Du gris. Du blanc. Du gris, et puis encore du blanc. C'est une immense palette trop claire qui s'étale sous ses yeux, à perte de vue, à chaque pas qu'il fait dans la neige qui crisse doucement. Et à part ce con étouffé, régulier, accordé à ceux d'Aura, c'est à peine si on entend leur souffle chaud s'échapper de leurs bouches, ce souffle qui se transforme en vapeur toute aussi pâle que le paysage, tout aussi pâle que Aura. Aura, sa coéquipière, celle pour qui il avait fait la grimace au début, il ne voulait pas d'un partenaire. Que ce soit une femme lui importait peu, mais cela lui aurait trop rappelé ses aventures à Céladopole, avec Dae Hyun. Et à l'époque, il le pensait encore mort, ou loin de Miranoir. Il ne pensait pas qu'il le croiserait au hasard quelques mois plus tard. Il ne pensait pas que les choses tourneraient de cette manière. Oh, il lui en avait un peu parlé. Aura, c'était à peu près la seule dont il était la plus proche en ce moment. Elle l'écoutait sagement, le motivait, et en échange il était là, ils s'étaient parfaitement adaptés à leurs présences. Elle pouvait paraître si froide, si réservée, mais Seung la voyait juste comme une femme forte et calme, posée, réfléchie. Il l'observe, elle marche à côté de lui dans le froid polaire, sans dire un mot, sans se plaindre, comme lui. Ils sont là pour patrouiller, ils patrouillent, sans rechigner. Le seul réel danger ici serait la neige. Elle pourrait tout balayer, leurs traces, leurs repères, balayer leurs existences. Ils savaient ce qu'il en était, en entrant dans la team Shelters. Que ça ne serait pas une partie de plaisir. Et Seung comme Aura, surveille le ciel, blanc, blanc, blanc comme neige, ce décor en devient aveuglant. Le vent se lève, faisant voler la poudreuse qui s'abat sur eux, sur leurs visages, leurs habits, la forêt veut aussi les engloutir dans cette pureté immaculée. Il jette un regard à Aura, elle lui répond de même, avant d'accélérer. Sa main vient attraper son poignet bien à l'abri dans les gants, il la suit à travers les arbres à l'apparence laiteuse, à travers ce tapis blanc qui s'amoncelle encore et encore, et eux ils avancent là-dedans, pâles tâches de couleur dans ce monde d'albâtre. Le silence est remplacé par le souffle du vent, du blizzard, il s'impose, toujours plus fort, et pour peu il aurait emporté les paroles de Aura au loin sans que Seung ne les comprenne. « J'ai vu une grotte, à l'ouest... » Il scrute les environs de plus belle, il lui fait confiance, il aurait pu la suivre les yeux fermés, mais elle a bien raison de se diriger vers cette grotte pour les abriter. Elle lui semble loin, bien loin, et bien cachée, il leur faut une éternité pour enfin échapper à ce vent glacial et enneigé, pour se poser, souffler. C'est plus fatiguant qu'il n'y parait de marcher dans la neige. Et le jeune homme observe leur abri de fortune, une caverne creusée dans la glace sans doute, les parois sont aussi éternellement blanches que le reste. Il a l'impression de devenir aveugle, ou de voir le monde perpétuellement blanc, comme elle le voit gris. Des nuances de gris, encore et encore, même s'il n'en sait rien. Même s'il ne se doute de rien Et c'est en pensant à ce blanc immaculé qu'il est assis là, à contempler la tempête de flocons, se frictionnant machinalement le bras ou les jambes à travers la tenue et le manteau épais qu'il porte. « Il est encore tout proche. » Sa voix douce crève le silence, il hoche la tête. Ils ne sont pas venus patrouiller du vide. Un Ursaring en colère est sûrement dans le coin, ils l'ont entendu, il essaye de ne pas y penser, pas alors qu'ils sont coincés ici. Oh, il ne s'inquiète pas pour la tempête. Il a Ignis, ils pourront sortir. Et Mélo pourra les soigner, quand bien même il rechignerait à la sortir dans un temps pareil. Il baisse les yeux sur elle. Elle n'a pas peur, elle non plus, posée contre la roche glacée, il croise son regard, elle approche, comme d'habitude elle semble si calme, si concentrée. « Seung... Tu as déjà entendu parler de l'aura ? » Il dut cligner des yeux un instant, surpris. Aura, c'était son prénom, il l'avait bien compris, mais il n'était pas bête au point de lui rétorquer ça. Non, il savait combien les noms pouvaient avoir des significations étranges, ou cachées. Et après un court silence, il souffle. « Non... Je suppose que c'est en rapport avec ton prénom ? » Il a décroché son regard, il l'a reporté sur le blizzard. Sur une potentielle menace quand bien même si un ours se pointait, il serait trop tard quand ils le verraient. C'est étrange qu'elle lance la conversation d'elle-même. Généralement, ils échangent à peine quelques phrases. Alors il la laisse faire, il la laisse continuer, prendre son courage à deux mains, alors qu'il réfléchit. L'aura. Ça ne lui dit rien. Il n'a pas beaucoup vadrouillé à part Kanto et Miranoir, il n'a pas pu découvrir ça. Il n'est pas trop tard.

