kiosque. Quelques pas seulement et je pus m’agenouiller doucement pour déposer mon bouquet d’orchidées blanches. Elles étaient pures et rayonnantes, elles me faisaient penser à elle. C’était venu instinctivement. J’avais plus ou moins découvert ces fleurs lors d’une de mes expéditions hors de Kalos. Dans les Verchamps de Sinnoh. Je m’étais empressée d’en cueillir sans m’attirer les foudres des pokémons autochtones. Et voilà comment j’avais décidé que cette fleur serait celle qui me ferait penser à elle. Je lui en avais déjà rapporté de mes voyages et maintenant j’en déposais ici, dans cet autel mystérieux. Un autel à la gloire de l’homme ? Des pokémons ? De leur coopération ? Je n’en savais rien. J’avais cependant le sentiment que je ne froissais aucune entité en faisant cela.
Néanmoins, la première fois, je m’étais sentie bien stupide à me laisser aller à réaliser un tel rituel. Et puis j’avais laissé couler, parce que à part mon impression d’être observée par des yeux minuscules, il n’y avait rien de mal à se laisser porter par le mystique des lieux. Du moins, rien n’allait en ce sens jusqu’à maintenant. Je m’étais jamais fait chasser et aucune malédiction ne me poursuivait inlassablement. Je souriais. « J’espère que tu es bien là où tu es, parce que moi oui. J’aime ce que je fais.  Oh ! Tu vas rire. J’ai réussi à me perdre sur l’île. Oui. Oui. Malgré mon plan. Je me suis retrouvée dans une grotte qui ne me disait rien de bon. Je suis presque sûre d’avoir entendu un fantominus qui cherchait à me hanter. J’ai presque dû supplier Atlas de rebrousser chemin parce que les ténèbres de la grotte ne l’effrayait pas et bien sûr moi… Brrr. Crois-moi, ce n’est pas le genre d’endroit que je t’aurais fait visiter. » J’étirais mes lèvres.
D’un coup, je me mis en penser à un dessin que j’avais fait la semaine dernière. Je me relevais rapidement, pour m’approcher à nouveau du sol au niveau de mon sac. Le carnet en main je me laissais tomber sur l’herbe sèche. « En fait, je pense que je t’aurais fait visiter les grands lacs. Tu aurais adoré. Toutes ces lumières, ce calme apparent alors que ça bouillonne. Il y a quelques jours je suis restée assez longtemps pour voir un geyser. Et je ne parles même pas des coraux. J’ai pu prélever quelques coquillages. C’est comme si il y avait un arc-en-ciel à l’intérieur. Je pense qu’il aurait été magnifique porté à ton cou. Bien plus qu’au mien si tu veux mon avis. Hum le geyser… », je feuilletais le carnet. « Hum où est-il ? Je n’ai pas eu le temps de terminer les détails. Il faudra que je pense à le faire. » Atlas me frôla à une vitesse folle, me coupant dans mon discours avec ma soeur invisible. Je le regardais un instant faire le tour du kiosque. Le kiosque. « Oh ! Mais ça aussi j’ai un dessin en cours. » En réponse à ma remarque, je fouillais dans mon sac pour sortir une palette de crayons colorés. Je ne mettais pas souvent de couleur sur mes croquis. En réalité, j’en mettais lorsque ce n’était pas le premier que je réalisais sur le lieu, de la personne ou du pokémon. J’aimais particulièrement garder une trace brute de mes petites réalisations. J’avais l’impression d’être au plus proche de la vérité en continuant de voir les hésitations de mes traits pour former des courbes harmonieuses. Enfin harmonieuses, au final j’arrivais à reconnaître ce que je voyais sur le papier, donc c’est qu’il y avait forcément une certaine harmonie qui avait fini par se glisser dans mes dessins. Là, j’essayais de rendre au dessin le mystère qui entourait l’édifice. J’avais décidé de jouer sur les lumières. Je m’appliquais à le compléter le croquis à différents moments de la journée. Une lubie bien particulière qui m’avait prise en décidant de rendre ses couleurs au paysage que j’avais griffonné.

Atlas finit par réapparaître, pour s’arrêter face à moi, suite à sprint qui aurait pu inquiéter n’importe quelle personne l’ayant vu se diriger vers elle à une telle allure. Il hennit, frappa le sol. Le lot habituel en fait. « Encore quelque chose qui t’inquiètes mon grand ? » Il me répondit simplement et se mit à tourner autour de moi, doucement. Comme s’il montait la garde. « Je te fais confiance pour ne pas charger si quelque chose apparait. S’il te plait. » Un bruit de naseaux me répondit. Il ne cessa pas son manège lorsque je prenais un crayon blanc dans le but d’éclaircir le ciel de mon dessin. Un bâillement me surpris. Peut-être était-ce le moment de faire ma sieste journalière ?  

Le bâillement passé, je fermais les yeux quelques minutes. Mon esprit me fit alors vagabonder au spa de Steukin. « En voilà une bonne idée. ». C’était de loin le meilleur lieu de la ville. Rempli de boue de certes, mais au moins il n’était pas hanté et vous laissait partir reposé de son enceinte. Sans parler de la communion amusante avec les pokémons une fois que vous étiez bien installé dans votre bain verdâtre. J’avais bien aimé m’y rendre. « J’irais avant la fin de la semaine. » Ce qui en soit me laisse encore pas mal de jours devant moi.
