C'était pas possible. C'était juste pas possible. C'était juste RÉELLEMENT pas possible. Le mec dans la rue, l'histoire des cadeaux avec de parfaits inconnus, le message sur son holokit et CES FOUTUES CHANSONS DE NOËL qui passaient en boucle. Tu détestais cette période de l'année. Peut-être parce que les gens avaient pour habitude de rester en famille à l'occasion des fêtes, et qu'il n'était pas question que tu passes Noël avec Lilie, ou tes vieux. Non. Et finalement tu avais admis que tu viendrais, à Sakai. C'était toujours une balade pour Max, ravi de pouvoir se rouler dans la neige. Sakai ce n'était pas la porte à côté, mais bon, tu supposais qu'Althéo avait certainement une bonne raison pour te dire de venir, ici. En vérité, pas une seconde tu songeas au fait qu'il s'agissait d'un échange de cadeau. Un don, pas un échange, toi t'avais rien à foutre dans cette histoire. Un don. A sens unique. Le centre pokémon de Sakai était entièrement paré de lumières colorées et clignotantes, c'en était presque aveuglant. C'était la fin de l'après midi, mais il faisait déjà presque nuit, et les gens se pressaient partout, de gros paquets dans les mains. Mais sérieusement, qu'est-ce que tu foutais là ? T'en savais rien, mais c'était pas beau à voir, toi et ta capuche épaisse ramenée sur tes cheveux blonds, un petit peu de neige sur le tissus noir. Tu passas la porte automatique du Centre avant d'enfoncer un peu nerveusement tes mains dans tes poches, jetant un regard au Nodulithe qui s'approchait de toi, alors que Max venait joyeusement rouler près d'Althéo. Vous auriez peut-être dû vraiment échanger. Au fond, tu les aimais tous les deux, ces pokémons. Tu t'accroupis, lançant un sourire à ... L'oreille de Nodulithe, passant tes doigts rougis par le froid sur la pierre lisse avant de retirer ta capuche. Et tu relevais les yeux vers Althéo. Althéo était ... Fidèle à lui même. Tu n'aurais pas vraiment su le décrire. Althéo était Althéo. Il était inimitable. Hey. Toujours aussi amical, tu le gratifias d'un regard appuyé en te redressant finalement, croisant les bras. Qu'est-ce qu'il y avait de si urgent ? Bon, en vérité, le message, tu ne l'avais pas reçu juste avant de venir, c'est toi qui t'étais pressé pour arriver, au fond. C'est toi qui avait vu ça comme une urgence. Tu approchas pour t'asseoir à côté d'Althéo, assez proche, peut-être trop, et tu jetais un oeil alentour, les gens se pressaient aussi ici. Il y avait de l'entraide, de la bonne humeur, des rires, mais toi tu ne voyais que ça : le bruit. Il y avait trop de bruit. Définitivement. Tu m'as donné rendez vous dans un lieu public parce que t'as peur de moi ou comment ça se passe ? Toujours aussi rassurant, aussi.

Je suppose que toi aussi, un fou t'a arrêté dans la rue pour te prendre ton numéro d'Holokit, et tout, genre pour des cadeaux... T'allais répondre quoi ? Certainement pas oui. Non en fait, t'avais juste haussé les épaules avec un air détaché, en fait, tu t'en foutais clairement. T'façons tu comptais pas participer, et puis, pourquoi il te parlait de ça lui ? Il était même pas sensé être au courant, c'était pas son nom que t'avais sur un papier. C'était celui d'un certain Chance, qui serait bien chanceux - ouh ouh, humour - si toute fois tu t'abstenais de lui faire un cadeau. T'avais toujours été très mauvais pour les cadeaux, autant pour en faire que pour en recevoir. Rien ne te plaisait, rien ne te déplaisait. Et puis l'espèce de bestiole parfaite pour la Team Skull, ce Tritox - blanc, wtf ? - avait décidé de te sauter dessus. T'avais machinalement reculé, manquant de te casser la gueuler du banc et heureusement tu avais acquis quelques réflexes depuis votre dernière rencontre. Ou du moins depuis votre première rencontre à Miranoir. Et finalement tu reposais les yeux sur le pokémon chromatique. Comment diable Althéo avait pu tomber sur un truc pareil ? Il avait fait du charme à qui pour l'obtenir ? Tu eus une mimique un peu dégoûtée, déjà parce qu'e tu n'aimais ni cette espèce, ni le pokémon en particulier. La première impression comptait un peu beaucoup et il avait essayé de te bouffer, quand même. Je croyais que tu t'auto-qualifiais de spécialiste du type normal ? Machinalement, tu jetais un regard aux trois pokémons d'Althéo et le type normal il était sans doute bien loin. Bien sûr, il avait toujours son foutu Queulorior, tu le savais bien mais ça n'avait rien à voir. « Merde, mais t'as fais quoi pour qu'on te refile un chroma ? » Et machinalement, détournant les yeux tu lançais, l'air de rien : C'est ton copain qui t'a offert ça pour Noël ? Wooh, tellement subtil, Gladio.

