Le concours de fin d'année, c'est celui que j'attendais le plus. Déjà parce qu'avec mes trois amours de type Glace, ça allait être plus facile de trouver une idée. Et puis parce que la neige, les cadeaux et la raclette, c'est ce qu'il y a de plus inspirant dans ce monde. Me voici donc, emmitouflée dans un grand manteau noir, Grelaçon serrée contre ma poitrine, prête à monter sur scène.
Le silence et le noir maintenant familiers de la salle me mettent à l'aise. Je pose Grelaçon au sol, un spot s'allume, nous éblouit. Mon cœur commence déjà à s'accélérer. C'est ici, quand je suis plantée comme un piquet au milieu de la scène, et seulement ici que j'arrive à être sérieuse et à considérer tous les enjeux d'un concours. Dommage, le temps commence déjà à filer, il est trop tard pour se remettre en question.

– En cette période de fête, je sais que la plupart d'entre vous court les boutiques à la recherche du plus beau cadeau. Je sais aussi que notre rôle à nous, coordinateurs, c'est de vous offrir de la beauté et du spectacle. Mais ce soir, j'aimerais vous offrir un peu plus : de l'émotion. Laissez-moi vous montrer l'histoire de la jeune fille au Grelaçon.

J'ai parlé un peu vite, tant pis. Le noir revient, Grelaçon se décale de quelques mètres sur ma gauche. Et revoilà la lumière, un spot braqué sur chacune de nous. Je lui fait signe de venir vers moi d'un grand geste du bras.

– Allez, ne fait pas ta mauvaise tête. Ça fait plus d'un an que je t'ai capturée, tu ne vas pas me refaire le même cirque à chaque fois qu'il y a de la neige. Tu ne retrouveras jamais ta liberté !

La musique commence alors que Grelaçon bondit vers moi en effectuant Morsure. Je tombe à terre, terrorisée, et je roule vers le fond de la scène tandis qu'elle, poursuivit par les deux spots, charge pour s'éloigner de moi et s'approcher de la scène.

– Mais reviens ! fait ma voix dans l'ombre. Pourquoi est-ce que tu cherches autant à fuir !?

La musique devient de plus en plus rythmée, Grelaçon montre sa Morsure en cadence, bondissant de droite à gauche pour intimider la majeur partie du public. Comme une bête retenue en cage trop longtemps, elle charge dans tous les sens, à la fois heureuse d'être libre et ivre de pouvoir. Je finis par la rattraper, courant puis tombant sur elle, pour la prendre dans mes bras, la caresser, la calmer.

– C'est fini maintenant... Tu ne t'enfuiras plus, tu es à moi, rien qu'à moi...

Elle se contracte, utilise Armure pour me repousser, se libère enfin alors que la musique se fait encore plus dramatique. Je me relève, tends un bras vers elle, comme pour la retenir, mais elle se rue déjà vers le fond de la scène en hurlant de joie. La lumière se concentre sur mon visage déjà brillant de larmes.

– Reviens ! Je suis bien mieux que la neige !

De la neige, en voilà. D'abord il n'y a que quelques flocons,puis elle recouvre progressivement la scène, touche même les premiers rangs du public. Grelaçon utilise Poudreuse jusqu'à ce que mon manteau noir soit presque couvert de blanc. Et puis, tout semble se calmer, mon visage s'apaise, on n'entend plus que quelques douces notes de piano.

– Et voilà, elle est partie. Je savais que je n'aurais jamais dû la forcer ainsi, mais comment vouliez-vous que je m'en sépare... C'était ma seule amie.

Silence, je tombe, le noir se fait, les applaudissements éclatent. Grelaçon m'attend déjà dans les coulisses, avec tous les autres. Une fois n'est pas coutume, ce concours-là, on l'a parfaitement réalisé ! Quand je vous dis que la raclette, ça inspire.

Agapé observa le Momartik. C'était celui de Cynthia. Oui, la Cynthia que tout le monde connaissait et admirait pour ses exploits passés et son statut de maîtresse de Sinnoh. Agapé a lui aussi beaucoup de respect pour elle. Banshee est un Pokémon très intéressant, cela dit. Douce et joyeuse, elle avait accepté de suivre Agapé pour participer à un concours à Waurlhaul. Agapé, quant à lui, stressait un peu. Tout était inconnu pour lui, ici. C'était son premier concours, avec un thème qui, étrangement, lui paraissait peu familier. Il était un parfait débutant et, pour finir de l'achever, le pokémon avec qui il participait lui était inconnu. Oh, ils s'étaient entraînés, mais... La présence de Philia près de lui pendant la prestation l'aurait rassuré. Le jeune homme était caché dans les ténèbres des coulisses, observant tour à tour Banshee et les autres participants. Tous avaient l'air plus chevronnés que lui et son expérience sur la glace ne l'aidait en rien cette fois ci... Quoique. Si Agapé avait participé à ce concours, c'est parce qu'il avait entendu dire que la salle de concours de Waurlhaul avait été équipée d'une patinoire. C'était principalement pour cela qu'il participait à ce concours. Néanmoins, il avait souhaité venir incognito. Aucune pub, aucun message sur les réseaux sociaux, absolument personne n'était au courant, si ce n'est Cynthia et son manager. Oh, il se doutait qu'on le reconnaîtrait, peut être. Agapé avait été vu plusieurs fois à la télévision ces temps ci, alors... Enfin.

