« Merci mille fois Graham, comment pourrais-je te remercier ? »

C’était avec ces mots que la vocation de Graham était née. La fierté ressentie lorsqu’il avait résolu une affaire et aidé une pauvre âme en détresse lui semblait la plus belle sensation au monde. Il n’avait que neuf ans alors, mais cela lui sembla comme évidence : aider les gens dans le besoin serait un jour son métier. Aîné d’une fratrie de deux, Graham avait toujours été particulièrement protecteur avec sa petite soeur de toute façon, et ce malgré son gabarit de crevette et sa tête de poussin sorti de l’oeuf. Il fallait dire que Graham n’avait jamais rien eu d’intimidant et ses camarades de classe n’avaient jamais adhéré à ses proclamations incessantes sur une futur position d’agent secret, son rêve d’enfant. En même temps, Graham était un grand rêveur, et il n’était pas rare qu’on doive le rappeler à l’ordre lorsqu’il s’égarait un peu trop dans ses rêveries. Mais sa détermination sans faille ne laissait aucun doute aux plus sages qu’il se rapprocherait forcément de son rêve un jour.

Habitant Féli-Cité sur l’île de Sinnoh, il fut d’ailleurs confronté aux problèmes de vols et petits crimes que pouvait subir une grande ville. Enchaînant les bonnes actions pour l’argent de poche autant que pour le plaisir d’aider, il devint rapidement connu dans le quartier comme un gamin un peu excentrique mais attachant. Il s’intéressait d’ailleurs aux Pokémon, et rencontra dans l’une de ses aventures celui qui deviendrait son premier Pokémon : Cradopaud. Cradopaud n’avait rien du starter idéal, là où les jeunes de son âge commençaient leur voyage initiatique avec de petits Pokémons mignons. Cradopaud n’était pas très beau, et pour tout dire il ne sentait pas très bon non plus. Mais il était un compagnon agréable et semblait comprendre tout ce qu’on lui disait. Il le suivait dans ses histoires avec un intérêt amusant et était devenu son sidekick préféré.

Ce fut d’ailleurs grâce à Cradopaud qu’il fut remarqué pour la première fois par un officier de police et qu’il fut invité à visiter les locaux. Les années passèrent, et Cradopaud et lui gagnaient une réputation de duo de choc. Ses études étaient toutes tracées, et il n’eut aucun mal à devenir agent de police pendant quelques années, toujours aux côtés de son fidèle acolyte. C’était un bon élément mais on lui reprochait parfois son côté un peu éparpillé et étourdi. Malgré toute sa bonne volonté, il pouvait parfois se montrer maladroit, gaffeur ou un peu trop bavard dans son embarras et il arriva qu’il ruine à lui tout seul quelques affaires sur lesquelles il se trouvait. Il avait encore beaucoup de chemin à faire, et revoir d’anciens camarades de classe signifiaient souvent subir leur ricanements lorsqu’il évoquait son métier et sa passion. Ceci dit, il avait toujours eu la force d’être hermétique à ses critiques, et à suivre aveuglément la route qu’il se trouvait toute tracée.
C’est ainsi qu’il finit par intégrer les Forces de la Police Internationales, et ce non sans une certaine fierté. Il a monté les grades lentement mais sûrement, et brillant souvent par sa façon assurément créative de résoudre les affaires. Il savait que ses méthodes n’étaient pas toujours appréciées, qu’elles pouvaient sembler farfelues à ceux qui chérissaient la discipline et l’ordre alors que le résultat seul lui importait. Mais on ne le lui reprochait jamais, car il s’attirait généralement la sympathie des gens, et sa bonhommie le faisait s’apprécier de bien du monde. Sa montée des échelons était donc souvent ralentie par ses supérieurs, mais son optimisme et sa détermination sans failles ne pouvaient que le faire avancer.

