ça va être long
adrien

Liam s'arrêta, le nez en l'air, les oreilles dressées. Visiblement, il avait repéré quelque chose. Je jetai des regards scrutateurs dans les buissons à la recherche d'un quelconque mouvement, en vain. Lui seul avait détecté ce qui allait être notre ennemi, et peut-être notre futur allié.
Le matin même, nous avions décidé d'un commun accord d'aller défoncer sa race à la nature, ou plus exactement de trouver un pokémon à capturer afin de l'utiliser dans mes recherches. Ce serait ma première capture et, même si elle échouait, cela constituerait un très bon entraînement au combat pour ce lâche de Liam.
Et maintenant que l'affrontement était proche, il avait l'air de bien regretter. Je savais qu'il ne souhaitait que s'enfuir, mais il avait conscience que notre avenir dépendait de sa capacité à surmonter sa peur à se battre. En tant que chercheur, ranger, et tout simplement citoyen, je me devais de dresser mon pokémon. Je me concentrai donc sur les buissons, prêt à agir en fin stratège.

du premier coup
adrien

A petits pas, tout doucement, un Ceribou avança vers nous. Il sautilla devant Liam et nous offrit un joli sourire avant de se reculer. Visiblement, il attendait une action de notre part. Nous étions assez surpris de voir avec quelle facilité il avait compris nos intention et accepté le combat. Mais c'était à nous d'agir alors, en bon dresseur, j'ancrai bien mes pieds sur le sol et pointai le Ceribou, le visage marqué par la détermination.

– Liam, go ! hurlai-je au pauvre Laporeille qui aurait préféré une injonction toute en douceur.

Lui aussi s'assura d'être dans une position stable, prêt à m'obéir. Enfin, au vu de la position de ses pieds, il était surtout à bondir loin d'ici, mais passons. Le Ceribou n'avait pas l'air bien fort ni très combatif mais sa capture n'allait pas non plus se faire en claquant des doigts. Qui plus est, je n'avais en fait aucune stratégie, et je décidai donc de me baser sur la force pure ce qui, lorsqu'on comptait sur Liam, était tout de même une mauvaise idée.

– Attaque Ecras'face ! criai-je à nouveau, les mains en porte voix, espérant que ça donnerait du courage au pauvre lapin.

le ridicule ne tue pas
adrien

Aussitôt, Liam bondit, sourcils froncés, patte avant tendue vers l'adversaire, mugissant un « lapooo » qui devait être son cri de guerre. Il fonçait droit sur le Ceribou qui, toujours souriant, se tassait de plus en plus sur lui-même. Au moment où Liam allait l'atteindre, il chargea droit devant lui en criant à son tour, visiblement dans l'espoir de toucher mon ami. Ils finirent tous les deux par rouler au sol, dos à dos, à un mètre d'écart, puis se retournèrent, incrédules. Bien entendu, si vous attaquez au même moment, vous ne risquez pas de vous toucher, bande de crétins.

– Concentre-toi un peu, va plus vite ! Ré-essaie, Ecras'face !

Il hocha la tête affirmativement et se retourna vers le Ceribou qui était visiblement très amusé par le combat. Sa patte se leva à nouveau et il bondit si vite que j'eus à peine le temps de comprendre ce qui se passait.

au combat
adrien

Liam retomba sur ses pattes à quelques centimètres de moi, souriant. A voir l'expression contrariée du Ceribou, l'attaque avait touché sa cible de plein fouet. Déséquilibré, la plante tourna quelques temps sur elle-même avant de retrouver un semblant de stabilité. Sa première tête était un peu rouge et on voyait nettement la marque du coup. De toute évidence, il y allait avoir là une belle ecchymose si on ne le soignait pas. Mais ça n'avait pas l'air de le déranger plus que ça, il souriait toujours, face à nous.
Et puis, son corps se mit à briller. C'était la première fois que je voyais un pokémon se soigner de lui-même et c'était assez impressionnant. Ça faisait mal aux yeux, aussi. En quelques secondes, la marque avait disparu, et il se balançait d'un pied sur l'autre en répétant joyeusement son nom. Liam s'assit alors par terre, les larmes yeux. Je m'agenouillai aussitôt près de lui et le prit dans mes bras. Après tout, le Ceribou n'était pas vraiment une menace.

– Allez, ne te laisse pas abattre. Tu l'as touché, c'est déjà beaucoup, et je suis très fier de toi !

Il jeta vers moi un regard heureux embué de larmes qui me fendit le cœur. On allait la capturer cette saleté de cerise, et Liam prendrait confiance en lui, et tout irait pour le mieux. Il se remit debout et courut pour tenter une nouvelle attaque Ecras'Face. De mon côté, je sortis une pokéball et, dès qu'il fut assez près de l'autre pour attaquer, je la lançai avec tout l'espoir du monde.

mais bon sang
adrien

L'attaque toucha le Ceribou de plein fouet. Il fut projeté dans un buisson quelques mètres en arrière et en revint en titubant, extrêmement mécontent. De son côté, Liam sautait de joie, infiniment fier de lui-même. Il était tellement concentré sur sa réussite passagère qu'il ne vit la boule rose lui foncer dessus. Par contre, il sentit bien la puissance du choc dans son petit corps et hurla de surprise et de douleur.
L'attention de la plante avait donc été distraite, et je mis toute ma force dans le jet de la pokéball qui lui arriva dessus, s'ouvrit et l'absorba. Elle retomba au sol en s'agitant, le bouton centrale émettant une faible lumière rouge. Il ne fallait pas crier victoire trop vite, le pokémon pouvait se débattre assez pour en ressortir. Mais il était affaibli et désorienté, il n'y avait donc aucune raison que ça fonctionne pas.
Contre toutes attentes, ça ne fonctionna pas. Il en ressortit, transpirant mais toujours debout. Je pris une grande respiration et lança un regard à Liam, lui demandant de donner le tout pour le tout. Il bondit donc, et moi je jetai la pokéball avec encore plus de force. Il finirait par être à nous, ce satané Ceribou.

the final countdown
adrien

Bip. Bip. Bip. Clac. La pokéball s'était définitivement refermé. En un instant, Liam était dans mes bras, et nous hurlions de joie. C'était notre premier véritable combat, et notre première réussite. Lui surtout était heureux, d'abord d'avoir pu se prouver à lui-même qu'il pouvait se battre et gagner, et aussi de m'avoir offert ce que je désirais ardemment.
J'appuyai sur le bouton et le Ceribou ressortit, totalement déboussolé. Il inspecta la forêt, puis la boule dont il sortait, pour enfin reporter son attention sur nous et nous offrir un joli sourire, comme s'il n'avait pas reçu quatre ou cinq violents coups de patte. Je le prie lui aussi contre moi. Il avait la peau lisse et douce, comme celle d'une cerise.

– Et alors toi, il faut te donner un nom hein ? je me mis à réfléchir intensément. Ceribou, bout de chou, salade, fruit... Et pourquoi pas Clafoutis ? C'est mignon Clafoutis, comme toi ! Allez, c'est décidé, tu t'appelleras Clafoutis. Par contre je ne peux pas vous porter tous les deux !

Clafoutis redescendit donc et je le rentrai dans sa pokéball avant de prendre doucement le chemin du retour. Cette journée avait été suffisamment riche en émotion et on avait tous mérité du repos, un bon bain, et des câlins entre amis.