Depuis que j'avais quitté Safrania, je n'avais jamais su faire réellement confiance à quelqu'un. J'avais toujours l'impression qu'une ombre me guettait, que le danger était présent. J'avais changé, j'étais devenu une autre, une pale copie désarticulé et sans âme. Je ne restais que très rarement dans les lieux agités, peuplés, m'isolant pour voir venir le danger. C'est sans doute comme ça que je l'ai rencontré. Arrivant de nul part et ne cherchant rien. Il m'avait semblé étrange et aujourd'hui, je sais à quel point il l'est. Silencieux, en décalage avec le monde. Il est l'une des rares personnes capable de me faire souffler, capable de ne pas me faire reculer. Il n'a posé aucune question, je ne lui ai jamais demandé quoi que ce soit. Je connais juste le nom qu'il m'a donné, les rumeurs, les légendes, je m'en fiche un peu. Je n'ai pas besoin d'un nom, ni d'une histoire que l'on peut falsifier, je n'ai besoin de rien. Aujourd'hui comme bien des jours avant celui-ci, je sors mon téléphone et cherche parmi les rares numéros celui d'Ezekiel. L'appeler ? Non, jamais, simplement un message, juste quelques mots couchés sur un écran, « Où es-tu ? Je suis dans la Vallée fleurie près de la route 03. », je n'attends aucune réponse, dans un cas comme dans l'autre, nous répondons uniquement si nous sommes près, rien de plus. Je ne l'attends pas plus que ça. J'avais décidé de sortir la tête de l'eau, de m'arrêter un instant de vouloir atteindre un niveau suffisant pour vaincre ceux m'ayant tout prit. Je voulais juste mettre le temps en pause. M'asseyant contre un arbre, je ramène mes jambes contre mon torse, posant ma tête sur mes genoux en regardant Ghost se promener non loin. Il connait le deal, il ne s'éloigne pas et il peut sortir de sa Pokeball. Pourtant et même si je crains toujours de voir quelqu'un arriver et me le prendre, je me contente de fixer le vide me faisant face. Laissant le vent seul maitre et capable de briser le silence. Je n'attends rien, si ce n'est que le temps passe.

Je n'attendais pas qu'il arrive et pourtant, lorsque j'entends sa caravane au loin, une boule s'ôte naturellement de mon ventre. Je ne me base sur rien, je n'attends rien non plus, pourtant je sais qu'il me laissera souffler. Il finit donc par se présenter, me saluant sans pour autant briser le silence. Il n'a pas besoin de comprendre il sait comment j'agis, il sait comment agir. Il s'installe contre l'arbre, dans mon dos certes, mais sans ce sentiment oppressant, sans la moindre surveillance. Ghost quand à lui, finit par venir voir, s'assurant qu'il s'agissait bien d'Ezekiel et de personne d'autre. Levant les yeux vers lui, je finis par lui faire signe de partir, qu'il n'avait pas à rester, ce qu'il fit sans trop poser de question, pour une fois qu'il était compréhensif. Je le suspectais juste de vouloir aller emmerder l'être tambourinant contre les parois de la caravane. Ca ne serait pas la première fois qu'il serait foutu d'emmerder son monde. Ezekiel avait ce talent, celui de savoir se faire remarquer, comme celui de se faire oublier. Remontant la tête, je finis par la tourner. Une chose ne m'étonnait guère et c'était celle-là. Je voyais bien au rythme de sa respiration qu'il ne dormait pas encore, mais ce serait sans doute une question de temps. Il avait une capacité à s'abandonner en tout lieux qui était réellement impressionnante. Je serais incapable de fermer les yeux ici, encore moins avec Ghost ici. Peur que quelqu'un arrive, le vole, me l'arrache. C'était sans doute la différence qui faisait tout, l'absence de peur visible chez lui. Reposant ma tête sur mes genoux, je restais de très longue minute à fixer la plaine devant moi avant que quelque chose n'attire mon regard. Je vis Ghost se diriger vers la demeure du champion, il était à présent plus que clair qu'il allait y aller pour jouer des tours, ce qui n'était pas pour me plaire. « Ghost non. », soufflais-je d'un ton ferme. Bien évidemment il n'avait pas l'attention de m'écouter, mais il n'oserait pas s'opposer à Ezekiel. Quelque chose le dérangeait chez lui et je le savais très bien. Qu'il s'agisse de respect ou de quoi que ce soit d'autre, il frondait moins avec lui qu'avec moi. Ce qui était sans doute assez vexant au demeurant.

Retrouvant ma position initiale, je ne me posais pas la moindre question quand à comment serait les choses si toutefois nous étions différent. Je n'allais pas mentir sur le charme évident de l'homme, ni même sur ce qu'il aurait pu provoquer si je n'avais pas d'autre idée en tête. Mais je voyais mal les choses s'articuler autrement. Je ne me faisais pas d'illusion sur comment cela devait se passer avec d'autres personnes, mais je n'avais pas besoin d'une autre facette de sa personnalité pour exister. Je n'avais même pas besoin de lui. Alors je n'avais aucune question à me poser, je pouvais être moi-même, ne pas mentir, ne pas me cacher. Je pouvais être moi en la présence de quelqu'un, et c'était assez rare pour le souligner.

Il m'arracha un sourire lorsqu'il ordonna à Ghost de cesser de suite. Ce qui me fit réellement sourire fut qu'il obéisse, quittant les lieux tout penaud alors qu'Ezekiel reprenait sa position. Je le voyais sombrer sans doute pour dormir, chose que je n'aurais pas cherché à faire si il n'était pas là. Mais sa présence me rassurait et sans m'en rendre compte, je me mis à fermer les yeux, somnolant bien rapidement alors que je tenais toujours fermement mes genoux contre moi. Si jamais il arrivais quelque chose, sans doute ne ferait-il rien, mais je savais qu'il ne se laisserait pas marcher sur les pieds. Mon esprit finit par s'embrumer, succombant peu-à-peu avant qu'il ne cesse. Je ne sais pas combien de temps je passais dans cet état, mais ce fut le vent qui me réveilla. Tournant rapidement la tête, je le voyais toujours là, immobile, la respiration régulière comme si rien ne pourrait lui arriver. Me levant finalement, je me déplaçais vers le tronc sans un bruit, il avait trouvé la bonne position. M'adossant donc à ce dernier, je pris garde de maintenir une distance de sécurité entre nous. Déjà car j'aurais pu le réveiller, mais aussi et surtout car je n'aimais pas entrer dans l'espace vitale des gens. Le pire étant que j'aurais sans doute pu prendre mes aises en m'allongeant sur ses jambes, mais c'était simplement quelque chose dont je n'avais pas eu envie. Là je voulais juste souffler, ne plus penser à quoi que ce soit. Chose que je faisais que bien trop rarement rappelons le. Ezekiel était la neutralité absolu, il était rassurant sans chercher à te pousser pour en apprendre plus sur toi. Il se contentait de faire ce que beaucoup oublié, à savoir rien. Et rien, souvent, du moins dans mon cas, c'était la meilleur des choses à faire. Pas d'intrusion, pas de conflit.

Il respectait les périmètres de sécurité de chacun, du moins tant qu'on respectait le sien. Fermant à nouveau les yeux, je ne pus m'empêcher de remonter mes jambes contre moi, de me protéger de ces dernière, de me réchauffer aussi avec elles. Il ne faisait pas fondamentalement froid, mais je ne savais plus être parfaitement détendu, abandonné. Je ne savais plus être sans faille.