Je courrais. Je ne savais ni vers où ni pourquoi, mais je courrais, tout simplement. Depuis ma dernière opération, j'avais tout fait pour couper les liens qui me rattachaient à mon ancienne vie : j'avais commencé par démissionner, j'avais ensuite brûler toutes les photos où j'apparaissais et j'avais fini par quitter mon foyer, ma femme et mon fils. J'avais l'impression d'avoir toujours été lâche ; comment avais-je osé partir sans être confrontée une dernière fois à leur regard ? Peut-être était-ce mieux ainsi. Je savais que Elizabeth était bouleversée depuis mon changement de sexe. Elle ne mangeait plus et elle s'enfermait dans sa chambre, sans dire un mot. Les seules discussion que nous avions étaient à propos de Matty. J'espérais ainsi que mon départ allait leur être bénéfique. Il leur permettrait certainement de tourner la page et de m'oublier. Si j'avais le droit à une deuxième chance, je voulais qu'ils en aient une aussi.

J'avais fini par me retrouver sur les falaises qui bordaient la ville. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais toujours aimé cet endroit : je le trouvais à la fois calme et animé. Ici, la civilisation s'arrêtait aux premiers rochers et laissait la nature retrouver toute son autorité sur les alentours. Les seuls pokémons qui s'y trouvaient n'étaient pas domestiques, mais bien sauvages ; si on ne voulait finir en pâture, il valait mieux ne pas les déranger.

Je touchai mon sac à main, pour vérifier que la balle de Tyr était toujours présente. Je n'avais jamais été aussi seule, et pourtant, avec ce petit primate flamboyant, je me sentais en sécurité. Sa pokéball dégageait d'ailleurs une chaleur réconfortante qui éclipsait ce sentiment de solitude. Néanmoins, je n'avais pas encore eu le courage de faire les présentations. J'avais peur qu'en découvrant que je n'étais pas sa réelle dresseuse, il prenne la fuite. En effet, il appartenait autrefois à ma femme qui, avant qu'on se marie, était une dresseuse. Or, pour m'enfuir et partir sur les routes, j'avais besoin d'un compagnon et j'avais donc fini par lui dérober un de ses camarades. Je savais que ce n'était pas honnête, mais je ne n'avais pas d'autre choix.. J'espérais simplement qu'elle trouverait un jour la force pour me pardonner.

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L'air frais, qu'est-ce que c'était revigorant ! J'avais l'impression que ça faisait une éternité que je n'avais pas été aussi proche de la nature. J'avais l'habitude de beaucoup voyager pourtant, mais c'était toujours des déplacements professionnels - même à l'autre bout de l'île, je devais passer mon temps derrière un écran et quand je n'étais pas au bureau, c'est à dire la nuit, je profitais de ces quelques moments de solitude pour assouvir quelques désirs. Néanmoins, ce train de vie appartenait désormais au passé. Maintenant que j'étais libéré de mes obligations, je pouvais faire ce que j'avais toujours secrètement souhaité : découvrir le monde.

Je pris le courage de m'avancer au bord de la falaise sur laquelle je me trouvais. Dois-je vous préciser que je portais des talons ? Déjà que je n'avais pas l'habitude de porter ce genre de chaussure (j'avais eu envie de paraître féminine, pour mon nouveau départ), les cailloux qui glissaient sous mon pied ne me facilitaient pas du tout la tâche. Pourtant, je réussis tout de même à arriver au sommet de cette énorme roche. La vue était tout simplement magnifique. D'où je me trouvais, je pouvais admirer l'immensité de l'océan, mais aussi les touristes qui se baignaient dans la baie et la ville balnéaire qui se dessinait entre les palmiers.

Un cri m'arracha toutefois de mon émerveillement.

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