Le jeune homme baissa le regard sur le Pokémon glace qui tenait un ruban pourpre entre ses pattes, et son coeur se serra d'angoisse. Pour la première fois depuis longtemps, il avait peur de monter sur la glace. Il entendait les applaudissements que recevait le coordinateur passé avant lui, et espérait vraiment être applaudi, lui aussi. Ça allait être son tour, maintenant. Il se leva, encore dissimulé par de lourds rideaux rouges, et laissa Banshee se placer au centre de la patinoire. Agapé espérait que tout se passerait bien, il l'espérait vraiment. Quant à lui, il observa le ruban rouge donné par son partenaire... Et le glissa sur ses yeux, l'attachant fermement. Dans son esprit, une tempête faisait rage. Agapé avait peur.

Les premières notes de musique résonnèrent alors qu'il rejoignait son pokémon sur la glace. Tout lui paraissait si calme, si sombre. Il pouvait toujours distinguer les formes malgré le tissu sur ses yeux, ceci dit. Tant mieux. Il resta quelques secondes sur la piste, Momartik lévitant doucement autour de lui, alors que sa voix, préenregistrée, se mêlait à la musique.

Il était une fois... Un pays couvert par la glace, assailli par les tempêtes de neige.

Agapé ne bougeait toujours pas, mais Banshee avait lancé une attaque Poudreuse en tournoyant, donnant l'impression d'une tempête de neige particulièrement intense. Agapé n'entendait rien, si ce n'était que les murmures et exclamations des spectateurs. Il ne pensait plus.

Un jour, un voyageur qui avait trouvé le courage d'explorer cette contrée enneigée, se perdit. La tempête était telle, qu'il ne voyait plus rien...

Agapé se mit à bouger, se mouvant gracieusement sur la glace. Il enchaîna quelques sauts rapides, se déplaçant très vite le long de la piste, sans jamais tomber. Il était rassuré de ne pas s'être écrasé contre un mur jusque là, honnêtement. Néanmoins, il avait senti sa main frôler une des parois de la patinoire à un moment, et avait entendu les hoquets de peur de certains spectateurs. C'était assez traumatisant comme ça, de savoir qu'il pourrait tomber sans même savoir où se rattraper.

Soudainement, une voix au loin le fit se stopper.

Banshee, qui jusque là continuait à faire Poudreuse, se mit à chanter. Banshee aimait chanter, c'était certain, mais le chant ne l'aimait pas. Sa voix paraissait grinçante, et toutes ses notes étaient fausses. Agapé s'accroupit alors, tournant sur lui même. Il avait sa jambe droite pour le soutenir et la jambe gauche parfaitement tendue devant lui, et il ne s'arrêtait pas de tourner, il ne s'arrêtait pas... Ses mains étaient plaquées sur ses oreilles.

La voix ne fait que s'amplifier, malgré les cris du voyageur qui ne sait quel mal s'abat sur lui. Elle est de plus en plus forte...

Banshee utilisa alors Reflet, entourant Agapé avec ses nombreuses illusions d'elle-même, dans un cercle parfait au milieu de la glace. Finalement, Agapé se releva d'un bond, faisant un saut de valse (nda: demi boucle sur lui même, bras écartés, jambe droite tendue en arrière) particulièrement énergique qui fit se dissiper l'illusion. Banshee se tut, s'éloignant doucement vers les coulisses en cessant sa poudreuse, qu'elle avait réussi à maintenir tout le long de la prestation. Agapé restait seul, au milieu de la scène.

Le chant et la tempête s'étaient stoppés. Le voyageur retrouvait ses sens.

Agapé retira son bandeau, le laissant tomber au sol. La musique commençait à devenir plus sombre. Il était seul sur la scène, ébloui par les projecteurs braqués sur lui.

Jamais on ne sut à qui appartenait la voix. On raconte que le voyageur revient chaque année dans la contrée glacée, dans l'espoir de l'entendre à nouveau...

Soudainement, les projecteurs s'éteignent, les ombres s'abattent sur la patinoire. On applaudit et Agapé salue, plus par habitude qu'autre chose, avant de rejoindre Banshee dans les coulisses pour la féliciter. Personne n'était tombé, personne n'avait raté son mouvement ou son attaque, tout avait été parfait... Sauf le chant de Banshee, évidemment.