Pour environ la centième fois depuis qu'il était arrivé là, Arzhael se demandait ce qu'il foutait. Même si en vrai il savait. On l'avait viré de la team Galaxie pour une raison des plus égoïstes et machiavéliques, il n'avait même pas embarqué ses affaires, il n'avait que ses pokéballs sur lui, et il avait à peine dormi de la nuit. Fallait dire que la brusque rupture plus la nuit dans les bois obscurs à courir comme un dératé, de peur que Reaper ne le défonce et à somnoler contre une souche d'arbre, ce n'était guère reposant. Il se passa une main lasse sur le visage, alors qu'il suivait le sbire qui devait le conduire jusqu'au bureau de Giovanni. Ça faisait longtemps, vraiment. On ne pouvait pas dire qu'il avait une bouffée de nostalgie ou quoi, mais tout s'était enchaîné si vite... Lui qui se plaignait de l'inactivité de la team galaxie... Il ricana tout bas, se prenant le regard plein de jugement de son guide face à ce fou tout débraillé, mal coiffé et crotté, ce qui le calma quelque peu. Il s'agissait de faire un minimum sérieux aux yeux de son ancien... voire nouveau chef. Il savait que c'était un pari risqué, mais toujours moins que de s'accrocher à la team galaxie. Après tout, il avait hésité à partir. Il avait senti à un moment que les choses n'allaient pas en sa faveur, et au final... Il s'en mordait les doigts. Mais s'il faisait demi tour on allait le tuer. On le planta donc devant la porte du bureau, se laissant s'annoncer comme un grand garçon même s'il... Bah, il flippait sa race ? Il avait un trac de merde ? Ouais, sans doute. Il soupira un grand coup, se passant la main dans les cheveux, réfléchissant nerveusement à ce qu'il allait dire. Il s'agissait de ne pas gaffer, mais clairement on savait tous qu'il allait le faire. De toute manière, sa situation était désespérée. Alors qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir dire ? "Hey salut, alors en fait je me suis barré d'ici parce que j'étais jeune et con -et je le suis toujours- pour aller dans la team galaxie, sauf qu'on m'a viré du coup je suis à la rue et sans le sou, pouvez m'héberger siouplait m'sieur Giovanni ?" Non, non non. Il fallait la jouer fine. Balancer la TG ? Qu'est-ce qu'il y avait à dire dessus, à part la mort d'Hélio et Jupiter qui, il le pensait/savait bien, était sans mal parvenue aux oreilles de Giovanni. Quant à sa présence dans la team de Mars... il pouvait peut-être la passer sous silence. Il n'y avait passé que six mois, il pouvait prétendre n'avoir rien foutu six mois de plus, après la disparition d'Hélio aux colonnes lances. Tant que Raine ne calait pas sa présence ici... Ouais. Ouais, ça pouvait le faire. Il pouvait dire qu'il était vraiment en pleine misère, ce qui le poussait à venir se faire recruter. Allez, on part là-dessus. Il prit une grande inspiration, toquant prudemment à la porte en espérant si fort que... Que quoi ? Que Raine, Mars ou Deimos ne soit pas dans le bureau avec Giovanni, sans doute, déjà, sans quoi il était mort. Même si c'était peu probable. Il espérait que la Persian n'était pas non plus. Elle était aussi affreuse que le Chaffreux de Mars. Ayant sagement attendu le "Entrez." placide du leader, il ouvrit cette damnée porte, se raclant la gorge en croisant les doigts pour que malgré que Gio se souvienne de sa tronche d'ahuri, il ne le tue pas sur place...