Revenant à ma réalité, le clignais les yeux, légèrement éblouie par le soleil. Mon voyage m’avait fait manquer le départ d’Atlas. « Où est-il encore passé celui-là ? » La réponse me parvint rapidement. Il avait fini par trouver quelque chose dans cet autel, ou disons plutôt quelqu’un. J’entendais le mystérieux visiteur rassurer l’un de ses pokémons que j’identifiais comme un magnifique persian. Il s’approcha alors et me salua. Un sourire se percha sur mes lèvres. J’étais presque admirative de la démarche. Rares étaient les personnes venant vers moi de manière cordiale. En effet, lorsqu’ils venaient, presque, de se faire charger par mon ponyta, soit ils faisaient un détour, soit ils demandaient des excuses, ou même encore un combat. Mais dans ce dernier cas j’avais plutôt eu tendance à fuir en me confondant en excuse, lorsque j’estimais qu’elles étaient méritée. « C’est une belle monture que vous avez là. Gracieuse et majestueuse. » Fière et bourrue, j’aurais plutôt dit. « Je n’ai jamais vu une telle couleur, j’aurais souhaité avoir pareil pokémon à mes côtés. » Mon sourire s’intensifia alors, pendant que Atlas hennissait à nouveau. J’étais contente que l’on me parle du côté anormal de mon pokémon car je trouvais cet aspect de notre faune totalement fascinant. J’étais par ailleurs prête à engager une plus solide conversation sur le sujet, lorsque l’imposant rhinocorne de mon inconnu se manifesta à son tour. Pas par même esprit de fierté que mon équidé par contre. Ce qui me fit me questionner une seconde. L’homme et le pokémon se connaissaient-ils depuis longtemps ? « Ne t’en fais pas, je ne te changerais pas, tu as ta place avec moi. » Un geste affectueux entre eux sembla dissiper le malentendu. Puis l’homme s’approcha un peu plus. Son ton et son visage sembla changer. « Mais, je m’impose, veuillez me pardonner, vous semblez fort occupée avec vos travaux. Je suis uniquement venu découvrir cet endroit, je vais essayer de me faire discret. » Ce à quoi je répondis presque en réprimant un bafouillage inadéquat et inattendu. « Oh.. je… non pas du tout. En fait, c’est un dessin que je fais sur l’année. Donc si le travail n’est pas fait aujourd’hui il sera fait demain. Etrangement, j’essaye de jouer sur la lumière sur toute la saison. C’est un lieu vraiment envoûtant je trouve. C’est difficile de le transcrire sur le papier. » Je posais alors mon crayon dans sa boîte sans pour autant lâcher mon carnet des mains. « A vrai dire, vous ne me dérangez pas du tout. C’est plutôt Atlas qui n’aime pas les inconnus. Il est beau, mais il porte ses couleurs avec une fierté par toujours facile à gérer. » Je regardais l’animal avec un amour tout aussi difficile à gérer car je ne saurais comment réagir si aussi je devais le perdre, ou juste m’en séparer. Mon attention se reporta très rapidement vers mon interlocuteur. « C’est donc la première fois que vous venez ici ? » demandais-je alors, curieuse de part ses dires. Manquant à la règle d’attente de réponse, comme à mon habitude j’enchainais de suite. « En fait, vous n’avez pas l’air originaire de l’île ou vous ne l’habitez pas depuis très longtemps, si je puis me permettre. Sinon vous sauriez qu’il existe un parc à Miranoir, à Waurlhaul. Vous devriez y trouver des pokémons tel que mon Atlas. Pour dire vrai, je ne le connais que sur les brochures, je ne m’y pas encore rendue. Mais cela ne saurait tarder ! Le parc a ouvert cet été, c’est assez récent en fait. Il paraît que l’on peut y trouver une faune clairement chromatique si l’on a de la chance. De quoi voir des merveilles ou offrir de nouveaux compagnons à son équipe.» dis-je en terminant un regard vers le Rhinorcorne pour le rassurer. Il semblait craindre d’être abandonné et je ne souhaitais surtout pas créer de troubles entre lui et son dresseur. Hum dresseur ? Pouvait-on réellement parler de dresseur ? L’accoutrement de l’homme me laissait dubitative surtout en pleine forêt. Il était bel homme, il n’y avait rien à redire sur cet aspect. D’ailleurs, son visage ne me semblait pas inconnu. Mais était-ce réellement adéquat que de se promener en plein sur la route cinq dans une telle tenue ? J’émettais un doute. Après tout peut-être revenait-il d’une cérémonie, ou bien comptait-il s’y rendre en fin de soirée. Cependant, cela ne répondait à ma question : avais-je un potentiel dresseur en face de moi ? Pour dire vrai, il semblait avoir une partie de ses plus belles années derrière lui. J’étais néanmoins plus que bien placée pour savoir que l’âge ne voulait strictement rien dire. Combien de personnes m’avait croisées me croyant perdue ou bien la recherche d’un bambin que j’aurais pu égarer dans la forêt ? Beaucoup trop à mon goût. Comme si je pouvais un jour développer une fibre maternelle. Ridicule. Je voyais déjà Saskia rire de moi et de ma maladresse.