ft. yoon jeonghan
Arrête ! Mais qu'est ce que je t'ai fais ? Laisse moi tranquille ! Clic. Clic. Clic. Les ciseaux tranchent les mèches de cheveux doucement, dans un rythme régulier, qui semble assourdissant aux oreilles d'Althéo. Il pleure, oh il pleure toutes les larmes de son corps alors que les lames métalliques frôlent son crâne et le laissent comme nu, sans défense, honteux et ridicule. Un ricanement parvient à ses tympans, la main qui s'est refermée sur ses cheveux pour le tenir en place resserre encore sa prise et l'enfant étouffe un sanglot plaintif, tremblant.
Tiens toi tranquille, sinon je te coupe l'oreille. Violent. L'emprise du grand frère tyrannique sur son frère sans défense, sous le regard impassible de leurs parents qui semblent trouver ça normal, comme s'ils étaient aveugles, comme si c'était dans le cours naturel des choses. Les grands agissent les plus jeunes subissent. Althéo éclate en sanglots alors que son frère balance les ciseaux par terre et s'enfuit en courant, alors que son rire résonne dans la chambre où le plus jeune reste prostré, probablement traumatisé encore une fois, recroquevillé sur le sol avec ses cheveux éparpillés autour de lui.
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Pédé. Il cille, s'arrête. Ah, oui. Des rires, encore, toujours, et il déglutit. Le hall de son lycée lui parait bien anxiogène tout d'un coup. Il a envie de hurler, de frapper tout le monde, et si on le retient, il se débattrait, il mettrait tout le temps à terre pour leur prouver que non, il n'est pas une tapette, il n'est rien de tout ça, il est juste
normal. Mais rien. Le groupe de garçons - qui de toutes façons est plus fort, plus nombreux, plus respectés - s'éloigne en riant et en blaguant sur sa possible orientation sexuelle, et lui il reste planté là, sonné, la vision brouillée par les larmes qui commencent à s'amasser. De toutes façons, les cours sont finis. Althéo s'est plongé dans ses études au moment même où il est entré à l'école, comme un moyen d'échapper à son frère, un moyen de déconnecter son esprit de tout ce qu'il peut se passer avec les autres gens de la
vraie vie. Althéo traverse le lycée discrètement, rasant les murs et baissant la tête, sa capuche posée précautionneusement sur ses cheveux coupés anarchiquement, encore une oeuvre d'art de son frère, qui ne cesse de s'exercer sur la chevelure de son cadet, comme une petite fille s'acharnerait sur les cheveux de sa poupée préférée. Et Althéo, il sent les regards pleins de jugements, les chuchotis moqueurs, les questions sans gêne.
C'est un mec ou une meuf ? Les rires tonitruants de certains garçons, les sourires dédaigneux de quelques filles. La honte s'abat sur ses épaules soudainement, il accélère le pas. Pousse la porte du lycée à la hâte, fuit presque jusqu'à sa maison. Il entend les cris de sa famille, et soupire. Ah. Il sait. Ses parents ne sont pas méchants. On le lui a déjà dit. C'est juste, que...
Je veux pas d'une tapette comme fils, tu comprends ?! Oui, voilà. Autrement ses parents sont aimants. Ils sont juste... Voilà. Althéo entre timidement chez lui, sans un bruit. Enfin, à part le bruit de la porte d'entrée qui grince longuement. Tout le monde se tait, tout le monde reprend ses activités sans un mot, ce sera comme ça jusqu'à ce qu'il s'enferme dans sa chambre. Il passe par la cuisine, prend à manger pour lui et son Queulorior, va dans sa chambre, se reclus dans son univers. Les cris reprennent. Althéo a l'habitude d'être la brebis galeuse de la famille.