Pas de Mars en poussant la porte du bureau, ni même de persian ou de gros poké pas beau qui attendrait de pouvoir joyeusement le piétiner s'il ouvrait la bouche. Hey en vrai pour la persian, s'il ne la voyait pas c'était inquiétant. Peut-être était-elle planquée en hauteur et attendait-elle de le bouffer. Il eut un coup d’œil nerveux vers le plafond, clairement tendu de stress et de peur. Reaper et Mars l'avaient rendu parano. Mais fallait dire que même simplement voir le vieux Giovanni posé là au fond de son fauteuil, à grimacer en le voyant apparaître, ça foutait assez les jetons comme ça. Il n'avait... guère changé, supposait-il. Il ne lui voyait absolument rien de changé dans son air dur, sa tenue stricte en costume gris et noir et ses cheveux bruns coupés courts. Bon, peut-être une ride ou deux de plus mais clairement il s'en fichait, Giovanni pouvait très bien avoir un air de vénérable sage et apaisée, Arzhael ne savait que trop bien combien ceux qui avaient le pouvoir étaient dangereux. Il avait acquis avec Mars que vouloir toucher, s'approprier une flamme, c'était juste se brûler. Alors, disons qu'il cherchait juste une chaleur ténue de la puissance de Giovanni. Du pain, un toit en échange de sa force de travail. Contre sa capacité à s'écraser et à rapporter du grain à moudre pour la grand machinerie. Bon, autant se faire sovkipou, aucun souci, mais rapporter seul des pokémons et compagnie ? Meh. Herm, bref. Il s'agissait de se reconcentrer sur-- Il sursauta brusquement, bien trop flippé pour pas grand chose, soit le Miaouss qui apparaît là, entre quelques piles de papier il en entrevoit les moustaches et le pelage doré, là sur les genoux de son maître. Une minie persian, clairement. Il dut pâlir quelque peu, trouvant sans mal en ce petit chat la réincarnation du chaffreux de Mars et de Scar le chacripan, également. Et dans un effort qui lui semble surhumain il se plante là, à encore deux pas du bureau, un fauteuil à portée de main mais s'il avait eu le culot de se dresser face à Mars parce qu'elle avait été une femme, ce n'était plus la même chose avec Worick. Il n'aurait jamais osé poser son derrière là dessus avec insolence, sans y avoir invité, et puis même si tel avait été le cas... Il préférait sans doute se tenir prêt à détaler à toute allure hors du casino, poursuivi par une meute de malosses. « Que viens-tu faire ici, Arzhael ? » Et Arzhael frémit violemment. Giovanni se souvient de lui, l'insignifiant petit sbire rampant, sûrement assez pour qu'il attire l'oeil dégoûté de Giovanni, et il se demanda si cela valait le coup. Il aurait sans doute été préférable de se fondre dans la masse. D'un autre côté c'était obligé que Giovanni sache qu'il avait déserté comme un con, il est le maître ici, il sait tout. Et il fait comme s'il ne savait pas ce qu'Arz voulait. Il voulait sans doute l'entendre dire et le faire ramper à ses pieds, jusqu'à le jeter comme une chaussette usée dehors. Enfin. Il espérait pas bouffer son orgueil déjà assez misérable juste pour ça. Il avait envie de clamer qu'il ne se traînerait à genoux que s'il est certain de la réussite de son entreprise. Il avale difficilement sa salive, pas à l'aise. En même temps, bref on va pas se répéter. « Eh bien… » hasarda-t-il alors, cherchant ses mots. Son regard perdu se planta dans les yeux sombres du boss, qui attendait clairement qu'il ait une bonne raison pour pointer sa vilaine fraise sous ses yeux. « Je voudrais revenir ici. Dans la team. Je regrette de… D’être parti. Sincèrement. » Comme si ça allait suffire, pauvre fou. Comme si des regrets allaient faire s'ouvrir Giovanni. Allez, réfléchis Arz, tu peux sûrement tourner ça de meilleure façon. Jouer les victimes désespérées ? Ça ne servirait à rien. Il ne ferait que l'enfoncer un peu plus en le dépouillant de ses pokéballs. Alors il se redressa, soufflant un grand coup pour avoir un air un tant soit peu décidé. Il voulait un toit, il l'aurait. Ouais, même lui il savait que ça marchait plus comme ça. Mais c'était sa seule chance.