N-Non, tu sais bien que j'en ai pas. Non, clairement t'en savais rien, en vérité, pire que ça tu voulais même pas savoir, et voilà qu'il soulignait qu'il n'avait pas de copain et bordel de merde pourquoi t'avais posé la question, en vrai ? B-Bon, du coup, il fallait que je t'offre un cadeau... Mais ne crois pas que c'est pour toi, hein ! C'est pour Max et tes autres pokémons... Allez, ouvre la. Tu clignais des yeux en ouvrant le paquet, découvrant tout un tas de ... Pokéfèves. Et un léger haut le coeur te secoua, sans que tu ne puisses t'expliquer pourquoi. Si, en vérité, tu savais parfaitement pourquoi. Tu étais carrément troublé, d'une part parce que son intention était clairement bien trouvé, et clairement la seule qu'il puisse avoir qui ne t'aurait pas fait partir en courant, mais aussi parce que tu connaissais une seule personne qui s'occupait de divers pokéfèves et tu n'avais clairement pas envie de penser à lui maintenant. Parce qu'inévitablement, tu pensais à elle. Et c'était clairement pas ce que tu voulais faire. Et voilà que ce gars t'avais juste mis en pls mentalement, et t'hésitais à refuser le cadeau mais Max tournait autour des fèves, hystérique. Aucun doute que Sylvallié ne serait pas contre non plus. Mais tu relevais les yeux vers Althéo et tu l'observais avec ton regard de rocabot perdu sous la pluie un peu. Mais t'étais pas obligé de... Bah si, il était obligé, t'avais bien vu, toi aussi, que t'étais obligé. Vous aviez pas le choix, et si ton cadeau n'était pas pour Althéo, ça ne te dispensais pas t'avoir une folle envie de lui en offrir un, de cadeau. Machinalement, tu attrapas son poignet, te redressant pour lui faire face et le dominer de quelques centimètres et dans la précipitation des gestes, vous étiez à présent si proches que même Max s'était figé, et il observait la scène. Comme si le temps se suspendait. C'était con comme image. Et pourtant, tu extirpais un petit objet métallique de ta poche pour le glisser entre ses doigts, et l'obliger à fermer la main, à réchauffer de ses doigts tièdes le bout de métal glacé. Puis finalement, après un regard clairement trop intense et bordel qu'est-ce qui te prenait à le regarder comme ça ?! Tu reculais finalement, pour te rasseoir lourdement, un peu plus loin, tu ne voulais pas qu'il puisse remarquer ton rythme cardiaque un peu - BEAUCOUP - trop élevé. Et tu détournais les yeux. Gladio, t'étais vraiment un mec trop intense parfois. J'ai besoin d'un coloc. Des clefs. C'est ça que tu lui avais refilé, que t'avais glissé dans la main. Des clefs. Tout simplement. Rien de plus. Et c'était bien moins énorme que ce qu'il t'avais donné mais... C'était une offre qui ne se refusait pas.

D'accord. Ah, en vrai, tu viens de songer à l'instant où il accepte au fait qu'il aurait pu refuser. Qu'il aurait pu gentiment te dire qu'il avait son propre appart et qu'il était très bien là bas. Tu songes même au fait qu'au fond, il aurait pu te dire gentiment d'aller voir ailleurs, et que t'étais vraiment bizarre et flippant. Mais t'es comme ça, tu prends trois plombes à réaliser les trucs, mais t'es franc, direct, même beaucoup trop, il faut bien l'avouer. Tu penches la tête alors qu'il parle de l'hôtel. Tu supposes qu'il devait être dans un hôtel de Paoles, t'arrives pas à l'imaginer dans un autre bled, Althéo. Peut-être parce qu'il est vraiment solaire, comme gars, peut-être parce qu'il te fascine un peu, que sa présence est rassurante de la même façon que l'est la douceur de la côte. Ok, t'es clairement en train de délirer. Arceus, merci, t'as pas un sourire débile au visage. Tu sais même pas pourquoi t'en viens à penser des trucs pareils. Bon, au moins t'as évité de penser à des trucs trop bizarres. Tu recules, tu soupires, jetant un regard à Max qui s'est remit à grignoter, t'esquisses un sourire malgré toi. Là, dans l'instant, tu dois certainement avoir l'air d'un rocabot abandonné sous la pluie, parce que tu sais vraiment pas où t'en es dans ta vie. Et tu sais pas si t'as vraiment besoin d'un coloc ou si t'as juste besoin d'une compagnie humaine relativement rassurante. Qu'on se le dise : t'as pas de problèmes à payer le loyer, les voisins sont plutôt sympas, t'en as juste marre de rentrer et d'être systématiquement tout seul. T'as pas envie de contacter ta soeur, déjà parce qu'elle a ses propres problèmes, et parce que d'une façon ou d'une autre, ce serait refaire un pas vers ta mère. Et ça, pas question. Ensuite, on peut pas dire que tu croules sous les amis. Les connaissances, oui, si tant est que tu te souviennes de leur nom, ou leur visage. Ou les deux. T'habites où ? Il demande, tu baisses les yeux sur lui avant de hausser les épaules lentement. Steukin. C'est moins pire que Saprule, ou Sakai, mais clairement cet endroit aurait très bien pu s'appeler Samouye, seulement t'as trop loin des jeux de mots pour en faire un, alors tu gardes la bouche fermée, et tu le dévisages. Tu te demandes si c'est vraiment une bonne idée, finalement, parce que vous êtes tellement différents. T'irais pas jusqu'à dire que tu regrettes, mais on peut dire que tu appréhendes. C'est bien la première fois depuis une éternité.

