Le froid humide, il ne mord pas comme à Sakai. Il ne ronge pas comme à Sakai. Non, à Waurlhaul, il te ralentit et te rouille petit à petit. Le bouge dans lequel je travaille n’a pas besoin de moi pour rester au point mort, ma présence ramène des gens, je souris mieux que le propriétaire, ce n’est pas difficile de faire mieux que le sourire édenté d’un abruti sans rêve ni passion autre que les courses de pokemon et les jeux d’argent. Il veut me garder, je lui rapporte plus d’argent en une journée de semaine que lui en un week-end. J’ai pu alors m’éclipser sans me faire tirer les bretelles. Ce trou à rats sera rasé de la carte dans le monde idéal que nous projetons de construire. Je suis à l’entrée de Waurlhaul, la cascade est sublime mais rafraichit d’avantage l’air, air déjà glacial. Vêtu chaudement, tee-shirt, pull, jeans, bottes, écharpe, bonnet et veste rembourrée à l’intérieur, je dois voir Mars. Elle m’attend dans les environs, je le sais, nous avions convié un rendez-vous ici même, près d’un tableau d’affichage à quinze heures précisément. Je le vois ce fichu panneau d’affichage et je m’y avance. Je regarde mon holokit. Quatorze heures cinquante huit. Je suis en avance de deux minutes. Comme toujours, ponctuel, professionnel. Je regarde quelques affiches, je fais mine d’être un touriste, de m’intéresser aux activités culturelles et sportives de la ville.
Deux minutes passent, et impatient, je regarde autour de moi. Où est Mars ? J’espère qu’il ne lui est rien arrivé, je m’inquiète pour elle. Elle est forte, je le sais, mais c’est une jeune femme, toute seule, dans une ville inconnue avec un climat loin d’être celui de Voilaroc. Quand je la vois finalement arriver, je croise les bras sur le torse. « T’es en retard … Je m'inquiétais … » Je lui dis alors que mon holokit affiche quinze heures et deux minutes. Je me suis vraiment inquiété, depuis qu’on est en fuite sur une terre inconnue, j’ai l’impression que tout peut arriver. Mais je ne le montre pas, je reste le plus impassible possible. Je suis fort. « Alors ? T’as des infos ? T’as réussi à rassembler des infos ? Le maître a été vu à Waurlaul ? » Je lui demande, impatient, guettant une petite lueur d’espoir pour se rapprocher de notre lumière, Hélio. C’est pour cela que nous sommes ici, nous arpentons les chemins, les canaux, les villages, les villes, à la recherche d’Hélio. Mais jusque là, aucune piste, on continue de chercher dans le noir. « Il y a tellement d’endroits où il aurait pu aller ici. C’est le genre de ville qui n’attire pas beaucoup les touristes … Ce serait logique qu’il soit passé par là … » Je lui dis en observant autour de moi pour ne pas qu’on nous surprenne en pleines messes basses.
Tout à coup... C'est comme si tout était vide. Sans goût. Sans vie. Elle reste allongée sur les rochers froids et fixe les nuages gris dans le ciel, soupirant à tort et à travers. Même Reaper en a marre. C'est pour dire. Cela fait des heures qu'il taille des bâtons. Pour faire des pieux. C'est son initiative personnelle, mais Mars a toujours trouvé ça mignon. Elle reste là, à fixer les nuages qui ne lui inspirent rien avant de finalement se redresser, s'asseyant en tailleur et fixant l'eau du ruisseau. Elle déteste cet endroit. Elle déteste Waurlhaul. C'est froid. C'est gris. C'est nul. En fait, même si elle ne l'avouera pas facilement, elle aime plutôt bien Saprule, même s'il y fait terriblement chaud et que les gens sont parfois un peu trop sympathiques, c'est sympa. Bon, il faut tout de même avouer qu'elle n'a jamais vu une fille avec autant de marchands de tongs. Mais ça, c'est une autre histoire. Finalement, elle jette un regard à la pokémontre à son poignet et grimace. Elle va être en retard. Elle est rarement en retard, surtout lorsqu'il s'agit de Saturne, sinon il fait des crises d'angoisses, ou presque. Et elle l'apprécie trop pour lui infliger ça. Mais aujourd'hui, il faut bien avouer qu'elle a le moral dans les chaussettes.
Lorsqu'elle voit la silhouette du jeune homme, elle resserre la veste d'Hélio qu'elle ne cesse de porter, surtout ici. Il faut dire qu'avec le froid qu'il fait, la petite veste à capuche de coton bleu nuit fait peine à voir. Elle a froid, mais jamais elle n'accepterait de mettre autre chose. C'est comme ça. Plus personne n'y fait vraiment attention, à part Papa-Saturne. Ah. Elle avait raison, elle est bel et bien en retard, elle échappe un profond soupir las en l'entendant avant de jeter un regard à Reaper qui dévisage Saturne. Bon. D'accord. Son professionnalisme lui vaut d'être où il en est aujourd'hui mais, par la grâce d'Artikodin, ce qu'il peut être terrible parfois ! « Je sais. », marmonne-t-elle en rabattant la capuche sur sa tête, dissimulant un peu sa crinière rousse. Elle relève ses yeux noisette pour le toiser avant d'échapper un énième soupir. « Satuuuurne... » Cette fois c'est presque un appel à l'aide. Un appel à l'aide agacé, mais tout de même ! « Toi et moi, on sait très bien qu'il est pas là. On sait très bien qu'on l'a cherché dans tous les recoins de ce maudit endroit. Il est là. Mais on le trouvera pas ici. » Elle essaye de lui faire un sourire, il faut avouer que ça ne marche pas très bien. Mais elle y met du sien, un peu. « Reaper et moi on a déjà tout fouillé. » Fouillé, détruit, pillé, c'est à peu près la même chose, non ? En tout cas, avec Mars, ce sont des synonymes.