Il flippait. Pas à s'en pisser dessus, mais c'était pas loin. Mais il n'avait pas le choix, n'est-ce pas ? Il marchait bizarrement, son orgueil. Il préférait ramper aux pieds de cet homme plutôt que vivre comme un SDF. Une fierté mal placée. Il ne savait même pas si actuellement, il regrettait. Mais plus il regardait Gio, plus il se demandait s'il était capable de lui être loyal et fidèle comme il l'avait été avec Mars. Oh, il le craignait, bien plus que désormais il ne craignait Mars. Si la rousse était dangereuse, c'était par la présence de Reaper. Elle avait manqué à elle même, à son devoir, en refusant de l'achever. Ce n'était même plus elle, aux yeux du rouquin. Deimos l'avait changée, comme lui l'avait changé à son arrivée de Sinnoh. Comme si elle était une poupée mécanisée, malléable, à sculpter soi-même. Il manqua soupirer, reconcentra son regard sur les yeux noirs profonds du boss. Ouais, sauf qu'il n'était pas pédé, ça ne sera jamais pareil. Ca l'étonnerait fort qu'il cesse de se recroqueviller devant Giovanni. Et l'homme soupira alors qu’Arzhael s'avança, et la miaouss sauta de ses genoux, louvoya agilement entre les piles de papiers sûrement très très importants, pour se lover là, au coin du bureau, au tout proche de lui, comme si elle allait le griffer allègrement à tout moment. Elle miaula. Et Arz manqua sauter au plafond, bien trop tendu, crispé, sous l’œil sans doute très amusé du maître. Ils jouaient clairement avec lui, il le voyait très bien, et il ne pouvait rien faire, à part peut-être fuir en courant. « Eh bien… Sincèrement. Qu’est que ça peut  me foutre que tu reviennes ? » Ah. Il appuyait bien pour se foutre de sa gueule en plus. Il fallait s'en douter, mais il ne put s'empêcher d'ouvrir une bouche hébétée d'abruti qui ne s'y attendait pas. Sauf qu'il avait raison, ce n'était pas à ce critère que Gio allait le faire revenir. Il tenta bien de bafouiller quelques trucs avec une minute d'un silence très très pesant, mais sa voix mourut dans sa gorge quand il vit l'homme se lever, contourner le bureau, une clope coincée dans les lèvres, et il crut se liquéfier sur place quand le brun se planta devant lui, abattit sans crier gare une large main sur l'épaule d'Arz, qui aurait pu tourner de l’œil. Il eut la présence d'esprit de reprendre son souffle et de déglutir un peu, néanmoins toujours muet. Il puait la peur de tous ses pores, et c'était pitoyable. Lui qui n'était ni timide, ni pour autant tactile, il exécrait ce contact là, il avait l'impression que le mec allait lui broyer l'épaule, et c'était sans doute tout à fait volontaire. Bordel de merde. Il n'osait même pas fermer les yeux pour se reprendre. Surtout qu'il les écarquilla comme une vierge effarouchée quand il sentit la main glisser dans son dos, pousser pour le guider vers la sortie, et il fit quelque chose de très ironique et impensable quand on sait qu'il aurait volontiers détalé comme un Sapereau : il résista, cherchant à rester là, cherchant à grappiller quelques précieuses secondes alors qu'il roulait des yeux terrorisés vers le brun qui lui avait le regard rivé sur sa montre, comptant son temps restant. Merde merde merde, il savait parfaitement que Gio ne lui laissera pas une seconde de plus. Il lui fallait réfléchir vite. La première chose qui lui vint à l'esprit c'était évidemment la team galaxie. Mais il avait bien trop peur que l'ex champion du type sol ne le cloue vivant au plafond s'il osait dire qu'il en avait fait partie. Et la main pressait toujours plus dans son dos, l'éloignant de son toit de secondes en secondes. « A-Attendez. » s’entendit-il bégayer, aussitôt ajouter en précipitant. « Je connais la maison, je peux vous être utile e-et je sais des choses sur la team galaxie ! » La pression se stoppa, il haletait de tension comme s'il venait de courir un pokéathlon et les explications se pressèrent dans sa bouche. « J’en sors. Ils m’ont viré, j’ai détruit les plans de Mars, j’ai détruit l’orbe et elle ne m’a même pas tué. » Ouaiis... Et ? Il le sentait venir, c'était foutu il était condamné à vivre comme un clochard, il ferait peut-être même mieux de quitter la région, c'était petit Miranoir. Il coula un regard à Giovanni. « On peut peut-être en profiter ? » Bon, clairement c'était mort pour lui, il venait d'avouer son lien avec la TG, il venait d'avouer qu'il pouvait trahir la team rocket à tout moment. Il se serait bien collé des baffes, mais Giovanni s'en chargera sûrement à sa place. De toute manière, ce n'était pas si étonnant, de la part d'Arz. Il va, il vient. Il fuit, déserte, et puis il revient la queue entre les jambes. Ça lui ressemblait bien. Ce n'était que dans les films que le gros bâtard survivait en promettant des trucs en or à l'un ou l'autre. Il ne savait même pas s'il cherchait à se venger de Mars... et Deimos. Clairement là à l'instant, sa vie reposait dans les mains de Giovanni. C'était comme si le temps s'était suspendu, là, à un pas de se faire foutre dehors.