Mu.

Gamin oublié sur la plage, un livre à la main, des mots partout dans la bouche. Les doux parents surveillent d'un œil avertit leur unique progéniture, prépare un dîner sur une couverture rouge et blanche, un panier de paille installé sur le coin. Famille typique, ordinaire, sauf que toi, tu brilles d'imagination. Tu lis tout haut les pages fripées, raconte à personne l'histoire de Cresselia et Darkrai, deux pokémons légendaires qui frappent déjà ton esprit. Tu l'ignores encore, sauf dans quelques courtes décennies, tu rigoleras sous ta barbe en écoutant les folles rumeurs affirmant que la légendaire Cresselia est probablement ta mère, certainement ta créatrice. Tu l'ignores, mais déjà tu t'envoles dans un univers unique, t'es un embryon bizarre et décalé, c'est peut-être grâce à cet esprit purement troublé qu'un Ramoloss t'as rejoins, t'observant avec deux grands yeux curieux. Tu as éclaté de rire, certain qu'il vient de naître entre les cracheuses vagues, et lui t'as longuement écouté, sans faire un son, captivé. T'affiches à peine une dizaine d'années quand tu attrapes de cette façon ton premier Pokémon, une bête un peu paresseuse qui ne vit que pour écouter le son de ta voix. Tes parents ne pipent pas un mot sur ce nouveau compagnon, et c'est dans le sourire que tu entâmes un nouveau chapitre de ta banale vie.

Après presque dix ans de fidélité, vous n'avez eu besoin que d'un regard pour comprendre que vos destinées devaient se séparer. Tu as donc pris la route avec lui, les pieds dénudés dans la prairie, comme si tu sais déjà où aller, comme si tu sais où tu dois amener ton vieil ami. La plupart du temps il est installé sur ton épaule, la queue autour de ton cou, et parfois, tu lui fais une place dans ton sac à dos orange fluo, sa vive couleur empêchant de cacher le fait qu'il est à plusieurs endroits déchirés. Pieds nus, un fredonnement dans la gorge, chaque personne que tu croises tu les agresses d'un grand sourire, tu discutes même avec quelques uns, visiblement curieux de découvrir ce qui te motives. Déjà, tu commences à semer le mystère, tu réponds évasivement tout en posant tes propres questions, assoiffé de connaître les aventures d'autrui, que tu es convaincu de trouver plus intéressante que la tienne. Avec raison, puisque pour toi, cette longue marche n'est que pour une triste séparation. Aussi bien l'agrémenter d'un passe-temps délicieux, et tu sais que ton Ramoloss a toujours adoré les histoires. Tous deux, vous en sortez donc avec une tête souriante.

C'est le cœur lourd que tu rencontres dans une petite maison éloignée, une dame recroquevillée et un triste Ramoloss, assoiffé d'aventures et de paysages magnifiques. L'aînée ne peut pas aider ses envies, toi, par contre, tu le peux. Tu restes chez elle pas moins d'une semaine, à discuter et raconter des histoires, sans jamais trop en dévoiler sur ta personne. Tu es là pour ton ami, tu es là pour le sien. Tu veux t'assurer qu'il sera bien, là, et que l'autre le sera aussi, avec toi. Elle te passionne, cette femme mure au passé tumultueux, tu bois chaque parole grinçante et observe ses habitudes. Tu sais qu'elle marquera ton esprit, c'est un exemple parfait d'une humanité réussit. Elle te convainc rapidement que ton Ramoloss sera bien entre ses mains, qu'il pourra s'allonger en toute béatitude. Et quand elle te remet le sien, il ne reste pas Ramoloss bien longtemps. D'une splendide lumière blanche s'évade un Roigada calmement intelligent, que tu nommeras Mu.

Mu et Io, Io et Mu, sous le soleil ardent et chaud, t'es satisfait, alors tu laisses un rire traverser tes lèvres étirées de joie. Tu vois dans son regard qu'il sera un compagnon exceptionnel, alors tu te permets de courir dans les champs, tu permets à l'herbe de chatouiller la plante de tes pieds. Lui, il te suit, peut-être moins rapidement, mais son expression joyeuse démontre déjà un respect mutuel. Alors aussi bien fêter ça avec un cerf-volant en forme de Ramoloss, que même Mu s'amuse à faire voleter, sous les yeux surpris des passants. De là commence les murmures qui se perdent dans le vent, sur l'étrangeté qui t'habites.

Tau.