C’est difficile de naviguer dans la nuit lorsqu’il n’y a absolument aucune source de lumière, on se sent impuissant face à cet aveuglement. C’est déstabilisant, ça fait peur aussi, ça te fait te sentir tout petit et inutile, comme un enfant. Le désespoir et l’abattement. C’est ce que je ressens, c’est sans doute ce que Mars ressent depuis la perte de notre maître. Savoir qu’il est là, quelque part, mais sans savoir où exactement. Savoir qu’on a peut-être marché là où il a marché. Savoir qu’il est peut-être à côté, dans une maison au coin de la rue, ou un appartement au-dessus du trou à rats dans lequel je travaille. Il est peut-être tout près mais on le rate de peu à chaque fois. Ou autant on ne l’a jamais frôlé, il bouge sans cesse ou reste caché dans un coin précis que l’on n’a pas découvert. Ne pas savoir, ça rend fou un homme. Ou une femme. Je me pince les lèvres à sa remarque plaintive. Je la regarde, un peu désemparé, s’accrocher à la veste du maître. Il me manque énormément, je pense qu’il doit manquer encore plus à Mars alors déjà que ça me déchire le cœur, je n’imagine pas ce qu’elle doit ressentir. Cœur fissuré. Âme tourmentée. Nous sommes comme des jouets cassés, délaissés dans le coffre d’un grenier, attendant d’avoir à nouveau une utilité pour quelqu’un, attendant que leur propriétaire revienne les dépoussiérer.
Je la fixe quelques secondes sans bouger, ni parler. Même dans sa vulnérabilité elle essaye de rester forte, c’est admirable. Je prends mon écharpe et la déroule de mon cou pour l’enrouler autour du cou de mon amie, au-dessus de la veste, sans dire un mot ni la « gronder » de ne pas avoir pris des vêtements plus chauds. « Reaper et toi êtes très mauvais pour jouer à cache cache dans ce cas. Il est là Mars. Peut-être pas dans cette ville débile, mais il est là. Tu ne le trouveras pas avec cette attitude alors ressaisis toi et garde espoir. Le maître sera content de voir que tu lui es restée fidèle et que tu n’as eu de cesse de le rechercher. Penses à ça, l’expression sur son visage quand il aura vu tous nos efforts pour le retrouver et qu’on souhaite toujours perpétuer son héritage, suivre ses plans. Ne perds pas de ça notre objectif. Focalise-toi dessus. » Je lui dis d’un ton sérieux en posant ma main sur son épaule, compatissant, la regardant dans les yeux. « C’est ce que je fais. Pour tenir le coup … Je pense à notre futur monde idéal. Où nous serons heureux. Et dans mon monde heureux, tu es heureuse, alors fais un effort et continue de chercher, quitte à chercher dans des endroits déjà visités. » Je rajoute d’un ton plus doux en regardant ailleurs. « Jupiter m’a appelé, elle m’a dit qu’elle n’avait rien trouvé de son côté à Sakai. » Je l’informe. « Je me dis qu’on devrait recruter du monde et étendre nos troupes partout sur Miranoir, quelqu’un finira bien par tomber sur le maître … » Je dis tout haut, pensif.
Elle est agacée, et ça se ressent dans chacun de ses gestes. Dans chacun de ses regards, de ses mots. Pourtant. Pourtant elle adore Saturne. Il est ce qui se rapproche le plus d'une famille. Mais. Bordel. Ce qu'il peut être naïf parfois ! Elle passe nerveusement ses doigts sur la fermeture éclair de la veste, appuyant sa peau contre le métal à s'en faire mal, pour juste se calmer. Mais rien n'y fait. Même Reaper semble l'encourager dans la voie de la colère. Alors elle resserre encore ses doigts, et la pression et si forte qu'elle se demande si le métal ne fait pas un peu corps avec sa peau. Maintenant. « Saturne... » Cette fois, sa voix n'est pas lasse, elle est au delà de l'agacement. Il l'énerve. Et Arceus sait qu'il ne faut pas énerver Mars. Il n'y a bien que Saturne pour en sortir indemne. « Que Palkia t'accorde le pardon et Dialga le temps de réfléchir à la connerie que tu viens de dire. » souffle-t-elle, relevant un regard noir vers lui. « Tu ne comprends pas ? Il nous met à l'épreuve. Il teste notre foi. » Bien sûr, Mars doit délirer. Hélio n'est certainement pas au courant qu'ils sont là, mais elle, elle y croit. Parce que son Maître a toutes les réponses. Et parce que sa foi est indemne. Toujours au sommet, pour lui. Et plus bas, elle ajoute, d'un ton cinglant : « Il n'y a que le Maître qui puisse prendre des décisions. »
Bien sûr. Il a évoqué Jupiter. Il faut toujours que ça tourne autour d'elle avec lui. Oh non, Mars n'est pas jalouse, elle est même presque inquiète pour lui. Mais. En vérité, elle est surtout inquiète pour l'organisation. Et tout ce qui peut faire du tort à Hélio doit être éliminé. « J'espère que tu as bien conscience qu'elle nous vendrait sans rechigner si ça pouvait lui accorder la place du Maître ? J'espère que tu es conscient qu'elle a certainement des informations, qu'elle ne nous transmet pas ? » Cette fois, elle n'en peut plus. Elle recule légèrement, tourne les talons, elle serre discrètement l'écharpe contre elle. Parce que le parfum de Saturne est rassurant. Mais qu'elle ne veut pas lui montrer. Pourquoi faut-il toujours que tu fasses le tampon entre nous, Saturne ?, crie-t-elle dans son propre esprit, en pleine phase de rage. Reaper relève les yeux, échangeant un regard avec Saturne avant d'approcher doucement de Mars, pokant légèrement sa jambe avec sa griffe glacé. Il penche