Tu avais pu découvrir l'hiver et sa fraicheur, l'hiver et sa couche de neige glaciale sur les plantes et les rochers, l'hiver qui endormait le monde. Donovan avait refusé que tu sortes trop souvent, et de toute manière tu n'aimais pas cette saison. Tu soupirais souvent à la fenêtre, et moi je soupirais de te voir si déprimée et languissante. Toi qui t'étais si vite habituée à parcourir les vertes vallées de l'île, tout comme nous autres, rester enfermée ici était une torture quand tu avais goûté à la liberté. A chaque fois que Donovan avait accepté, il t'avait emmitouflé sous une tonne de tissus te permettant à peine de voir devant toi, et puis tu nous avais pointé pour qu'on soit aussi rembourrés que toi. Mais depuis quelques jours, un grand soleil brillait dans le ciel bleu immaculé, alors on pouvait ranger les écharpes. Et c'est comme si tu redécouvrais la vie, on ne pouvait plus te tenir, tu débordais d'un trop plein d'énergie contenu durant tout l'hiver, alors cette fois tu avais poussé plus loin que la vallée fleurie pour t'enfoncer dans la forêt, encore écharpée et vide de feuillages. Tu trouvais ça un peu désolant, et tu voulus t'assurer que l'arbre géant, le gardien de la forêt allait bien. Dépourvu de toute sa verdure, il perdait de sa splendeur, posé là les branches basses, tombantes, et son souffle vital ralenti. Là où d'habitude tu posais la main pour sentir la sève s'écouler jusqu'au plus haut de ses cimes, rien ne venait picoter tes doigts. Pétales était venue flotter près de toi, essayant de te consoler. C'est là que je perçus une présence, celle d'un humain qui s'avançait dans la grande clairière, et se dirigeait clairement vers toi. Je finis par le reconnaitre : il s'agissait d'Adrien, ce jeune garçon que tu avais rencontré ce jour de pluie à la fin de l'été, qui t'avais confié Joie, le Togépi. Lui avait toujours Liam, le laporeille timide, et un saquedeneu et un passerouge. Adrien semblait vouloir te héler et je m'apprêtais à l'en empêcher mais il semblait avoir compris la leçon et resta à distance, me faisant un signe. Elisa, Adrien est là. Tu me transmis ta surprise alors que tu te tournais vivement pour te retrouver là, devant le brun. Tu mis un petit instant à te souvenir de lui, toi qui n'étais nullement habituée aux relations sociales. Mais je demandais, que faisait-il là ? Il semblait content de te voir. Ils avaient l'air beaux tiens, plantés l'un face à l'autre sans mot dire. Dis lui bonjour, au moins... Mais tu demeuras ostensiblement silencieuse, quasi prête à aller te planquer de l'autre côté du tronc.

Il te fallut encore un moment pour rassembler tes souvenirs de cette après-midi d'été. Ta peur d'Adrien, alors que tu étais trempée dans ta robe blanche, dans cette petite grotte illuminée de cristaux. Oui, maintenant tu te souvenais du paysage, de la beauté des lumières que tu poursuivais du bout des doigts, et puis tu te souvins du contact que le jeune homme avait tenté d'instaurer, qui te fit poser des yeux encore craintifs sur lui. Mais il était encore éloigné, il t'observais comme tu l'observais, comme deux animaux sauvages, à l'instar de la petite troupe que nous formions autour de vous. Tu avais justement remarqué la petite Passerouge perchée sur l'épaule du garçon, et l'oiselle attirait si fort ton attention que tu semblais à deux doigts d'oublier ta frayeur pour t'approcher d'elle, au même titre que cette Vivaldaim rencontrée à la vallée fleurie, puis celui que tu apprivoisé, dans les bois non loin. Fleur qui s'était d'ailleurs éloigné pour brouter, peu dérangé par le tapage qu'avait provoqué l'arrivée d'Adrien. Pomme et Joie étaient évidemment accrochés à tes jambes, alors que tu restais là, à regarder l'homme cachée derrière tes mèches blondes, jusqu'à ce que la passerouge te fisse relever le nez, ayant entamé un chant, des trilles joyeuses et claires qui te fascinèrent, et tu demeuras là bouche bée devant le concert que les pokémons avaient décidés de te donner. Est-ce que c'était grâce à Adrien, est-ce qu'il avait prémédité ça ? Toi, tu ne te posais pas vraiment la question, tu trouvais ça juste magnifique, mais il te tira un peu vite de ta rêverie en te tendant la main, une pokéball au creux de sa paume. Tu le regardas d'abord sans comprendre, mais tu connaissais la signification des cadeaux. Tu fis un petit pas en avant, tu l'attrapas du bout des doigts. Ca te ramena en arrière, avec moi. Cette toute première fois où tu avais touché cette sphère rouge et blanche, la première fois que tu avais sursauté face au flash rouge, et que j'étais apparu. Nous nous étions vu, d'une fascination intriguée, et d'un amour sincère nous étions aussitôt unis. Tu revoyais cette silhouette blanche qui te souriais. Cette silhouette étincelante qui fuit aussitôt, et la ball t'échappa des mains, roula dans l'herbe. Ton coeur battait trop fort, je le sentais, tu adressas un regard perdu à Adrien qui te fit t'interroger sur cette vision incongrue. Tu te rendis vite compte que la situation n'était pas la même, et je soupirais de soulagement. C'est là que je pris conscience des mots d'Adrien, que toi tu avais à peine entendu. Amitié. Qui pouvait bien se cacher là dedans ? Je fus vite devant l'objet rond, appuyai sur le bouton, révélant un Flabébé qui semblait surpris d'être tiré de sa sieste, manifestement. La petite fleur cligna des yeux, bâilla, et je sentis ta joie et ta surprise devant le pokémon. Tu t'accroupis, tendis tes doigts vers Amitié qui t souris, s'y accrocha sans attendre. Ce pokémon, tu l'avais déjà vu dans les livres d'images, mais le traumatisme ou presque, de la cature de Pomme te faisait refuser de capturer tes compagnons en combattant. Tu avais réclamé ce pokémon là à Donovan, tout en étant quasi certaine que tu ne l'aurais pas. Les amis, ça se rencontre au hasard, n'est-ce pas ? Comme tu avais croisé cet Adrien. C'était ça, qu'il voulait dire ? Lui étais-tu précieuse au point qu'il fasse tout ça pour toi, comme Donovan jurait qu'il le ferait ? Autant de questions que je voyais tourner dans ton esprit, des questions que tu n'oserais jamais lui demander, pas de vive voix. Je m’immisçais dans ton esprit pour te pousser à le remercier, tout simplement, mais tu te redressais et te laissa aller contre lui, ou plutôt te cacher contre lui, agrippée à son haut tu semblais n'être qu'une boule blonde muette. C'était ta façon de remercier, tout comme tu avais remercié ce Zorua qui t'avais sauvé, l'an passé, au même endroit. Peut-être cet arbre géant avait un pouvoir ? Amitié ne t'avait pas lâché, et était venu se lover dans tes cheveux, te faisant comme une broche fleurie. Amitié, ce qui constituait ta petite équipe grâce à Adrien.