Père. Plus de père. Père. Plus. de. père. Tu comprends pas, installé à la table de la cuisine, les sourcils froncés. Tu ne comprends pas. Papa est partit, papa est mort, tout simplement. Il a rejoint les cieux, et toi, tu saignes un peu. Il était malade, le genre de maladie dont il était impossible de s'échapper. Ta mère et toi, vous aviez eu du temps pour vous préparer, sauf que malgré l'échauffement mental, ça fait mal. La mort de ton paternel est la première, et l'une si ce n'est pas la seule, difficile étape que tu as à réellement traverser dans ta vie. La perte de ton modèle, de ton héro, t'en perds même le goût de rire. Sauf que papa, il a prévu le coup. Papa, il connaît son Io, alors quand ta mère dépose une lettre devant toi, tu l'ouvres tout doucement. Précieusement. Fils, n'oublie jamais que l'ordinaire est parfois plus magique que le mystère, si on sait bien doser les grains de folie. Je serais toujours avec toi, dans chaque battement de ton cœur. Je t'offre Tau, il se cache un peu de moi, en lui. Prends en soin. Avec tout mon amour, papa. Une unique larme salée glisse sur ta joue dégarnie, perle que ta mère efface d'un doigt tremblant. Elle aussi est déchirée, tu peux le lire dans son visage brisé.

T'as ouvert la fenêtre de ta chambre, tu t'es installé sur le toit. T'es en caleçon et t'as une couverture qui te remonte sur la tête, couché, tu observes les étoiles. Est-ce que ton père s'y trouve, quelque part? Glisse-t-il comme sur un toboggan d'une étoile à l'autre, profitant de la mort pour faire ce qu'il est impossible, vivant? Tu ne sais pas combien de temps a passé quand Tau te rejoins, pendule à la main. De l'autre, il farfouille sous ta couverture pour trouver la tienne, parvenant à te faire rire une seconde en chatouillant tes côtes. Il te regarde fixement sans cligner des yeux, et si tu n'avais pas à l'esprit qu'il y a un peu de ton père en lui, peut-être que ça t'aurais inquiété. Alors quand il te balance ton pendule sous le nez, tu ne t'y attends pas, et sans que tu ne puisses exprimer une quelconque plainte, tu t'endors trop vite. Tau approuve d'un brusque coup de tête, te regardant un instant avant de se blottir à moitié contre toi. C'est son tour de fixer le ciel, de veiller un peu sur toi pour que tu puisses récupérer quelques heures de sommeil. Depuis le décès de papa, l'insomnie t'as frappé. Tau, par contre, a su faire disparaître le problème. Tau, tu vas toujours croire qu'il a mangé une partie de l'âme de ton père, car jamais dans l'avenir il ne fera autre chose que de prendre soin de toi. Dans toute sa bizarrerie, sauf qu'avec toi, ça va, t'es affecté de la même maladie.  

Kappa.

Aujourd'hui, tu fais face à un nouvel adversaire. Ça ne te dérange pas, si je mets un peu de musique? lui demandes-tu, et l'autre secoue négativement la tête. Les challengers s'attendent toujours à un spectacle particulier, quand ils viennent t'affronter. Une chose que tu ne négliges jamais, c'est la musique. Plus particulièrement la musique classique, qui, tu trouves, se marie parfaitement bien à l'affrontement, apaise la rage pour appliquer un combat plus doux, plus mélodieux. Quand les premières notes de la neuvième symphonie de Beethoven retentit, tu ouvres les bras en grand, avant de sortir la pokéball de Kappa, ton Mushana adoré. Bientôt, tu gardes les yeux ouverts, traversant autant le combat que ton adversaire afin de dévorer sur son visage chaque émotion. C'est une des choses que tu préfères, autant dans la défaite que la victoire, que de déceler l'émotion que cache chaque âme humaine. Tu prends toujours le temps de discuter, avant et/ou après, invitant tes adversaires pas trop démontés à prendre le thé, discuter. Juste en regardant l'expression ahurie de la demoiselle face à toi, tu sais qu'elle sera du genre à poser ses valises un instant, tu sais qu'elle posera beaucoup de questions, et gobera autant. Tu es curieux de découvrir son périple, mais tu as eu le temps déjà de deviner quelques détails. Tu sais observer, c'est ton talent, ta passion. Aujourd'hui, la belle ne gagne pas, et à voir l'éclair de douleur dans ses yeux, ça te chagrine. Tu t'es très bien battue, que tu la complimentes avec un sourire sincère. Peut-être qu'un peu de thé et quelques biscuits te ferais du bien, avant de reprendre la route? que tu lui demandes, devinant avant qu'elle acquiesce vigoureusement de la tête que tu aurais une compagne pour dîner, ce soir.

