ft. Elizabeth Olsen
«
Maman, pourquoi les Chenipottes se font manger par les Étourmis ? Pourquoi c'est pas le contraire, hein ? » C'est fou à quel point une phrase, un regard, peut vous condamner. A quel point quelques mots peuvent être importants, plus qu'on ne peut l'imaginer. Plus qu'on ne peut le concevoir. Car ces mots, d'une certaine façon, ils m'avaient déjà condamnée à ma pénitence. Le regard de ma mère s'était posé sur moi, elle avait sourit, mais le prédateur me regardait aussi. «
C'est comme ça, mon Ange. C'est dans la nature. » Une nature injuste. Une nature qui met les choses dans la place qui leur convient. Car chaque chose a une place et chaque place à sa chose. Mais alors, où était ma place ?
De qui étais-je la chose ? ... tell me everything that happened ... Vous vous êtes déjà demandé, ce qui se passait derrière les murs des maisons des autres ? Moi lorsque j'étais enfant, je me demandais souvent ce qui pouvait bien arriver chez les voisins, je me demandais encore plus s'ils savaient les drames qui se déroulaient, chez nous. Je me demandais si quelqu'un s'inquiétait. Si quelqu'un soupçonnait les bleus sur ma mère ? Si les pleurs et les crises d'angoisses d'Elisa, ma cadette, étaient suspects ? Si le mutisme de Donovan, mon aîné portait au questionnement ? Oui, je me demandais si quelqu'un viendrait nous aider, un jour ? La vérité, c'est que les gens savaient. Les gens parlaient. Ils en parlaient souvent. Mais. Personne n'a jamais rien fait. Parce que ce n'était pas leur problème. Parce que ce qui se passe derrière des volets fermés reste dans l'intimité du foyer,
n'est-ce pas ? ... tell me everything you saw ... Elle hurlait, elle gémissait de douleur. Mais personne ne réagissait. Elisa était enfermée dans sa chambre, certainement en train de pleurer, serrant son petit Tarsal dans ses bras. Donovan, lui, avait certainement fait le mur, pour échapper à tout ça. Et moi... Moi j'étais dans ma chambre, lovée au fond de mon armoire, roulée en boule. C'était le traitement auquel j'avais droit, lorsque je haussais le ton, lorsque je prenais la défense de ma mère. Mais ça m'allait, les ténèbres étaient douces. Elle étaient rassurantes. Ici, personne ne pouvait me faire du mal. Ici j'étais en paix. Lorsque la correction était terminée, elle venait me chercher, elle prenait dans ses bras meurtris mon corps endormi et me bordait dans mon lit. Elle embrassait mon front, et me souhaitait
bonne nuit. ... did you see the closing window ? ... Je n'avais rien pu faire. Tétanisée, à côté de Donovan qui serrait Elisa aussi fort qu'il le pouvait, qui dissimulait son regard, tant bien que mal. Notre mère gisait là, son corps désarticulé comme une poupée de chiffon, en bas de l'escalier. Elle respirait encore, difficilement, mais il subsistait chez elle cet éclat, cette vie dont personne n'aurait su la défaire. Et notre père était là, le souffle court, en haut de l'escalier, son regard sombre d'animal sauvage collé au visage. Elisa sanglotait. Ses pleurs et la respiration incertaine de notre géniteur, c'étaient les seules choses que j'entendais. Et puis. L'odeur du sang, âpre, qui tapissait le parquet peu à peu, me prenait les narines, me montait à la tête. Que pouvions nous faire ? Nous n'étions que des enfants. Et pourtant, pourtant pour moi c'était déjà la fin. Alors que j'arrivais enfin à détourner le regard, je croisais celui du bourreau, qui me dévisageait. C'est à cet instant que tout bascula,
dans ma tête. ... did you hear the slamming door ? ... Elle avait survécu. Elle passait ses journées allongées, ses journées à observer les nuages, à rêver de liberté. Au moins les coups ne pleuvaient plus, sur elle. Non c'était moi à présent. Moi, qui encaissait les attaques de la langue de cuir sur ma peau nacrée. Moi, qui étouffait tant bien que mal mes cris, dans mon oreiller. Moi, qui essuyait mes larmes et pansait mes blessures. Mais chaque coup n'entachait pas juste mon corps, non, c'était mon cœur qui prenait. Qui prenait chaque coup comme une trahison, chaque pic de douleur comme un attaque de plus, une fissure, me fragilisant, encore. Donovan savait, il savait mais il avait peur, il regardait notre mère, il regardait les brûlures de cigarette dans son dos, et il était tétanisé. Elisa savait, mais qu'aurait-elle pu faire ? Notre mère savait, elle aussi, mais avec son pneumothorax qui n'allait pas en s'arrangeant, elle n'était pas capable de me défendre. Alors je prenais les coups. Encore. Et encore. Tant qu'ils pleuvaient je les prenais, pour nous quatre je les prenais. Parce qu'il le fallait. Parce qu'il fallait sacrifier quelqu'un et que cette personne, c'était moi. Pas l'enfant la plus jolie, pas l'enfant la plus intelligente, pas la plus courageuse non plus, j'étais
l'enfant du sacrifice. ... they moved forward, my heart died ... Personne n'entend... Personne ne m'entend crier. Personne n'entend ma colère, ma tristesse, ma peur aussi. Personne n'entend mon coeur qui se brise, un peu plus fort chaque jour ? Personne ne fait rien. Pourtant j'ai crié, j'ai hurlé le prénom de mon frère, le prénom de ma soeur, j'ai hurlé à l'aide, j'ai hurlé pour qu'il arrête. Mais.