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Examens passés haut la main. Évidemment. Tour des Îles ? Du gâteau, réalisé en un temps record, à peine une semaine, juste le temps de battre les doyens et autres capitaines et de revenir chez lui, avec toute une équipe de Pokémons... Et de se rendre compte. Des réactions des gens. De l'accolade affectueuse et pleine de fierté de son père, de la silhouette de son frère qui ne lui accorda pas le moindre regard.
Il est jaloux et honteux. avait déclaré froidement sa mère, qui ne lui avait jamais vraiment adressé la parole autrefois. Et maintenant ? Comme si d'un coup, il était passé de tapette qu'on peut traîner dans la boue jusqu'à ce que mort s'en suive à héros national qu'il faut absolument respecter. En passant, on le nommait capitaine de son île natale, sans même lui demander son avis évidemment, oh ce serait trop beau qu'il puisse enfin faire ce qu'il voulait de sa vie. Le sentiment de liberté ressenti pendant son tour des îles lui manquait terriblement, surtout lorsqu'il sentait les regards de certains de ses anciens camarades de lycée. Ils n'étaient plus les mêmes qu'avant, et...
Althéo, lui...
Il ne comprenait pas. Il se laissait porter par la vie et les acclamations des habitants de Mele-Mele qui sonnaient comme de fades chuchotis à ses oreilles, recevant avec une joie feinte son titre de capitaine, faisant exprès de perdre devant les gamins qui faisaient le tour des îles, ou au moins ceux qui semblaient avoir du potentiel, le tout dans une routine morne, le tout sous le regard lourd de critiques de son frère qui l'observait de loin. Et les cheveux d'Althéo, ils repoussaient, ah il en prenait le plus grand soin, comme si ça pouvait mieux les protéger, mais son frère ne lui faisait plus rien, car maintenant les rôles s'étaient inversés, c'était Althéo le petit protégé et non pas lui, le grand frère, celui qui avait toujours été favorisé. Le retour à la réalité avait été douloureux pour ce dernier qui observait le monde se centrer autour de son petit frère avec amertume. Althéo, lui, tente de se reconstruire doucement, sur les cendres d'un adolescent détruit.
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Bon, échange moi un pokémon au hasard, si ça peut t'aider... Althéo farfouille dans son sac à la recherche d'un Pokémon qu'il ne regrettera pas, ou tout du moins pas trop. Un Obalie. Nommé Max.
Parfait. Il saisit la Pokéball avec un rictus en coin, récupérant ainsi la hyperball d'un autre pokémon. Une hyperball ? Au moins ce serait un pokémon intéressant, pas comme l'Obalie qu'il vient de lui passer. L'autre homme s'en va rapidement, presque sans demander son reste, après tout Althéo vient de le battre pour la énième fois, et le capitaine de Mele-Mele peut comprendre qu'il ait un peu le seum. Le jeune homme libère le pokémon qu'on vient de lui donner... Pour découvrir un fier Nodulithe, magnifique dans son ridicule bien à lui. Ah. Une hyperball, donc. D'accord. Heureusement que ce n'était que temporaire et qu'ils étaient censés se rendre leurs pokémons dans peu de temps.
... Toi. Tu n'es absolument pas mon pokémon. Althéo fixe le Nodulithe avec des yeux ronds. D'où vient-il ? Quand est ce qu'il l'a capturé ? Il ne s'en souvient plus du tout. Ses yeux se posent sur l'hyperball qui garde le Nodulithe. Il ne serait jamais aussi débile pour... Ah. Oui. D'accord.
Lui. Althéo soupire. Il ne lui a jamais rendu son Obalie. Et... Il était parti... Loin, apparemment. Miranoir, une autre île récemment découverte... Ce serait mentir de dire qu'Althéo a longuement réfléchi à son statut de capitaine au sein de l'île et aux responsabilités qui viennent avec avant de partir. En quelques jours, il était parti presque comme un voleur, prenant le premier bateau pour Miranoir, le Nodulithe sous le bras. Oui, il faisait beaucoup de choses sur un coup de tête, comme ça. Mais là, c'était important, pas vrai ?