la tête sur le côté et l'observe avec un peu d'incompréhension. « Faaaar... Fu ? » Elle lui jette un regard avant de rouler des yeux. Non. Elle ne reviendra pas sur ce qu'elle a dit. Non. Encore pire. Elle va en rajouter un peu. « Je pense que tu sais ce que je vais dire. Mais. Elle est un frein pour l'organisation. Et cette organisation, ce n'est pas la vôtre. C'est. Celle... Du Maître. S'il doit prendre la décision de recruter, c'est à lui de le faire. » Non seulement ça, mais ce n'est pas tout. Elle sait que l'idée vient de cette... Garce. Elle le sait. Elle sait que Jupiter voudrait bien voir Mars crouler encore sous les barreaux. Et c'est atrocement réciproque. « En plus de ça, on ne peut pas révéler notre identité ici. Pas maintenant. » Elle jette un regard en coin à Saturne, les yeux brillants, elle est en colère mais elle est affreusement inquiète. Aussi. Pour lui. Pour Hélio. « Que se passera-t-il si on nous tombe dessus. Non. Si ils tombent sur le Maître ? Dis moi Saturne. Que se passera-t-il ? »
Je l’écoute, muet, comme souvent. C’est ma spécialité le mutisme. On ne fait pas meilleur meuble que moi, demandez le à mes géniteurs. J’ai l’impression que je pourrais dire n’importe quoi à Mars que rien ne la rassurera, que du moment où je ne mettrai pas le maître en face d’elle, elle croira ce qu’elle a envie de croire et dira ce qu’elle a envie de dire. Elle est comme Sainte Meloetta, elle ne croit que ce qu’elle voit. De même, elle ne serait que ravie si je donnais un coup de pied au cul de Jupiter et que le maître la virait sur le champ. Nous pourrions dire n’importe quoi pour justifier la présence de Jupiter ou la défendre qu’elle ne serait pas d’accord. Alors au lieu de me battre contre Mars, je préfère l’apaiser. Elle s’éloigne comme pour se calmer, ou cacher des larmes inexistantes, masquer une mine contrite, que sais-je. Je sais qu’elle s’éloigne. J’attends quelques secondes, je veux lui laisser un peu d’espace, en silence. Puis Reaper s’occupe bien d’elle, autant qu’elle s’occupe bien de lui, ce n’est pas à négliger la relation qu’elle entretient avec son pokemon. J’entends le doute et la peur dans sa voix lors de sa dernière phrase, c’est à ce moment que je choisis d’enfin intervenir. Je me rapproche d’elle et enroule mon bras autour de ses épaules.
« Tu sais quoi. Si c’est une épreuve du maître. Qu’il est là quelque part à nous regarder, à tester notre foi en lui. Et bien ça m’arrangerait beaucoup. Car je sais que nous ne perdrons pas son estime et nous réussirons à lui prouver notre dévotion. » Je dis d’abord avec une graine de malice dans la voix. « Tu n’as peut-être pas confiance en Jupiter, mais le maître a eu assez confiance en elle pour la promouvoir commandant comme nous. Alors je choisis de lui faire confiance jusqu’à nouvel ordre. » Je dis d’un ton plus ferme, refusant de contredire les ordres d’Hélio. « Et puis regarde nous. On a réussi à s’évader facilement. Tu penses qu’on ne pourra pas recommencer ? Tu penses que le maître ne pourra pas faire la même chose ? Aucune cage, aucun barreau, aucune pièce ne réussira à empêcher la Team Galaxie d’agir. Si le maître se fait arrêter, j’irai faire sauter la prison qui le condamne, quitte à y laisser ma liberté ou même ma vie. » Je dis avec un ton de fierté dans la voix. « Alors maintenant, imagine que tu as raison. Imagine qu’il nous teste, qu’il teste notre fois. Que penserait-il en te voyant douter là, tout de suite ? Tu ne veux pas le décevoir, alors continuons de chercher ensemble … Tous les deux … » Je finis par dire, évitant soigneusement de dire le nom de Jupiter malgré le désir de le dire, me brûlant la langue. J’aime Mars. C’est un volcan, elle peut entrer en éruption n’importe quand. Je préfère éviter les coulées de lave aussi souvent que possible.
Cette fois, elle serra les dents alors que Reaper relevait les yeux vers elle, un air étrange au visage. Elle avait envie de lui décoller une claque. Rien que pour ce qu'il avait dit. Pour les mots qu'il employait. Pour le doute qu'il semblait lui accorder. Jamais. Jamais ô grand jamais elle n'aurait douté d'Hélio. Pourquoi lui et Jupiter ne semblaient croire que ça ? Et soudain, ça flasha dans son esprit. Comme une évidence. C'était Jupiter qui lui mettait ces idées en tête ! Elle aurait dû s'en douter. Et ce fut la raison pour laquelle elle abandonna toute violence. Parce qu'au fond, même s'il voulait faire croire le contraire, Saturne était fragile et que Mars tenait bien trop à sa petite bouille pour lui faire du mal. Alors elle le laissa l'enlacer, quant bien même elle était tout sauf tactile. Elle le laissa parler, même si elle haïssait chacun de ses mots. Sa voix était douce, et c'était suffisant. Au final, il lui sembla qu'il avait comprit. Il parla de trouver le Maître. A deux. Et c'était les bons mots. Elle sembla s'adoucir, elle posa même sa main contre la sienne, fixant la forêt non loin avant de sourire faiblement. « Nous le trouverons. » La vérité, c'est que Mars ne comptait sur personne. Elle appréciait Saturne, et en dehors d'Hélio, c'était même la seule et unique personne qu'elle appréciait, cependant, elle ne comptait pas sur lui. Parce qu'il était manipulé par une créature quasi-démoniaque à ses yeux.