Personne n'est jamais venu. Si c'était un cauchemar, il avait tout pour devenir macabre. Non, personne n'entend ma peine. Personne ne veut m'aider. C'est ça : je suis seule avec le monstre.
Pour toujours. ... i could say it, but you won't believe me ... Elle est partie. Elle est partie, pour toujours. Elle s'est endormie, ce matin, près de moi, elle s'est endormie et personne n'est venue la voir. Ni Elisa, ni Donovan. Peut-être pensaient-ils qu'elle était déjà partie, que son esprit voguait déjà ailleurs, ou peut-être connaissaient-ils le danger de l'approcher. De serrer notre mère dans nos bras. Peut-être était-ce ainsi, peut-être avais-je fait les mauvais choix en voulant l'aider. Ses derniers mots avaient été pour moi, les derniers mots qu'elle avait murmuré, tout bas, en desserrant doucement son étreinte et en fermant les yeux. Les tous derniers, puis le silence éternel. Le silence froid. «
Libère-toi... » Mais.
Comment ? Comment ôter des chaînes que je ne vois pas ? Comment quitter ce poids sans visage, sans image ? Je pleure mon chagrin, seule dans l'armoire qui m'a offert la sécurité, durant si longtemps.
Maman est morte, ce matin. ... it's hard to know that you still care ... Ce soir. Ce soir était différent. Je suis sortie, j'ai échappé à son emprise. Assise sur le forêt qui entourait la maison, j'ai réfléchis. J'ai réfléchis à ce qu'avait dit ma mère. J'ai réfléchis. Il fallait que je me libère. Me libérer ? Comment ? Les possibilités semblaient restreintes. Un regard vers le chemin boueux qui menait à la maison me laissa songeuse. Je ne pouvais pas partir, il m'aurait retrouvée. Il m'aurait fait payer. Je ne pouvais pas échapper à cette sordide prison. Je le savais. C'était inscrit dans ma peau, autant de cicatrices pour me rappeler que j'appartenais à ces lieux. Que je faisais partie des murs. Alors, je lançais un regard au toit. Un regard vers les tuiles humides de la pluie de l'après-midi. Peut-être que... Peut-être que j'aurais pu. Peut-être que c'était une façon, de se libérer. Peut-être était-ce qu'elle attendait de moi. Abréger mes souffrances mais. Mais. Je n'eus pas vraiment le temps d'y réfléchir d'avantage, quelque chose avait bougé, dans la forêt, et. En reposant mes yeux sur la végétation, mon regard se heurta au
sien. A cette perle bleue qui me scrutait, fixement. A cette perle bleue qui semblait rendre le reste de la forêt si sombre en comparaison. L'espace d'un instant, je songeais que si l'espoir devait avoir une couleur, alors c'était ce bleu. Alors qu'il s'éloignait dans l'obscurité, je sautai du muret pour le poursuivre, courant après une ombre. Courant après le temps. Courant après les blessures de mon cœur. Tout hurlait dans ma tête, tout hurla si fort dès que j'arrivai dans la clairière. Il faisait nuit noire, pas de lune ce soir là, pas de lumière pour me blesser. Les ténèbres, et l'impression terrible de voir cette lumière bleutée, partout, cette ombre noire qui m'épiait. Et cette voix qui répétait dans ma tête. «
Libère-toi... Libère-toi... LIBÈRE-TOI ! » Sous mes yeux, les petites baies noires, les clochettes violettes. Je les connaissais.
