Il y a l'hiver qui s'éternise dans la panique générale... et moi qui m'en réjouis, puisque ça me donne une deuxième chance. Une chance d'exploiter la grâce de la glace, d'extraire d'un bloc de glace brut l'essence même de la danse du flocon... Sauf que quand, à deux minutes de l'entrée sur scène, je vois Stalgamin mordre goulûment l'arrière-train de Macarena, je me dis que la capture de la beauté de l'hiver, c'est pas gagné gagné.
Il faut en plus que cette fois-ci, ce soit moi qui ouvre le bal. Qu'à cela ne tienne, j'ai l'habitude maintenant. Le trac, le silence, le spot éblouissant qui se jette sur moi dès que j'arrive au centre de la scène... Tout est prêt.

« Bonjour chers amis ! Il paraît que la neige, le froid, ça commence à vous inquiéter. Eh bien, malheureusement pour vous, vous allez assister à la plus formidable tempête de tous les temps ! Mais rassurez vous, vous ne risquez rien... »

En piste ! Macarena et Stalgamin, qui étaient jusque là restés collés contre moi, bondissent chacun à une extrémité de la scène et lancent synchroniquement Poudreuse. Moi, toujours au centre, je commence à danser, à jouer avec la neige. De quelques flocons, on passe bien vite à de gros tourbillons, qui viennent me frapper de plein fouet. Des spots bleus rejoignent le premier, se dispersent sur la scène, suivent les bourrasques comme au hasard...
Une musique se lance, des voix de femmes, inquiétantes, mystérieuses. A ce moment précis, Stalgamin lance une attaque Reflet. Le voilà partout autour de moi, il m'encercle, disparaît, se retrouve face au public, le fixant avec son sourire énigmatique. Et à nouveau, il se camoufle dans la clarté bleutée de la neige. Ma belle Marcacrin n'a pas cessé son attaque, bientôt la scène est presque opaque, on ne voit que ma silhouette tournoyant, suivie par la lumière bleue et la présence de Stalgamin.
C'est alors que Macarena perce le voile blanc d'une puissante attaque Charge, projetant quelques flocons dans le public. Ébouriffée par les rafales, elle semble d'abord chercher son chemin, désorientée. La voilà maintenant violemment balayée par la Poudreuse envoyée par Stalgamin, toujours caché par la tempête artificielle. Elle roule d'abord à l'autre bout de la scène, puis se relève, avance un peu, recule, lutte de toutes ses forces face à ce monstre invisible. Mais la voilà trop fatiguée pour se battre contre un flot de neige qui ne tarit pas. Dans un dernier saut, elle est emportée par le courant et se voit à nouveau capturée par la tempête.
S'en suit un moment des plus étranges. Les lumières bleues ont disparu. Plus rien ne bouge, sinon la neige qui s'élance dans tous les sens. Il ne reste que ces voix, qui semblent venir de partout. Le seul repère du public, c'est ce spot blanc, qui se jette toujours vers le centre de la tempête. Tous retiennent leur souffle. Et puis, le spot descend, vient mettre en valeur la petite forme qui se rapproche du mur formé par la tempête. Stalgamin sort enfin et montre au public ses Groz'Yeux, surnaturels, effrayants.
Le rythme de la musique s'est beaucoup accéléré, on entend presque des coups. Stalgamin continue de jouer les fous furieux, lançant de la Poudreuse au-dessus du public. Derrière, depuis l'intérieur de la tempête, Macarena envoie des Lance-Boue qui noircissent progressivement la neige. Bientôt, même le spot ne parvient plus à retrouver de blancheur pure, tout est tâché, souillé, malsain. Et Stalgamin n'a pas abandonné son curieux sourire...
Enfin, la tempête disparaît, en même temps que les voix. Sur scène, il ne reste que mon corps inerte, étendu non loin de Macarena, elle aussi terrassée. Stalgamin vient tourner autour de nous, un air victorieux au visage. Silence. Ténèbres. Applaudissements. Sans prendre le temps de saluer, je cours vers les coulisses, mes deux petits dans mes bras. Je suis toujours en vie, mais j'ai si froid...