« Fuuurrr. » Ronronna presque Reaper en sautant agilement sur une branche, disparaissant dans les feuillages pour réapparaître à la cime de l'arbre, observant les alentours. Il connaissait l'apparence d'Hélio, et son odeur, grâce à la veste que gardait Mars. Il était capable de le traquer, c'était d'ailleurs ce qu'ils faisaient, tous les deux. Alors oui, lorsqu'elle disait qu'ils le trouveraient, elle ne parlait pas vraiment de Saturne. Mais bon. Encore une fois, il aurait été stupide et inutile de lui faire clairement comprendre qu'il ne rentrait pas dans l'équation. D'autant plus que ça aurait donné matière à la harpie pour le récupérer un peu plus. Au moins, il croyait en l'obstination de Mars, donc il lui reconnaissait quelque chose. « Il faut que nous fassions en sorte qu'il soit au courant qu'on est là. D'une façon ou d'une autre, il n'essaye peut-être pas de nous tester. » Lança-t-elle, pensive, alors qu'elle laissait retomber son bras lentement, se retournant pour fixer à nouveaux ses prunelles noisettes dans celles de Saturne. « Tu as une idée ? » Demanda-t-elle, insistant sur le premier mot. Il fallait une idée de lui. Une vraie. Pas une recyclée, d'une autre personne. Bien sûr, Mars ne visait personne... Oh, si. Peut-être.
Elle semble s’être apaisée. C’est ce qui compte. Sa main posée sur la mienne, je desserre peu à peu notre légère étreinte pour lui laisser son espace. Je connais sa fougue, c’est Mars, elle est le feu, le volcan en ébullition qui n’attend qu’une simple braise pour rentrer en irruption. Je connais son aversion pour Jupiter, c’est presque viscéral cette haine qu’elle a pour elle. Jupiter n’y met pas vraiment du sien non plus, mais le maître tenait à nous donner les titres de lieutenants, de commandants de la Team Galaxie. Nous devons mettre nos différences de côté jusqu’à ce que le plan du maître soit un succès. À partir de ce moment, et seulement ce moment-là, nous pourrons nous dire adieu et vivre nos vies comme bon nous semblent. D’un côté, ça m’attristerait car je les aime beaucoup, mais je sais qu’on pourra être heureux. Enfin. On aura eu ce qu’a toujours voulu. Vivre dans un monde idéal. Notre monde idéal. J’observe Reaper disparaître dans les branchages de la forêt avoisinante alors que je lâche la main de Mars. Je le vois réapparaître au sommet du même arbre, à l’affût. Le pokemon est aussi déterminé de retrouver le maître que sa maîtresse. Ces deux là se ressemblent beaucoup en réalité, je suis content qu’ils se soient trouvés.
Je l’écoute calmement, je réfléchis. « Une manière de lui montrer qu’on est là … » Je dis en écho avec ses paroles. « J’ai bien une idée. Mais c’est risqué … J'y pense depuis un petit moment ... » Je dis en me mordillant le pouce, retournant le problème dans tous les sens. « Si on ne l’a pas trouvé encore, c’est parce qu’on se contente de fouiller partout, c’est tout. Si le maître ne sait pas qu’on est plus en prison et qu’il ne sait pas que nous sommes ici, il faut le lui faire comprendre. » Je commence à expliquer. « Alors pourquoi pas … signaler notre présence ? On pourrait commettre un crime et signer de nos noms. C’est risqué, je sais. C’est fou, je sais. C’est stupide, oui. Mais avec ça, il y aura les médias qui en parleront, télévision, radio, journal. Et avec ça, le maître pourrait vouloir nous retrouver. Je ne sais pas, je pense que ça pourrait nous aider. » Je continue d’un ton calme même si ma voix traduit quand même une certaine réserve, j’ai peur de bousiller notre couverture. Mais il faut savoir prendre des risques. « Après, il faut trouver le crime parfait qui nous permettrait d’attirer les médias de la région sans que ce soit trop dangereux pour nous, sans qu’on se fasse arrêter … » Je conclues, me rongeant à nouveau le pouce. « C’est toujours mieux que de frapper à chaque porte en demandant si personne n’a vu le maître … » Je dis tout bas avec un léger désespoir dans la voix, j’en ai tout aussi marre que Mars de cette recherche à l’aveuglette.
