La pluie n'a pas arrêté de tomber, une très fine bruine presque miraculeuse, juste pour quelques minutes de répit au milieu du temps lourd et chaleureux de Saprule. Il fait nuit noire, seuls quelques lampadaires éclairent la rue où Dae Hyun est planté. Il ne craint plus l'orage depuis qu'il est dans la Team Galaxie. Étrangement, il ne craint plus grand chose, et il est persuadé que Mars y est pour quelque chose. Cette nuit, c'est la première fois qu'il sort du Callisto. Une occasion spéciale, aussi rare que cette pluie là. Tout est sombre autour de lui. Il s'est habillé en blanc, sans même en avoir conscience, ses cheveux sont collés à son front, le maquillage coule de ses yeux clos. Pourquoi il reste comme ça, debout sous la pluie fine, le visage éternellement tourné vers le ciel ? On ne peut même pas voir les étoiles depuis Saprule. La pluie va bientôt s'arrêter. Et laisser place à un soleil de plomb dès que la lune lui laissera sa place. Tout redeviendra comme avant pour Saprule. Et lui... Il ne sait pas. Il ne sait plus rien. Les choses sont allées si vite... Il y a à peine un an de ça, il était à Kanto, c'était la belle vie. En apparence, n'est ce pas. Il souriait, au moins. Il s'amusait, faisait presque ce qu'il voulait. Maintenant, il se retrouve enrôlé dans une team alors qu'il n'en a pas la moindre envie, où on se servait de lui contre son gré, où on ne le voyait plus comme un être humain mais bien comme un pion, ce qu'il abhorrait. Sans même parler de la présence dérangeante de Mars, et de celle, dangereuse, d'Arzhael. On avait mis fin à ses espoirs, on avait écrasé ses maigres rêves d'un coup de poing, on avait arraché ses promesses comme on avait arraché son insigne de ranger. Mais ce n'est pas grave. Il s'est fait une raison, aussi. Non, il ne pourra pas redevenir quelqu'un de bien. C'était impossible, et ce n'était que maintenant qu'il le réalisait. Pourtant, il avait essayé, en devenant un ranger, en tentant de nouer un lien avec Lily. Son cœur est lourd et il ne sait pas pourquoi. Les remords, les regrets ? La tristesse peut être. Un soupir lui échappe, souffle sur son visage. Il regarde autour de lui. La rue, vide, les flaques qui recouvrent le sol, lui au milieu. Il était sorti de chez lui, à Paoles, s'était fait surprendre par l'averse mais n'avait pas couru à l'abri, non. Une mélancolie indescriptible s'était emparée de lui, l'avait stoppé sur place. La colère remontait en lui, serrait son ventre. Il avait envie de hurler, mais il ne pouvait pas. À quoi bon ? Un second soupir, plus douloureux, plus difficile. Une nouvelle réalité le frappait. Il n'avait sa place nulle part. Retourner chez lui à Kanto ? Il avait vendu la maison familiale aussi vite qu'il l'avait pu. Kanto n'était plus une maison pour lui. Aussitôt, un visage s'imposa à sa mémoire et il fronça les sourcils, secoua la tête. Non. Il avait fait tout ce qu'il pouvait pour l'oublier. Il était parti comme un voleur, sans donner de raisons, sans même dire au revoir. Pendant la nuit. Alors qu'Il dormait. Dae Hyun le connard. N'est ce pas ? Il était nul. Il avait tout pour lui et il avait balayé son occasion d'un revers de la main négligeant. Alors certes, Kanto n'était plus sûr pour lui. Mais il y avait Lui. Maintenant qu'il y repensait, il était sûr qu'Il serait venu avec lui à Miranoir. Ils étaient inséparables. Peut être qu'ils s'aimaient, finalement. Même s'ils se le cachaient. Ils le savaient mais en même temps... L'autre n'était pas censé le savoir, voilà. Ils continuaient à se mentir. Et finalement... Dae Hyun était parti. Il avait soudainement envie de mourir. Il ne le reverrait plus jamais. Est ce qu'il avait vraiment envie de le revoir ? Non. Il n'en avait pas la moindre envie. Sa place n'était plus nulle part, il l'avait balayée elle aussi en partant pour Miranoir.

C'était lui le problème, finalement.

