ft. Pom Klementieff
Vallée Fleurie, Juillet 1995 :
Je me roule dans les herbes hautes, appréciant le soleil qui caresse mon visage rond d'enfant. Le vent léger balaye la nature verdoyante et me renvoie les parfums agréables des fleurs qui poussent par milliers, tout autour de la maison. De notre maison. C'est le paradis, ici. Je m'y sens bien. Enfin... presque. Je m'y sentirais mieux si Papa et Maman s'aimaient comme avant.
Des voix s'élèvent. Je sais qu'ils se disputent encore... Je sais que Maman veut partir parce qu'elle aime un autre monsieur. Papa aussi, il le sait... Mais il est prêt à lui pardonner. Je l'ai entendu le lui dire hier soir. Ils croyaient que je dormais, mais en fait, je voulais seulement savoir si ce que maman me disait était vrai...
"Cheyenne ? Tes valises sont prêtes ?"Je suis toujours allongée dans l'herbe, les yeux rivés au ciel.
"Cheyenne ?!"Maman insiste, sa voix reflète son impatience. Papa lui dit quelque chose que je n'entends pas, et elle lui aboie littéralement dessus :
"Je ne supporterais pas une minute de plus ici, dans ce trou paumé. je prends ma fille, et je m'en vais, point."Je m'appelle Cheyenne, j'ai huit ans depuis hier... Et je suis victime, comme beaucoup d'autres enfants, d'histoires d'adultes qui ne me regardent même pas.
Paoles, Septembre 2000 :
"Tu te dépêche, oui ? J'ai pas que ça à faire, Cheyenne. Je te rappelle que j'ai rendez-vous."Ma mère me tire par le poignet pour que j'accélère la marche. Je reste silencieuse sur le chemin qui nous mène à notre appartement. Terminé la nature, terminé le calme en rentrant de l'école : bonjour la ville et ses grandes artères. Sa foule toujours pressée. Cinq années que je supporte cette mascarade...
Quand nous arrivons à la maison, je regagne ma chambre où je m'enferme. Je hais cette maison. Je hais cette ville, cet endroit... Il me tarde chaque week-end et chaque vacances où je peux aller m'aérer l'esprit chez Papa. Je lui téléphone très souvent... J'aimerais réellement vivre avec lui, mais elle me l'interdit...
Elle... Sa seule préoccupation dans la vie, c'est elle même. Elle-même et son nouveau copain. Ah, et peut être cette envie irrépressible de faire souffrir mon père. Encore une fois, ce soir, je ferais mes devoirs seule, je mangerais seule, et j'irais me coucher seule.
"Je t'ai laissé les restes de ce midi dans le frigo. Fermes bien à clés quand tu iras te coucher."Elle ne m'embrasse pas. Perchée sur ses talons aiguilles, elle quitte l'appartement dans un boucan d'Enfer. Si avant j'aurais pleuré, maintenant, je profite de ma tranquillité. Quand elle n'est pas là, je n'ai pas à subir ses états de nerf permanents. Et surtout, quand elle n'est pas là, je peux rester au téléphone avec Papa pendant des heures... Il m'a offert un téléphone portable rien que pour ça.
"... Papa, tu me manques...""Je sais ma chérie, je sais."Vallée Fleurie, Août 2005 :
"... Enfin j'avais pensé que voilà, maintenant que tu es majeure, tu pourrais venir vivre ici, ma chérie... Le temps de trouver ton petit chez toi, et un travail stable... Enfin c'est comme tu veux, je ne voudrais pas te forcer à quoi que ce soit..."Je crois que c'est la plus belle annonce qu'on ai pu me faire durant toute ma vie... Des années à supporter une mère égoïste et un beau-père chiant comme la pluie... Des années ou mon père à tenté de me récupérer sans succès... Et cette belle mâtiné d'Août où je peux d'ores et déjà savourer les prémices d'une vie plus douce. Je suis comblée. Je lui saute au cou.
"... Tu n'imagines même pas comme j'ai hâte, Papa ! Dès que je rentre, je fais mes valises et ciao Paoles !"Je dis ça en riant. Je me sens tellement plus légère... D'autant plus qu'ici, j'aurais de réelles chances de pouvoir devenir Ranger et ainsi travailler avec et pour la nature sauvage. J'ai toujours voulu faire ça.
"Ne bouges pas... Je vais te chercher quelque chose... Un cadeau pour fêter nos retrouvailles."Il a ce sourire doux sur le visage, que j'adore et ses yeux pétillent d'une malice singulière lorsqu'il se lève pour quitter le séjour. Je me demande bien ce qu'il va ramener... Il me faut encore attendre quelques minutes pour le voir revenir. Dans ses bras une boule de couleur verte... Et deux grands yeux un peu étonnés :
"Je te présente Izzy, Cheyenne. Je l'ai récupéré il y a quelques mois, elle rôdait autour de la propriété... Et puis un matin je l'ai retrouvée devant la porte, visiblement blessée. Les rangers du coin m'ont aidé à la sortir d'affaires et depuis ce jour, elle ne veut plus partir."Je reste silencieuse, un petit sourire se dessinant sur mes lèvres.
"... Elle est tellement mignonne."Carrément craquante même, avec sa bouille ronde et ses petites pattes trop courtes. J'approche une main un peu timide et effleure sa tête du bout des doigts. Elle se fige.
"Elle est encore un peu timide... Mais je suis sûre qu'elle t'aimera beaucoup si tu en prends soin. Elle besoin de beaucoup de présence."Et c'est ainsi que je fis la connaissance de mon premier pokémon... Qui m'attendrais sagement avec mon Père, lors de mon retour tant désiré à la maison.
Paoles, Septembre 2005 :
C'est un coup de fil au beau milieu de la nuit. Un souvenir déchirant. Et une peine trop grande.
"... Cheyenne qu'est-ce que tu fais ? Il est trois heures du matin ! Baisses d'un ton !"Et une mère idiote qui pointe le bout de son nez. Je n'ai pas les mots. Je me sens vide. Vide de sens, vide de vie. Vide de tout sentiment.
"Papa est mort."Papa est mort. Je n'arrête pas de me répéter ces mots en espérant que tout cela ne soit qu'un cauchemar et que je vais me réveiller d'une minute à l'autre... Mais il n'en est rien. Au bout du fil, une voix me ramène à la réalité. Un ami de Papa. Un accident de voiture.
"Merci d'avoir appelé. Je serais là demain."Je raccroche. Ma tête me fais mal. Mes yeux ne trouvent pas la force de pleurer.
Et ma mère m'observe en silence.
Vallée Fleurie, Mai 2016 :
J'ai quitté Paole depuis ce jour. Enfin, au départ, j'ai du faire des allers-retours entre ici, et chez ma mère pour de simples raisons logistiques. J'ai du gérer seule les obsèques de Papa... Et c'est à partir de ce jour que j'ai coupé les ponts avec ma mère. J"ai compris depuis longtemps que je dois m'en sortir par mes propres moyens...
Je rénove peu à peu la maison de la Vallée Fleurie, grâce à mes revenus de Ranger.
La vie m'ayant appris qu'il faut être présent pour les autres, aujourd'hui, je me consacre entièrement à ça. Je reçois à la maison des tas de voyageurs afin de leur prodiguer nourriture et nuit confortables. Je suis heureuse d'être ce que je suis devenue... Heureuse d'avoir pu garder la maison de Papa et en avoir fait un lieu plein de vie... Car oui, aujourd'hui, la maison de la Vallée Fleurie ne dort jamais, avec Izzy, nous veillons au bien être de tous.