Elle fixe Reaper au sommet de son arbre, qui scrute les alentours avec tant d'intensité. Il cherche Hélio, jour et nuit. Il n'arrête pas, jamais. Elle sait, c'est elle qui lui a apprit, il ne l'a jamais rencontré mais pourtant, il vit Hélio aussi fort qu'elle. C'est pour dire. Alors, oui, elle l'aime. Beaucoup, Reaper est son ami. Et en l'état, c'est peut-être même son seul ami. Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle doit penser de Saturne, en vérité. Elle sait qu'il ne cherche pas à lui faire du mal, mais il lui en fait, parfois, sans même le faire exprès. Alors. Qu'est-ce que c'est vraiment, un ami ? Au fond, elle se souvient de ce qu'elle pouvait ressentir, dans sa vie d'avant, quand elle traînait avec des gens normaux et que tout le monde semblait bien s'entendre... C'était ça, l'amitié ? Discuter au coin d'un feu sur la plage et rêver d'aventure ? Mais tout avait basculer, jamais plus elle ne voulait être si naïve, jamais plus elle ne voulait être ainsi. Mais. La vie ramenait parfois des souvenirs douloureux sur les rivages de la conscience, et c'était bien ce qu'elle était en train de vivre. Parfois, Saturne lui faisait penser, à ces visages souriants, qu'elle avait côtoyé il y avait de cela une éternité selon elle. Il était doux. Trop doux. Et il finirait par se faire bouffer s'il ne devenait pas un peu plus impitoyable.
« C'est stupide. », murmura Mars, pourtant pas vraiment froidement. Il fallait avouer que l'idée -malgré le fait qu'elle était tout bonnement idiote- pouvait marcher. Seulement. Hélio n'était pas à leur recherche, dans son for intérieur, Mars le savait. Et se faire remarquer ne pouvait que lui attirer des problèmes. A moins qu'il les retrouve, justement parce qu'il ne voulait pas s'attirer des problèmes ? C'était envisageable. Est-ce que Saturne avait pensé à tout cela, ou est-ce qu'il avait juste balancé l'idée comme il lui venait ? « Ça peut marcher. », reprit la rouquine alors qu'elle se tournait pour faire face à Saturne, le toisant dans les yeux. La vérité, c'est qu'elle aimait son idée. Parce qu'elle aussi, elle avait dépassé le stade de la fatigue et entamé celui du désespoir. Parce qu'ils leur semblaient qu'ils n'avanceraient jamais. Qu'ils avançaient dans le noir, sans la moindre piste, sans la moindre lumière. Et c'était bien au delà du pesant, c'était tout simplement insupportable. « Il faut en parler à Jupiter. » Il était évident qu'ils auraient besoin d'elle pour cela, pour trouver la bonne nuance, le bon endroit, et pour avoir son accord mais. Mais ça lui faisait mal, de dire ça. Ça lui faisait vraiment, vraiment mal. Ça lui coûtait tellement que Reaper sembla le percevoir, revenant agilement sur l'épaule de sa maîtresse et poussant un léger soupir, essayant de la rassurer. Il détestait Jupiter tout autant que Mars. « On devrait rentrer. », cette fois, sa voix avait été distante. Froide. Elle en voulait à Saturne, d'avoir les bonnes idées, d'avoir raison, aussi. Elle en voulait au monde entier de ne pas tourner comme elle aurait voulu qu'il tourne. Au fond, Hélio avait tant raison, ce monde ne méritait pas qu'on se batte pour lui.
Nous sommes d’accord. C’est stupide. Cette idée est trop risquée, trop dangereuse, trop stupide. Et pourtant je ne peux m’empêcher de sourire en tournant le visage pour le cacher à Mars quand elle me dit que ça pourrait marcher. Un plan venant de moi qui pourrait marcher, ça me fait plaisir, moi qui suis toujours bon à suivre les plans des autres, gentiment, sans me poser trop de questions. Ne pas réfléchir. Acquiescer. Obéir. Je suis formaté pour ça. Mes idées, je les garde pour moi, je les terre, je les cache dans un recoin de mon cerveau et elles y meurent comme les Nirondelle qui se cachent pour mourir à l’approche de l’hiver quand ils ne peuvent plus voler. Mais à défaut d’avoir un maître présent, d’avoir un chef attitré. Je peux proposer une idée et ne pas la laisser dans un coin. Je déchante vite quand elle me parle de Jupiter. Elle qui me dit que je parle trop souvent d’elle, voilà maintenant qu’elle évoque son nom. « Jupiter … Elle ne sera pas d’accord … » Je dis d’un ton désespéré en regardant en biais, n’osant pas regarder Mars dans les yeux, ce serait comme lui dire « tu as raison, Jupiter est inutile dans nos recherches ». Mais elle a raison. Jupiter n’en fait qu’à sa tête, elle joue le rôle du maître et moi-même ça me désespère parfois. Je ne discute pas ses ordres et ses plans, mais je n’en pense pas moins que Mars parfois. Parfois.
Je regarde Mars dans les yeux, le regard épuisé, comme si j’avais veillé toute la nuit. « Oui. Tu as raison. On devrait rentrer. » Je réponds en regardant le chemin menant en dehors de la ville. « Cette ville me déprime … » Je rajoute alors que je commence à marcher lentement vers la sortie, mettant mes mains dans les poches. Sans crier gare, Luna sorti de sa pokeball accrochée à ma ceinture. Couinant sur le sol pavé gelé et humide elle me regarda dans les yeux, elle me scruta. Elle me regarda comme personne ne m’avait regardé avant. Elle pouvait lire en moi. Elle avait senti mon désespoir dans la voix. Je me baisse pour la prendre dans mes bras et la fais grimper sur ma tête, entre mes cheveux et ma capuche remontée pour affronter l’humidité et le froid. « On devrait se dépêcher de rentrer. Ce temps va nous rouiller. » Je dis à Mars alors que j’accélère le pas. Ils devraient mettre en place un système de métro ou de navette partant en direction de toutes les villes de Miranoir sérieusement. Tout pour quitter cette ville le plus vite possible. Je sens Luna qui s’accroche à des mèches de mes cheveux et qui se serre contre mon crâne, comme pour me dire qu’elle est là. Heureusement qu’elle est là, oui.