Il produisait ses propres problèmes, causait sa propre perte. Idiot, idiot, idiot. Il ne savait pas comment se satisfaire lui même, et ne voulait pas de l'aide des autres. Il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir seul et en même temps il s'isolait volontairement. Quel crétin. Dae Hyun se détestait. Ça n'avait pas vraiment changé, il s'était toujours détesté. Il agissait à l'instinct, disait des choses qu'il regrettait ensuite et ne cherchait jamais à s'excuser. Une vraie machine à problèmes. Un petit con. Vraiment. Soit il regardait les occasions passer sans même penser à les saisir, soit il les balayait d'un revers de la main. Simplement. Et ça avait toujours été comme ça. Il avait besoin de quelqu'un pour l'aiguiller, pour lui dire quoi faire, comme un parent avec son enfant. Avant, c'était... Un éternuement assez brusque interrompit le fil de ses pensées, le faisant revenir parmi les vivants, dans la réalité.

Et puis, un mouvement à sa droite, à quelques mètres. Il tourne la tête. Le visage qui se présente à lui est bien trop familier. La panique enserre son coeur mais il est figé. Tétanisé. Son regard croise celui de l'autre homme. Seung. C'est lui. C'est réel. Dae Hyun a pâli considérablement, mains tremblantes. Non. Il ne veut pas faire face à ça. Il voit dans le regard de l'autre qu'il l'a reconnu.

Alors, il se retourne et se met à courir. Comme un fou. Comme si ça pouvait lui permettre d'échapper encore un peu plus à la réalité.

Il était juste derrière lui, il l'entendait parmi les bruits de sa respiration erratique, les battements de son coeur qui résonnaient contre ses tempes, la pluie qui tombait autour d'eux. Dae Hyun avait du mal à se rendre compte de la situation. Seung était là. Seung était prêt de lui. Combien de fois avait-il souhaité retourner à ses côtés depuis qu'il était arrivé à Saprule ? Beaucoup trop souvent. Mais en tous cas, pas maintenant. Il savait ce qui allait se passer maintenant. Seung allait hurler, Seung allait frapper, il allait utiliser tout ce qu'il pouvait pour passer la rage qu'il avait contre lui. Ce fut au moment où Dae Hyun glissa sur le sol humide que Seung le rattrapa par la manche, le plaquant violemment contre un mur. Le soudain manque d'air le fit tousser difficilement, mais bien vite il se faisait tout petit entre Seung et le mur, mort de peur. Il savait parfaitement ce qui allait suivre, et il n'arrivait pas à se préparer mentalement.

« Qu'est ce que tu fais ici ?! »

Le coup le sonna un instant, brisant quelque chose en lui. Avant, Seung ne l'aurait jamais frappé. Il n'en avait tout simplement pas le droit. Maintenant, il avait l'impression que les rôles s'étaient presque inversés. Dae Hyun était mort de peur. Mais il était aussi mort de honte. Comment avait-il osé faire ça à Seung ? C'était la question qu'il se répétait encore et encore. Il avait envie de s'excuser, de se mettre à pleurer et de demander pardon à Seung autant de fois que c'était nécessaire. Mais ce n'était pas comme ça que cela marchait, pas vrai ? Il ne s'en sortirait pas comme ça, et la haine de Seung ne faisait que nourrir la sienne. Il siffla presque, fusillant Seung du regard en le repoussant violemment :

« Lâche moi ! J'chuis pas obligé de te répondre ! »

Il essayait tant bien que mal de se donner une contenance, d'avoir l'air menaçant comme il le faisait si bien avant. Mais il était pathétique. Ça se voyait dans ses yeux brillants de larmes et de peur, se sentait dans sa voix tremblante. Il se prépara à un autre coup de Seung, crispé, ses bras prêts à se tendre devant lui pour protéger son visage.

Saïph ne juge pas son intervention utile. Il sait que c'est quelque chose qui ne le concerne pas, et qu'il ne devrait pas s'y impliquer. Pourtant, voir son originel souffrir autant le fait bouillonner, sans même qu'il ne comprenne pourquoi. Pour qui cet inconnu se prenait-il ? Il n'avait pas le droit de faire du mal à Dae Hyun comme ça. Et Dae Hyun pleurait, oh comme il se lamentait, les maux de son esprit résonnant autour de Saïph.

Les doigts de Seung se posent sur sa gorge, son toucher est brûlant et Dae Hyun est comme consumé à la seconde où il pose sa main sur lui. Saïph sait que c'est son influence, que les choses qui lui plaisent commencent à plaire à Dae Hyun aussi, mais il sait qu'il ne doit pas interférer. Dae Hyun doit affronter la colère de Seung seul. Mais Dae Hyun est terrifié, trop d'émotions se bousculent dans son crâne, il ne sait pas comment réagir et doit probablement montrer ses faiblesses à Seung comme un livre ouvert.