Heureusement pour toi, je voyage léger ces temps ci. T'as un peu envie de te tirer une balle quand t'entends ça, en vrai, parce que c'est comme s'il venait de dire le contraire. Comme si tu arrivais pas à le croire. Et quelque part tu as sans doute raison de te méfier, c'est Althéo, c'est totalement improbable qu'il voyage léger, faut pas se mentir. Et puis, plus tu le dévisages et plus tu le trouves bizarre, Althéo. Il a des mimiques, des expressions que t'arrives même pas à décrypter, ni à ressentir. Et puis, tous ses traits sont tellement parfaits, que ça finit par te rendre dingue, alors tu détournes les yeux parce que putain il va finir par te mettre vraiment mal à l'aise, toi. Toi, Gladio Silvester, comme si c'était possible. Tu peux pas être mal à l'aise, t'en as juste jamais rien à foutre, des gens, des choses, des catastrophes, de tout. Mais Althéo... Althéo, tu te l'expliques pas, il te touche, il t'atteint. Et honnêtement, t'es pas sûr d'aimer vraiment ça. Enfin, dans tous les cas, tu me sauves. Ça commençait à devenir compliqué avec l'hôtel... Et puis, je suis content d'être avec toi !

...
Quoi ? Quoi ?
Il a beau feindre l'indifférence comme un professionnel à présent que tu reposes les yeux sur lui, tu as bien perçu ce truc bizarre au ton de sa voix. Oh putain, mais dans quoi tu t'es lancé, encore ? Il est pas censé être content d'être avec toi. Tout au plus il est sensé te détester. Et puis tu jettes un oeil aux poké-fèves arc-en-ciel que Max grignote joyeusement. Vous avez une passion commune, tu ne peux pas le haïr, au fond de toi. Peut-être que c'est pareil, pour lui. Alors tu approches à nouveau, glissant tes doigts glacés contre sa joue encore brûlante de son rougissement, et plonge tes yeux émeraudes dans les siens. Je pensais que tu me détestais. Et voilà que tu te la rejoues mec intense et intensément perturbant emo, sans vraiment le vouloir ni même forcer les choses. T'as l'air plus passionné que Pierre Rochard quand il parle caillou, c'est terrifiant de voir ça. Heureusement pour vous deux que personne ne regarde dans votre direction. Ah.

Ah en fait si.
Tout le monde regarde dans votre direction.

C'est dingue la façon dont tu pouvais être passionnément aveugle, parfois. Complétement idiot. Complétement stupide. Au fond, c'était pas si surprenant, que vous en arriviez là. C'était bizarre entre vous, depuis le tout début, depuis le premier regard. Tu ne se souvenais pas vraiment de ce que tu avais pensé d'Althéo, mais tu te souvenais sans mal que ce n'était pas négatif. Bien au contraire. Althéo t'avait fasciné. Depuis la première fois que tu avais posé les yeux sur lui, lorsque tu avais poussé le portillon de l'école des dresseurs. Tu te souvenais presque de comment la lumière l'accrochait, d'à quel point tu l'avais trouvé unique. En vrai, contrairement à beaucoup de gens, tu remarquais alors que tu ne t'étais jamais posé la question de savoir si Althéo était un mec ou une nana. Althéo était Althéo. C'était tout. Et au fond t'avais accepté ça dès l'instant où ton regard avait accroché le sien. Et là. Il t'embrassait.