Il reste le regard rivé sur cette mer blanche tempétueuse. Les yeux perdus dans cette immensité blanche, à se dire qu'ils sont comme des naufragés sur une île déserte, à la merci des éléments et des flocons qui se déchaînent. Peut-être d'autres pokémons sont-ils réfugiés au fond de cette cavité, comme eux, pour y échapper. Au froid, comme à l'Ursaring, si c'en était bien un, qui chercherait à les croquer. Ah parfois, la nature était bien cruelle. Il ne dit rien, et bientôt c'est Aura qui crevait le silence, elle n'avait pas particulièrement le ton des révélations, elle avait toujours une voix calmée et posée, monocorde, mais voilà qu'elle le questionnait sur l'Aura. Comme son prénom, comme une coïncidence. Mais Seung n'y croyait pas trop. Alors il lui jette un regard, alors qu'elle soupire.
« Pas vraiment. » Sa bouche lâcha un oh muet. Il la laisse parler, sans doute bien que le moment n'est pas bien choisi, mais après tout, ils doivent attendre. Se plier à l'ordre de la nature. « C'est une vieille légende à Sinnoh. Elle dit qu'autrefois, les humains et les pokémons partageait un pouvoir commun, qui était l'aura. Il leur permettait de lire dans le cœur des autres, et de ne jamais se perdre, autant au sens propre que figuré. » Il ne rajoute rien, ne la regarde même pas, sourcils froncés, yeux rivés sur la mer de glace. Quelque chose cloche, il ne savait pas quoi. Et pourtant il prenait le temps de méditer ce qu'elle lui révélait. L'Aura. Pourquoi lui parlait-elle de ça, si ce n'était pour... « Je maîtrise l'aura. » Ne jamais se perdre, hein. Il comprenait alors comment elle l'avait guidé jusque ici, comment elle pouvait si bien se battre, être si calme. Oh, un pouvoir pareil, ça lui plairait. « Mais tu ne peux pas nous sortir d'ici avant que le blizzard se soit calmé ? » murmure-t-il à son tour. Il se doutait que sinon elle l'aurait fait, mais il est vite coupé par un cri. Un cri sourd, profond, un peu terrifiant. Ce n'était pas un Ursaring. C'était bien plus gros, plus dangereux. « Il est tout proche... » Son coeur tambourina un peu plus fort. Pas qu'il avait peur, loin de là, il était certain qu'Ignis pouvait gérer un tel pokémon, mais Aura lui fait signe de se coller contre la paroi froide, trop froide, et il ne voyait toujours rien. « C'est un Blizzaroi. » Tout doucement, elle désigne un point au loin, là, au milieu de la pureté de la tempête, et il ne distingue rien, il ne cherche pas à voir. Il la regarde, elle semble si concentrée, si ailleurs... Elle le voyait donc, elle. Avec cette Aura. Ca lui plairait. Il serait un élève attentif avec Aura, il apprendrait avec assiduité. « On dit que c'est eux qui déclenchent les tempêtes de neige... Au moins, il ne viendra pas ici. » Ah, il semblerait que les dires soient justes, il est proche, trop proches, il les a peut-être sentis, mais la caverne est bien trop petite pour un Blizzaroi. Un monstre de sapin et de neige emmêlés ne passerait jamais, à moins de se pencher et encore... Ils étaient un minimum à l'abri. Seung hoche la tête, serrant la pokéball de Mee Na et Ignis dans sa poche, résistant à l'envie de sortir ce dernier de sa ball pour les réchauffer. Il fallait être silencieux, calme. Ne pas l'attirer. De longues minutes s'écoulèrent, écrasées par un lourd silence entrecoupé par le vent mordant, jusqu'à ce qu'il murmure « Il est parti ? Je ne le vois pas... Mais j'aimerais bien. Tu m'apprendrais ? »