Quelques années plus tard cependant, une bavure vint entacher son dossier d’agent, et il perdit son Cradopaud bien aimé à la suite d’une maladresse. L’affaire, qui en soi n’avait pas fait tant de bruit que ça, avait eu pour lui des conséquences dramatiques. Elles le poussèrent dans une dépression, et il finit par quitter son poste pour créer son propre bureau d’affaires et de détective qu’il basa à Sinnoh. De là il pouvait se consacrer coeur et âme aux cas qui lui semblaient les plus importants, et il agissait souvent dans l’ombre. Il voulait honorer ses convictions et son amour pour son Pokémon en faisant les choses selon ses principes, et il n’eut jamais autant d’aventures et de succès que depuis qu’il s’était mis à travailler pour son propre compte, plus ou moins. Il sillonna toute l’île de Sinnoh qu’il connaissait par coeur, Unys, et même Kalos où il ouvrit un autre bureau à Illumis. Tout semblait aller pour le mieux pour lui, et il commença sérieusement à s’intéresser aux Team qui faisaient leurs lois dans les différentes régions. Une team, en particulier, avait attiré son attention : la Team Galaxie, celle qui sévit dans sa région d’enfance.
Son intérêt grandissant se mue alors en obsession, et arrêter Helio dans son entreprise aussi folle que sa coupe de cheveux devient sa priorité. Graham va jusqu’à se mettre dans des situations aussi improbables que d’habitude pour en apprendre le plus possible sur eux, et jusqu’à se joindre à des enfants en voyage Pokémon pour se faire aider. En même temps, ami des Pokémon au grand coeur qu’il était mais piètre combattant, il n’était pas toujours à la hauteur de tels combats avec les plus grands commandants de la team : Mars, Saturne, Jupiter et Pluton.
Et pourtant malgré tous ses efforts, Helio lui avait toujours échappé et le laissa frustré à jamais. C’est en menant donc ses sbires au Quartier Général des forces de l’Ordre qu’il rencontra Cynthia, la maîtresse de Sinnoh, celle qui finirait ancrée pour toujours au fin fond de sa mémoire pour des raisons qui lui échapperaient probablement.

Il fit d’ailleurs de même avec les six sages de la Team Plasma à Unys, et la Team Flare à Kalos. Mais malgré son attitude fonceuse et expansive, c’était une âme très humble qui préférait partir avant de subir toute louange.


Port de Poivressel.

« Goélise, pistolet à eau ! »

La puissante sensation du jet d’eau sur son visage le réveilla soudainement et il se redressa essoufflé devant un petit groupe de personnes qui l’avaient vraisemblablement trouvé. La panique s’empara rapidement de lui lorsqu’il ne reconnut aucun de ces visages, ni l’endroit où il se trouva. Commença la période la plus douloureuse et troublante de sa vie. Il fut gentiment amené à l’hôpital de Poivressel où on lui fit passer des tests et où on diagnostiqua rapidement une amnésie grave. C’était bien le cas. Seul son badge caché dans la poche intérieur de son grand manteau attestait de son nom et sa profession. On le transféra donc à Féli-Cité dans l’espoir qu’il retrouve la mémoire, mais rien qu’il ne vit ou retrouva dans son ancien appartement ne changea quoi que ce soit.
La nuit, il faisait des rêves étranges, et la lueur de folie passionnée qui habitait toujours son regard s’était éteinte. Il n’était plus le même homme. En même temps, il ne savait pas quel homme il était, et personne ne semblait pouvoir lui répondre. Seul un visage lui revenait en mémoire, et un nom : Cynthia. Il apprit bien vite que ladite Cynthia était la Maîtresse de Sinnoh, et qu’elle n’était inconnue à personne dans le pays. Ce fut le seul point positif qu’il voyait. Il devait la retrouver. On tenta de l’en dissuader rapidement, en lui indiquant qu’il avait pu la voir à la télé ou bien une demie-seconde dans la rue. Mais il était convaincu que non, au fond de lui. Il savait que cette Cynthia pouvait apporter les réponses à ses questions. Et comment oublier le sourire qu’elle lui avait adressé ? Cette image revenait sans cesse dans ses rêveries. Le sourire de Cynthia.

Alors lorsqu’il apprit que Cynthia était partie sur une île du nom de Miranoir, il cessa toute activité et partit pour l’île paradisiaque à son tour. Son amnésie était très difficile à vivre et le rongeait de jour en jour. Il n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait dire à cette Cynthia si elle finissait par se trouver en face de lui. À vrai dire, il n’y pensait pas une seule seconde. Il espérait juste que la revoir et lui parler pourrait lui ramener son identité perdue et tant recherchée.