La déprime qui émanait de Saturne était d'autant plus démotivante. Mais. Rien n'aurait su démotiver Mars dans l'instant, elle voulait rentrer pour pouvoir reprendre encore plus rapidement les recherches, c'était tout. Elle enfonça ses mains dans ses poches en faisant signe à Saturne de la suivre, pas qu'elle connaissait un raccourci mais elle n'aimait pas vraiment prendre les chemins classiques. Alors elle prit à gauche, en direction de la chaîne boréale. Le chemin n'était qu'à peine plus court, mais il était surtout sécurisé, pour des gens comme eux. Reaper, solidement arrimé aux épaules de Mars jeta de nombreux regards furtifs au pokémon de Saturne. Luna. Un pokémon assez spécial, il fallait le dire. Mars la trouvait faible, mais Reaper semblait l'apprécier, signe que sa maîtresse n'en disait pas que du mal, sans doute. « Je lui parlerai, Saturne. Pas la peine que tu prennes des coups, c'est mon truc ça. », chuchota-t-elle avec un ton légèrement blasé. Parler à Jupiter était dans son top trois des trucs qu'elle aimait pas faire, mais il fallait le faire. Alors elle préférait ne pas mêler Saturne à tout ça, même si elle lui reconnaissait que c'était son idée, autant qu'il ne s'attire pas les foudres du dragons, généralement il pouvait avoir une conversation avec elle sans qu'elle pète un câble. Autant que ça continue.
« Fuurr... », ronronne Reaper près de l'oreille de Mars, comme pour la prévenir de quelque chose, elle guette les alentours mais ne voit rien, si ce n'est un couple de dresseurs, mains dans la main, rentrant gaiement à Waurlhaul sans doute. Elle presse le pas, passablement agacé. Mars n'a rien contre les gens heureux, ils respirent surtout l'hypocrisie. Elle resserre la capuche sur ses cheveux alors que Reaper leur lance un regard assassin, poussant le couple à vite déguerpir. « On coupe par un bout de la chaîne Boréale, puis on passe par l'ouest du volcan pour rentrer, okay ? », elle n'attend pas de réponse, elle accélère. Elle veut retrouver son lit, retrouver le silence. Retrouver les souvenirs enjolivés qu'elle a d'Hélio. Retrouver le sommeil, peut-être, aussi. La vérité c'est qu'elle est épuisée, qu'elle n'a pas envie de se battre contre le temps ou contre les gens ou même contre la haine qu'elle a d'eux. Elle veut juste fermer les yeux et prendre une pause. Une longue pause. Malgré le fait qu'elle est presque congelée sur place ici - surtout parce qu'elle a l'habitude du climat légèrement différent de Saprule ahem - elle presse le pas, ne tremble pas, n'hésite pas. Parce que Mars ploie mais ne rompt jamais. C'est ainsi. « Courage Saturne, le monde aura une jolie surprise quand il se rendra compte qu'on est là... », murmura Mars tout bas, un léger sourire sadique au visage. Ah ça oui. Le monde pourra bien aller se remballer, quand ils l'auront supprimé. Tous ces gens idiots, qui croyaient que quelqu'un pourrait les sauver. C'est ce qu'ils allaient faire, en les rayant de la carte. Définitivement. Mais la voix de Mars, aussi sadique soit-elle, était encourageante. Elle le poussait à ne pas abandonner. A ne pas baisser les bras. Parce que ça, ce n'était pas eux. Eux, ils se plongeaient corps et âme dans leur cause. Mais un corps meurtrie, et une âme blessée...
Invité
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Sujet: Re: Spelion ♄ Broken Stars ♂ Jeu 5 Mai - 17:44
Broken Stars
Mars & Saturne
« NON ! » Je réponds d’un ton colérique, non contre Mars, mais contre moi-même. « Je lui parlerai. Je ne supporte pas quand elle te … » Je n’ose pas continuer. Je n’aime pas quand Jupiter passe sa colère et sa frustration sur Mars. Elle profite d’être en position de force. Moi, elle ne me frappe pas. Jamais. Elle m’engueule, ça arrive, mais généralement elle m’assomme de ses sourires, elle me tue de ses caresses. Elle m’hypnotise de ses baisers et elle me capture avec son corps. Et je suis faible, je la laisse faire. Je suis lâche et je me déteste d’être comme ça alors que c’est Mars qui se prend les gifles et les réprimandes les plus sévères. « S’il te plait … Surtout, ne lui dis pas. Je le ferai. Promets le moi. Je m’en occuperai. » Je rajoute d’un ton plus calme en respirant profondément. On croise un couple et Mars me suggère de couper à travers les bois, prendre des chemins moins fréquentés pour ne pas attirer l’attention. Je suis d’accord avec elle, il ne faut pas tenter le diable et risquer de se faire repérer, surtout si jamais mon plan est accepté par Jupiter, ce qui m’étonnerait fort, mais moins on montrera nos visages, mieux ce sera. « D’accord, je te suis. » Je lui dis alors qu’elle ouvre la marche, je la suis de près, je pourrais toucher son dos en tendant le bras devant.