« Tu crois vraiment que tu n'es pas obligé de répondre ? Tu crois vraiment que j'vais te laisser fuir, te laisser tranquille après que tu m'ais abandonné ? »

Le coeur de Dae Hyun se brise. C'est vrai. Il l'a abandonné. Il est parti, sur un coup de tête, sans même dire au revoir, sans prévenir, sans dire où il allait. Tout était de sa faute. S'il était resté à Kanto, ou s'il était parti avec Seung, rien de tout cela ne serait arrivé. Ils seraient toujours ensembles, peut être qu'ils se seraient enfin dit ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre... Peut être qu'ils auraient cessé de se mentir. Saïph avait su tout de suite que Dae Hyun aimait encore Seung malgré tout. Peut être que c'était pour ça qu'il était parti, aussi. La main de Seung appuie douloureusement sur son torse et son autre main vient agripper ses cheveux, le faisant relever la tête. Le contact visuel fait mal à Dae Hyun, il cherche à fuir, encore, malgré Saïph qui lui dit de garder la tête haute, de faire face. Mais Dae Hyun n'y arrive pas. Il baisse le regard presque naturellement, sentant les larmes lui piquer les yeux. La voix de Saïph est douce dans son esprit, "ne pleure pas.". Celle de Seung le fait sursauter, comme si elle répondait à celle de Saïph.

« Je te déteste, Dae. Je te déteste de toute mon âme. »

Ces mots brisent Dae Hyun encore un peu plus, et ses dents se serrent, son corps se crispe, comme s'il avait pris un violent coup. Un long silence. Un sanglot secoue le corps de Dae Hyun et il entend Saïph soupirer désespérément. Dae Hyun n'apprend jamais. Il sait qu'il ne faut pas laisser ses émotions transparaître mais... Les sanglots continuent de le faire trembler, il ne prend même pas la peine de répondre à Seung pour l'instant, levant les mains pour essuyer ses larmes maladroitement, alors qu'elles se mêlent à la pluie qui s'écrase sur son visage. Finalement ses mots sortent dans un gémissement douloureux, plaintif.

« Je suis désolé, je voulais pas... J'ai pas réfléchi, j'aurais du te prévenir... Je suis trop con... »

Il lui dit tout ce qu'il a sur le coeur depuis qu'il est parti et qu'il s'est rendu compte de sa monumentale erreur. Mais il sait que ce ne sera pas suffisant. C'est évident. Si Dae Hyun aime encore Seung, Seung hait Dae Hyun. Il l'a dit lui même. Dae Hyun se prépare à recevoir une réponse cinglante, essayant de calmer ses pleurs.

Dae Hyun s'accroche à Seung désespérément, sous le regard interloqué de Saïph. Alors c'était ça, l'affection ? L'amour pour quelqu'un ? Ça ressemblait à ce qu'il ressentait pour Mars, mais en différent... Et Saïph ne comprenait pas. Il regardait Dae Hyun et Seung et se disait que son originel était vraiment faible pour laisser l'autre lui faire du mal comme ça. Mais ses sentiments étaient tellement forts, tellement présents, ils consumaient chaque parcelle de Dae, le rendent si faible, si vulnérable. Ce qu'il ressent pour Seung est indescriptible, peut être plus fort même que l'adoration que Saïph porte à Mars. Il l'aime, Seung lui a tant manqué... La peine qui pèse sur son coeur s'efface un peu lorsqu'il regarde Seung le protéger de la pluie en l'enveloppant dans sa veste. C'est un geste tendre, comme avant. Dae Hyun avait envie de pleurer de plus belle, ça faisait trop longtemps que Seung n'avait pas eu de geste tendre envers lui. C'était trop beau, trop miraculeux, et il se demanda un instant s'il n'était pas en train de rêver. Si depuis le début il était juste endormi et qu'il était toujours allongé sur son matelas pourri dans l'appartement qu'il partageait avec Seung à Kanto. Tout aurait été si simple si ça avait été le cas. Mais la pluie qui battait contre son visage l'assurait du contraire. Tout était bien vrai. Seung glissa ses doigts contre son menton et il sursauta, surpris, un peu craintif aussi. Il aurait pu juste être en train de le feinter. C'était possible. Avec Seung tout l'était, Dae Hyun l'avait appris pendant ces années de vie commune. Leurs lèvres se rencontrèrent finalement et ce fut comme le renouveau. Tout était plus clair à présent. Il avait répondu instinctivement au baiser, l'approfondissant automatiquement. Il voulait lui prouver qu'il l'aimait encore, que ce n'était pas fini, qu'ils avaient encore de belles années devant eux où ils pourraient s'aimer autant qu'ils le voudraient. Pendant un instant la Team Galaxie n'existait plus, Saïph non plus, Lily non plus. Il n'y avait que Seung, et seulement lui. Il n'y avait qu'eux deux. Ils s'embrassaient sous la pluie comme dans les films romantiques qui passaient en soirée à la télé. Les deux amants maudits. Ah ça ils l'étaient... À peine retrouvés qu'ils devaient déjà se séparer. Les larmes recommencèrent à noyer les joues de Dae qui alla crisper ses mains contre le haut de Seung, prolongeant le baiser avec la force du désespoir, comme s'il allait disparaître quand ils se sépareraient. C'était un baiser qui lui criait de rester, qui lui hurlait de le soutenir et qui priait pour que tout redevienne comme avant. C'était un baiser désespéré, un baiser qui avait le goût de fin du monde. Et Dae Hyun pleurait. Il pleurait comme jamais auparavant, et quand ils furent forcés de se séparer, il rouvrit les yeux en pleurant de plus belle, gémissant sa peine tant qu'il le pouvait.