Comment avez-vous rencontré votre Mushana? que la jeune brune demande, les yeux brillants de curiosité. Ça fait déjà un moment que vous parlez tranquillement, elle, une interrogation dans le regard depuis le début. Tu souris, avant de sortir ton alliée de sa ball. Kappa laisse un énorme bâillement sortir de sa bouche, avant qu'elle ne vienne s'installer sur tes genoux, visiblement épuisée. C'est une drôle d'histoire, en fait, que tu rigoles doucement. Mais comme la jeune dresseuse boit déjà chacune de tes paroles, comme elle te pose des questions à double-sens depuis le début du thé, tu décides de ne pas la ménager. Elle est venu à moi, quelques temps après la mort de mon père. Tu sais que son espèce dévore les cauchemars des pauvres gens, n'est-ce pas? Habituellement, une fois fait, ils ne restent pas, mais ça n'a pas été le cas de Kappa. À l'époque, chaque fois que je fermais l’œil de manière naturelle, des cauchemars hantaient mes nuits et m'empêchait de me réellement me reposer. C'est là qu'est arrivée Kappa, une héroïne qui voit la vie en rose, pour manger mes mauvais rêves. Cependant, elle s'est perdue dans ce qui se cachait derrière, et quand je me suis réveillé, finalement reposé, elle était toujours là. Depuis, elle n'est jamais partie. La petite boit chacune de tes paroles, et à voir la lumière qui brille dans le noir de ses yeux, tu sais qu'elle ne va jamais mettre en doute aucune de tes paroles. Et qu'est-ce qu'il y avait, derrière vos cauchemars? qu'elle ose demander, la curiosité dévorant à la manière d'un Mushana, chaque parcelle de son visage. Toi, tu te contentes de fendre ta bouche d'un sourire mystérieux, avant de prendre une gorgée de thé. Un magique paradis, que tu réponds évasivement, avant de lui remplir sa tasse. La vraie histoire de Kappa, peut-être que c'est cette version, peut-être pas. Peut-être que tu n'as fait qu'embellir la réalité, peut-être pas. Joueur, tu aimes cependant aiguiser la curiosité des gens à ton sujet, sachant pertinemment ce qu'ils disent quand ils croient que tu n'écoutes pas. Tu as l'impression d'être un auteur, et qu'ils sont tes mots. Ils écrivent ton histoire avec les vagues traces que tu laisses, avec tes habitudes déroutantes et déconcertantes. Comme un livre on veut te découvrir ou te fuir, et comme un livre, on ne sait jamais quelle surprise se dévoilera à la tournure d'une nouvelle page.   

Stigma.

Alors petite Evoli, prête à devenir Mentali? C'est la nuit, et vous êtes tous les deux installés au sommet de ton arène sous une brise fraîche. Stigma te regarde avec des gros yeux, sautille presque sur ses courtes pattes. Toi, tu souris, comme toujours. Lentement, tu sors une pierre aube de ton sac, pierre qui t'as coûté une petite fortune. Mais ça en vaut la peine, tu rêves d'un Mentali depuis toujours, et t'en parles à Stigma depuis que tu l'as attrapé. Tu ne voulais pas la presser, mais le sujet n'a jamais semblé la déranger, au contraire. Plusieurs fois elle a vu tes autres pokémons au combat, sachant pertinemment que si un jour elle souhaite une place dans l'arène, elle devrait transformer son type en psy. Cette nuit se présente enfin sa chance, et tu es soulagé de constater son trépignement. Bien qu'avec ton sens aiguisé d'observation et ton fort côté philanthrope, les pokémons ne s'avèrent pas toujours facile à lire, peu importe votre niveau de connexion. En tant que maître d'arène, tu dois quand même attendre un certain niveau et une bonne performance de la part de ton équipe, mais ce que tu souhaites par-dessus tout, en ce moment, c'est plonger tête première dans une aventure avec Stigma. T'as eu de drôles d'expériences pour l'acquisition de tes pokémons, celle d'Evoli t'as cependant réalisé qu'il te manquait un bagage important: la simple découverte du monde et l'approche de nouveaux pokémons. Miranoir regorge de pokémons psy intéressants, et comme t'as l'impression d'être dans une saison morte de challengers, pourquoi ne pas profiter d'une évolution pour évoluer toi-même? Une lumière blanche aveuglante éclaire soudainement la nuit, au revoir, Evoli. Ça dure quelques minutes, et malgré les forts faisceaux, tu n'arrives pas à détourner les yeux. Tu veux tout voir les détails de ce changement, tu peux voir les poils bruns se teindre de mauve. T'as l'émotion qui te serre un peu la gorge, comme c'est beau. Rmeen, annonce Stigma en dévoilant finalement sa nouvelle apparence. Tu éclates de ton rire cristallin, les yeux secs à force de les retenir de cligner. T'es magnifique, Stig, que tu souffles d'une voix émerveillée. Ça y est, c'est l'heure d'un nouveau chapitre pour Io le faux mystérieux, l'acteur inventé au passé presque aussi blanc que celui d'un pasteur. Et tu pourras peindre d'encre les pages avec ton majestueux Mentali à tes côtés.