Je souris quand elle me dit que le monde saura que nous sommes là très bientôt. Et elle fait bien de me le dire, ça me remonte le moral. Et elle a raison. Bientôt, le monde saura. Bientôt le monde tremblera. Et bientôt notre monde sera rayé, effacé pour être remplacé par un monde idéal. Un monde où tout le monde pourra vivre heureux, sans guerre, sans défauts, un monde parfait gouverné par notre Dieu Hélio, notre Dieu, notre Soleil. « Oui, bientôt … » Je chuchote en écho à ses mots. Mots qui se perdent dans le froid glacial et humide des lieux. « Vivement qu’on rentre à Saprule … Vivement qu’on déménage de Saprule aussi … » Je dis tout bas. Je n’aime pas Saprule, je n’aime pas la chaleur, trop de chaleur, c’est déprimant. Le froid aussi, Waurlhaul, l’humidité, la rouille de l’âme sous ses pluies amères et déprimantes. Je déteste Miranoir. Je veux rentrer à Sinnoh, c’est là-bas ma maison. J’ai le mal du pays et ça me ronge. Je veux retrouver le maître et qu’on rentre à Sinnoh. Je veux quitter cet endroit maudit. Je suis si fatigué de Miranoir. « Dis … Sinnoh te manque pas à toi ? » Je demande, dans l’espoir qu’elle aussi ressente ce mal du pays qui m’envahit constamment lorsque le désespoir se fait trop fort, trop intense, presque insupportable. Insoutenable.
Lentement, Mars hoche la tête. Mars accepte. Elle le laisse prendre cette responsabilité. A vrai dire, elle s'en fiche, elle s'est faite à l'idée. Oui, c'est lui qui lui dira, mais elle prendra tout de même les coups, elle le sait, et ça lui est complètement égal, parce qu'un jour, tout ces coups, elle les rendra. Et quand ce jour arrivera, la vengeance n'en sera que plus délicieuse encore. Parce que, oui, parfois elle rêvait de sa vengeance, parfois elle en parlait avec Reaper. Et parfois la vengeance frôlait la réalité. Parfois la lame se posait contre Jupiter, lorsque son visage était doux et endormi. Parfois la glaciale colère caressait sa peau. Et elle n'en savait rien. Personne n'en savait rien. Juste Mars. Ce qu'elle était devenue. Ce qu'Hélio avait fait d'elle, on pouvait supposer. Mars marche devant, elle n'a pas peur, elle n'a jamais peur. Elle continue de marcher, qu'il fasse jour ou non, qu'il fasse vente ou qu'il neige, qu'il fasse chaud ou froid, elle s'en fiche, elle avance. Parce que ce monde ne saurait la blesser davantage qu'il ne la déjà fait, en la privant d'Hélio. En la privant de ses rêves avant ça. En lui arrachant les ailes.
Elle sait ce que Saturne pense de Miranoir, elle le sait, parce qu'il le répète souvent, et qu'elle n'a plus besoin de porter de l'attention à ses mots pour comprendre ce qu'il ressent, parce que Saturne est transparent et que ça la rend fragile, faible, peut-être. Mais elle l'apprécie. Et elle devrait lui dire de s'endurcir, à la place de ça, elle prend les coups. Parce qu'elle est plus forte. Parce qu'elle n'a pas peur. Elle sourit légèrement en l'entendant parler de Saprule. Oh oui. Elle déteste cette chaleur étouffante qui annihile toute son envie d'agir, elle déteste cet endroit, elle voudrait une vraie base, à un endroit froid et sec. A un endroit haut, impressionnant, terrifiant. Elle ne veut pas se cacher, elle veut imposer leur présence. Elle veut briller, à nouveau. Mais pas sans lui. Elle tremble légèrement dans la veste mais se ressaisit alors qu'elle jette un regard à Reaper qui avance devant eux, ouvrant la voie. Et soudain, il lui demande si Sinnoh lui manque. Et c'est le cœur de Mars qui rate un battement. Ou celui de Rose, elle ne saurait dire. Non, cette créature, cette fragile petite fille au cœur doux, elle l'a détruite. Elle l'a tuée. Alors pourquoi ? Pourquoi lui demande-t-il ça ? « Non. » Elle laisse retomber le silence, elle ne lui doit pas d'explications et pourtant elle sent qu'elle doit justifier son non catégorique. « Sinnoh fait trop écho à notre échec. A tous mes ratés. A ce que j'étais, avant. Alors. Non. » Elle est à nouveau froide, si distante qu'approcher pourrait blesser n'importe qui. Mais, ses poings qui se serrent dans ses poches et ses ongles qui se plantent dans sa chair trahissent son désarroi. La vérité, c'est que Sinnoh lui manque. Que Rose est forte. Qu'elle n'est pas morte. Et que parfois, ses parents lui manque. Que parfois, elle veut récupérer sa vie, récupérer son humanité.
Habituellement, j’évite d’évoquer le passé. Habituellement, j’évite d’évoquer le passé avec Mars. Habituellement, j’évite de rappeler à Mars son passé, même par inadvertance. Mais un énième échec, me voilà fatigué, la même humeur que le temps humide et gris. Tout est dépourvu de couleur, et moi aussi. J’ai beau essayer être fort, en réalité, l’endroit où je me trouve, son atmosphère, son climat, réussit toujours à changer mon humeur. J’aimais la base à Sinnoh, j’aimais le climat là bas. Ici à Miranoir, j’ai l’impression que tout est à l’extrême. Soit il fait trop chaud comme à Saprule. Soit il fait trop froid comme à Sakai. Soit il fait trop gris comme à Waurlhaul. Soit c’est trop … parfait, comme à Steukin. Trop d’extrêmes, j’ai l’impression qu’il n’y a aucun juste milieu. Je n’aime pas Miranoir. Ne vous détrompez pas, j’ai enterré l’ancien moi. Pour tout vous dire, j’ai oublié mon ancien nom. Je crois qu’il me faisait tellement du mal que mon cerveau l’a mis dans une cage et a fermé à double tour en y jetant un voile dessus pour ne plus que je m’en souvienne. Ne vous détrompez pas, je détestais ma vie d’avant, les personnes que je côtoyais, mes géniteurs. Mais le climat de Sinnoh me manque. Son paysage me manque. C’est une belle région, et la nostalgie me gagne. C’est même presque dommage que le maître n’ait pas choisi de s’exiler à Kalos ou à Johto, j’aurais bien aimé y faire un tour.