« Seung, Seung j't'en supplie repars pas. Reste avec moi, j'ai trop peur tout seul je veux pas que tu repartes, je veux pas que tu me laisses seul... »

Il semblait inconsolable et s'accrochait à Seung avec toute la force dont il pouvait faire preuve. C'était horrible à quel point il s'était senti seul et perdu jusqu'à ce qu'il revienne. Il se passa la main nerveusement dans ses cheveux trempés, les rabattant sur son crâne. La respiration erratique, il était littéralement en train de faire une crise de panique, son coeur s'affolait, il avait du mal à respirer. Et pourtant il continuait de pleurer, encore et encore, décomposé dans les bras de Seung.

« Me laisse plus jamais, j't'en prie... »

Il essayait de calmer sa respiration affolée, en vain. Et sur Saprule la pluie ne tombait plus.

La pluie s'est arrêtée depuis quelques minutes déjà, mais malgré ça Dae Hyun grelotte, tremble de tout ses membres. Est ce que c'est à cause de la pluie, ou de la peur ? C'était difficile à discerner, et il reste accroché à Seung comme s'il allait mourir s'il le lâchait. Ses jambes n'arrivaient pas à se figer, il menaçait de tomber d'un instant à l'autre. Il renifle, lève la tête pour regarder son amant. Était ce encore juste de l'appeler comme ça ? Il espérait que oui... Il ne pouvait voir Seung autrement que comme son amant, quelqu'un qui l'aimait et qu'il aimait, celui qui faisait battre son cœur encore et encore malgré toutes les merdes qui lui arrivaient en ce moment. Et Arceus savait que ce n'était pas fini... Et Dae Hyun comme Saïph le savait, intérieurement. C'était obligé que les choses allaient continuer à se gâter.

« Allons nous mettre au chaud... Tu vas tomber malade. »

La voix de Seung est douce dans ses oreilles, aussi agréable que lorsqu'ils étaient plus jeunes, que lorsqu'il était encore à Kanto. Dae Hyun ne répond rien au début... Il pense à peine à ce que Seung lui raconte, en vérité. Il pose ses mains sur les épaules de l'autre homme, les crispant contre sa chemise trempée, se hausse sur la pointe de ses pieds et l'embrasse à nouveau. Un baiser doux, où leurs lèvres se touchent à peine, où leurs regards sont l'un dans l'autre. Un baiser d'amoureux tristes, le baiser de ceux qui savent qu'ils vont bientôt devoir se quitter, contre leur gré. Et puis, Dae Hyun éternue bruyamment, forcé de baisser vivement la tête. Ça tranche avec ce moment romantique qu'ils commençaient à partager, mais ça a le mérite de lui arracher un sourire. Ça faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas sourit de bon cœur. Après un petit soupir de contentement, il se love contre Seung, profite de sa chaleur, de son odeur, il profite de la sensation de le retrouver et d'être enfin à nouveau à lui. Ses mains descendent chercher les siennes et il entremêle leurs doigts avec plus de tendresse que jamais. Ses bagues pressent contre les phalanges de Seung. Il sent leurs souffles se mêler, tout est silencieux autour d'eux. Seuls les clapotis d'eau, vestiges de la pluie miraculeuse qui avait rafraîchi l'air de Saprule, se faisaient entendre. Les gens avaient fermé les volets et tiré les rideaux, la lune était haute dans le ciel. Il devait être trois heures du matin, si ce n'est plus. Dae Hyun prend enfin en compte les paroles de Seung. Se mettre au chaud ? Volontiers, il était frigorifié. Mais où ? Il y avait un centre Pokémon à Saprule, mais à trois heures du matin, il supposait qu'il était fermé... Et surtout, il était à l'autre bout de la ville. La flemme de marcher le prit soudainement et Dae Hyun soupira, gonflant les joues comme à son habitude.