T'aurais bien aimé savoir ce que tu ressentais, au fond, t'aurais bien aimé comprendre à quel point il comptait pour toi, t'aurais bien aimé être calme et posé, savoir réagir. Mais t'étais pas comme ça, toi. T'étais pas doué avec ça. T'imaginais pas l'être un jour. T'imaginais pas être capable de faire le premier pas. Ou même le second. T'étais le genre de mec qui fait trois pas en arrière quand on en fait un vers toi. Et c'est justement ce que tu venais de faire, alors que tu avais posé tes mains sur ses épaules pour le repousser lentement. Bien moins violemment que la dernière fois que tu l'avais repoussé, bien sûr, mais repoussé quand même. Et tu avais observé son visage, son visage crispé, ses joues rougies, son air gêné, et peut-être que tu avais un peu compris. Ce qu'il pouvait ressentir. Peut-être que tu avais frôlé ça, du bout des doigts. Alors, tu avais tendu la main pour ramener l'une de ses mèches derrière son oreille et tu avais sursauté en remarquant qu'on vous applaudissait. ... Ah.

Oui, toute la foule du centre pokémon qui vous détaillait s'était mis à vous applaudir, à applaudir ce baiser volé, ce baiser unique, pur. Ce baiser impulsif. Ils applaudissaient certainement la faculté d'Althéo à surmonter sa gêne, son inquiétude d'être repoussé. T'en savais trop rien. Mais tu voulais pas qu'il se tape l'affiche, non plus. Tu voulais pas juste reculer, le laisser là, et laisser les clampins applaudir dans le vide. Alors t'avais approché, pour lui rendre son baiser, prenant son visage entre ses mains. T'en avais envie, aussi, faut pas croire le contraire, mais c'est ce qui t'avais motivé. Ce qui t'avait poussé à bouger, à réagir, à te lancer, à tout mettre de côté avant de te jeter en avant.

Tu veux pas qu'on s'en aille ? Tout le monde nous regarde... Malgré toi t'échappes un sourire parce que, quand même, avec ses joues rougies et son air largué dans sa vie, il est mignon Althéo. C'est bête, mais à cet instant là, cet instant tout particulier, tu te promets de faire tout ce que tu pourras pour le protéger. Après tout, quand on y réfléchit, t'es à peu près bon qu'à ça, protéger les autres. C'est déjà pas mal, quand on considère que beaucoup de gens qui t'entourent ne savent que détruire ceux à qui ils tiennent. Alors bon. Tu hoches vaguement la tête, avant de reculer. T'aimerais bien être ce genre de mec qui glisse sa main dans la sienne, le prend dans ses bras, lui promet que tout ira bien et tout le tralala, mais clairement, c'est pas toi. Parce que la vie c'est pas un conte de fée et que t'en as déjà fait durement les frais, plus d'une fois. Alors tu l'entraînes simplement à l'extérieur, loin des sourires ravis des parfaits inconnus, loin des regards trop gênants, loin du bruit et de l'effervescence de Noël. Tu pourras toujours dire demain que tu sais pas ce qui t'as pris, tu pourras toujours jouer au lâche et dire que tu l'as juste laissé faire pour pas le vexer. Tu pourrais, oui, mais est-ce que tu ferais vraiment un truc pareil ? Vous marchez et tu lances un regard à Althéo. Bordel de merde, Gladio. C'est quoi ce plan, sérieux ? T'en as une boule au fond de la gorge tant il te met l'esprit sans dessus dessous, lui. Et pourtant.

On va chez moi ? Bordel Gladio. T'es pas sensé dire ça. Et pourtant, tu continues, esquisse un sourire maladroit, alors que tu baisses les yeux sur Max qui roule un peu devant vous. Enfin, chez nous, du coup. Et t'as encore envie de te frapper un bon coup pour te remettre les idées en place. Et au fond c'est un peu ce que tu mérites, mais faut qu'il t'excuse, t'es juste débile, c'est pas de ta faute, on suppose que c'est dans tes gênes. ... Tu dois tenir de ton père, ahahah. C'est clair que t'es loin de la supériorité imposante de ta mère en matière de contact sociaux hein. Oui, madame Elsa-Mina c'est la plus gentille du monde, elle laisse visiter le paradis Aether à tous les gens qui font leur tour des îles ET PUIS ELLE CHERCHE À CHAMBOULER LE MONDE DISCRÈTEMENT. Tu soupires, te masses la tempe, c'est clairement pas le moment de penser à elle, mais quand tu te dis qu'il faut pas y penser, tu penses à une autre, à une brune, à une psychopathe encore pire. Mais sérieusement, Gladio, tu peux pas juste avoir une vie normale, une vie tranquille ? Et puis tu jettes un regard à la neige qui tombe abondamment dans les rues de Sakai et tu te crispes un peu, lançant un regard un peu inquiet à Althéo. T'as pas trop froid ? Tu vas lui prêter ta veste maintenant ? Mais t'es nul dans ce rôle, mon dieu.