« Je comprends. » Je réponds, résigné, et à la fois un regain de courage dans la voix. J’aime voir Mars si décidée, si courageuse. La voir se démener me donne envie de faire pareil, de faire mieux, de faire plus. Je ne lui ai jamais dit. Peut-être lui dirais-je un jour. Un jour, quand on aura accompli les desseins du maître, je lui dirais qu’elle a été plus une famille à elle seule que n’importe qui dans ma précédente vie. Un jour, je lui dirais qu’elle m’a permis de garder la tête hors de l’eau et je la remercierai avec toute la sincérité que je puisse lui donner. Un jour … « Moi c’est surtout le climat qui m’arrangeait bien à Sinnoh. » Je rajoute d’un ton plus détendu, essayant de me faire sourire pour ne pas m’engluer dans cet état de tristesse inexplicable dans lequel le temps humide et la grisâtre semblent me plonger. « Je pense sérieusement à capturer un pokemon vol gigantesque pour faciliter nos transports. Je pensais à un Grodrive. Ou un Golemastoc. Je ne sais pas, mais ce sera plus facile et on gagnerait du temps. Et ce serait plus facile de ne pas être reconnu en survolant le monde. » Je balance une idée comme ça, pensant qu’une monture pourrait être agréable également. Jupiter a un Absol et elle le chevauche parfois, il est assez grand pour être monté, je l’envie pour ça. « Je me verrais bien capturer un Airmure … Un Airmure assez fort pour me porter et voler sur son dos. » Je continue avec mon idée, bien décidé à ce que ça arrive.
Et voilà qu'il est reparti dans son discours, sur le climat de Sinnoh. Mars n'écoute plus que d'une oreille, au contraire de Reaper qui est attentif à Saturne. Reaper l'apprécie vraiment, parce qu'il n'est pas un danger, et parce qu'il tient à Mars. C'est certainement un truc que ressent le pokémon. Un truc qu'il lit dans ses yeux quand il le scrute de la sorte. Reaper aurait aimé voir Sinnoh, ça le fascine, mais Mars n'en parle jamais. Elle ne l'évoque jamais. Elle n'évoque jamais ce qui a pu se passer là-bas. Elle n'évoque jamais son passé, avant la team. Elle ne parle jamais de sa famille. Elle n'en a d'ailleurs jamais parlé à qui que ce soit d'autre qu'à Hélio. Le seul rattaché à son passé, le seul à pouvoir être dangereux, avec ça. Elle lui a donné les armes pour lui faire mal. Elle le sait, mais elle l'a accepté, c'était le prix à payer, en quelques sortes. Alors, il change de sujet, peut-être a-t-il comprit, elle n'en sait rien, mais voilà qu'elle lui prête une oreille plus attentive alors qu'il évoque un pokémon de transport. Elle n'y avait pas pensé, elle devrait certainement se pencher sur la question. « C'est une bonne idée, en effet. » Elle sait qu'il a une affection toute particulière pour l'Absol de Jupiter, elle n'est pas idiot, et d'une certaine façon, elle comprend. Si Mars lui envie une chose, c'est bien ça. Il est majestueux, impressionnant et elle se fait un malin plaisir de le vanter sans cesse, en somme. Alors oui, Mars lui envie son Absol, mais bon. Elle n'a pas réfléchit à une possible monture, un possible transport. Mais maintenant qu'il lui vient l'idée, elle se met à y songer, ça se voit. Cependant, il faut bien se rendre à l'évidence que... « Je pense que je préfère me servir de mes jambes. Je préfère jouer la carte de la discrétion plutôt que des chars de guerre, Reaper m'entraîne pour ça. » Elle lança, totalement naturellement avant de se crisper légèrement. C'était bizarrement formulée. Elle était censée entraîner Reaper, par le contraire. Et elle n'avait dit ça à personne, jusque là. Alors, elle guetta la réaction de Saturne, du coin des yeux avant d'échanger un regard avec Reaper. Oui. C'était vrai. Il était d'ailleurs très bon pour ça, pour l'entraîner, pour la rendre discrète, pour la rendre plus flexible, pour tester son équilibre et sa force au combat physique. Alors oui, elle trahissait que son entraînement n'était pas seulement celui de combats pokémons, mais ça lui était égal. Saturne comprendrait. Elle espérait simplement que ça ne tombe pas dans une oreille mal intentionnée, si vous voyez ce que je veux dire.
Alors, elle prend une grande inspiration, pressant encore un peu le pas. Il fait froid mais il semble que le temps morne de Waurlhaul reste derrière eux. Qu'ils le laissent là-bas. Que l'humidité cesse de leur coller aux vêtements et que l'air devient plus respirable à chaque pas sur le sentier forestier. « Airmure est un pokémon impressionnant, difficile à dresser. Un pokémon a prendre avec des pincettes, aussi. » Elle lance un nouveau regard en coin à Saturne, cherchant d'une certaine façon à l'encourager. Mars a une passion non dissimulée pour tout ce qui coupe, griffe ou mord. Tout ce qui est tranchant, inquiétant. Tout ce qui peut faire office d'arme si l'occasion se présente. Airmure rentre dans cette catégorie.
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