« Le centre Pokémon est trop loin... »

Est ce que c'était dangereux d'emmener Seung au Callisto ? Probablement. C'était comme lorsqu'il ramenait des garçons à la maison alors que ses parents étaient là et qu'il devait absolument esquiver son père. Sa mère ? Boarf, elle ne lui faisait pas peur. Son père par contre... Rien que d'y penser, une petite goutte de sueur roula le long de sa tempe. Ou alors c'était la fièvre qui le rendait comme ça. Ou alors c'était simplement une goutte de pluie. Il regarda Seung pensivement, leva une main pour la passer dans les mèches brunes, le plaquer contre son crâne.

« On a qu'à aller chez... Enfin, là où je dors en ce moment. »

Il le prit par la main, prenant le chemin du Callisto. Observant les énormes flaques formées sur le coin de la route, marchant dedans sans même se soucier de la boue sur ses bottes. Mars allait hurler s'il tâchait le sol du bar mais bon...

« Par contre faut pas qu'on fasse de bruit, faut pas que je me fasse surprendre avec quelqu'un. »

Alors qu'il disait ça, il ne comprenait pas qu'il emmenait un policier, doublé d'un membre de la Team Shelter, dans le QG de la Team Galaxie. Pour lui, c'était clairement impossible que Seung soit... De ce côté là de la force, on va dire. Un policier ? Sérieusement ? Après toutes ses années à travailler illégalement ? Genre. Et il s'en allait presque gaiement vers le Callisto, pas inquiété de ce qu'il pourrait leur arriver à tout les deux si Mars ou Arzhael venaient à les surprendre. Pour une fois, Dae Hyun et même Saïph espéraient qu'ils soient... Occupés. Tout les deux. Dans la même chambre. Avec leurs Pokémons bien rangés dans leurs Pokéballs. Dans tous les cas, Seung devrait partir à l'aube. Dans quelques heures donc. Ils ne dormiraient probablement pas, eux. Ils en profiteraient pour se redécouvrir, que ce soit par la parole ou les... Gestes. Si cette seconde option arrivait, ça ne serait pas raconté de toutes façons. La devanture du Callisto se trouva assez vite devant eux. C'était risqué de passer par la porte d'entrée... Il n'imaginait même pas si Mars se trouvait encore dans les cuisines ou derrière le comptoir. Alors il entraîna Seung à l'arrière du bâtiment.

« Faut monter au premier, là. »

Il désigna une petite fenêtre, celle du bureau où il dormait. Il savait que ses épaules et ses hanches étaient suffisamment fines pour lui permettre de s'y glisser – c'était par là qu'il était sorti de toutes façons... Mais il n'était pas sûr pour Seung. Enfin, si ses calculs étaient bons, le plus vieux passait aussi. Dae Hyun était plutôt doué avec les mathématiques d'habitude, mais là il était plus de trois heures du matin et il était encore plus ou moins sous le choc de ses retrouvailles avec Seung. Donc il pouvait se tromper. Grimpant souplement sur une poubelle tel un Chacripan de gouttière, il se glissa par la fenêtre ouverte avec la facilité d'un Abo qu'on aurait huilé. Sa voix basse mais pressée filtra par la fenêtre jusqu'à atteindre Seung.

« Allez, grouille toi ! »

Il en profitait pour aller verrouiller la porte du bureau, même si Mars avait les clés. Quelques minutes de galère plus tard, Seung était à ses côtés et Dae Hyun lui tombait dans les bras, les faisant basculer sur le matelas qu'on lui avait miséricordieusement posé au milieu de la chambre, qui ressemblait plus à un placard à balais qu'à autre chose. Allongé de tout son long sur Seung, ses bras croisés sur son torse et ses jambes glissées entre les siennes, son regard plongé dans le sien, Dae Hyun avait l'impression d'avoir 18 ans à nouveau, lorsqu'ils commençaient à peine à se rapprocher et à agir comme des gens qui s'aimaient. Il souffla doucement :

« Tu m'as manqué. Vraiment... »