Atropa belladonna. Du poison ?
... did you touch them, did you hold them ? ... Me libérer. C'est ce qu'avait répété la voix dans ma tête, tout le chemin du retour. C'est ce qu'il avait dit. Lui. La créature à l’œil bleu. Reprenant les mots de ma propre mère. Alors, j'avais serré les baies entre mes doigts, j'avais marché, comme possédée, jusqu'à la maison. Et une fois là-bas, j'avais pressé les baies si fort, au dessus de l'assiette de notre géniteur. J'avais regardé les gouttes tomber lourdement dans la soupe. Puis. Je m'étais lavé les mains. Je m'étais assise à table, et j'avais attendu, les yeux perdu dans le vide. J'avais hésité, j'avais voulu prendre l'assiette, terminer ce que j'avais commencé, sur le toit. Mais, lorsque sa voix hurlait «
libère-toi » la mienne répondait «
libère-nous ». J'ai vu ma soeur, s'asseoir à table. Puis mon frère, en silence, comme le rituel que nous avions l'habitude de partager, tous les trois. Puis. Il est arrivé. Il s'est assit, a marmonné que la soupe avait intérêt d'être meilleure que la veille. Malgré moi, j'ai souris. J'ai souris car le glas de sa défaite sonnait déjà dans mon esprit. J'avais gagné. Quelqu'un avait répondu à mes prières. Quelqu'un avait écouté. Quelqu'un veillait sur moi.
Il veillait sur moi. ... i will follow you anywhere ... Son corps heurta le sol lourdement, alors qu'Elisa et Donovan restèrent là, tétanisé à fixer l'homme qui se débattait face à des démons que lui seul voyait. Je restais, le regard fixé sur la fenêtre, le regard fixé sur la forêt, un sourire doux aux lèvres.
J'étais en paix. Il s'agita sur le sol, durant de longues minutes, gémissant des mots incompréhensibles, des mots interdits, des mots qui n'existaient pas. Elisa étouffa un sanglot, alors que je me relevais finalement, sans leur jeter un regard, rangeant soigneusement la chaise là où elle devait être. Enfin, j'enfilai ma veste et me dirigeait vers la sortie. Cette fois,
j'étais libérée.
... take my soul and lead me there ... «
Je sais. Je sais ce que tu as fait, Blanche. » Il venait d'attraper mon poignet, le serrant si fort entre ses doigts, il plantait ses ongles dans ma peau et, l'espace d'un instant, j'eus envie de le gifler. De passer mes doigts autour de son cou et de serrer, jusqu'à voir la vie quitter son visage. Parce qu'il lui ressemblait. Parce qu'il était
presque lui. «
Merci. », reprit-il plus bas en m'attirant à lui. Mais je ne voulais pas de son étreinte. Je ne voulais pas de ses sentiments, de son amour, de ses remerciements. Je ne voulais rien de ça. Je ne voulais pas le revoir. Je voulais partir, le plus loin possible de cette cellule, partir le plus loin possible de mon armoire. Je voulais suivre les pas de mon sauveur. Je voulais suivre son flux de ténèbres. Plus que tout :
je voulais vivre. Alors je dégageai mon poignet, marchant fermement sans me retourner, sans leur jeter un regard. Car pour moi, Donovan et Elisa étaient morts. Tout autant que Blanche. Tout autant que notre géniteur. Nous étions morts, enterrés dans ce souvenir, dans ce cauchemar. Ne demeurait que
lui, et
Nyx, celle qu'il avait fait de moi.
... in the silent night, you kill the light ... C'est ainsi que je coupais les ponts. J'avais laissé toute cette horreur, toute cette pourriture derrière moi. J'étais partie, découvrir le monde, mais le monde était dur, lui aussi. Seulement, tant que je suivais l'ombre de mon ange gardien, tout allait pour le mieux. Mais, durant de nombreux mois, je restais sans nouvelles. Sans la moindre piste. Sans le moindre éclat bleu. Mes rêves étaient agités, viraient au cauchemar, l'angoisse atteignait même le jour, rendant chaque instant complètement insupportable. Inquiète de cette solitude qui m'emprisonnait lentement, de cette folie que je voyais grandir en moi, je préférai partir. On appelait l'île "Miranoir" et dès l'instant où j'avais foulé le sol de cet endroit, je savais que j'avais trouvé ma place. Que je me rapprochais de mon Eden à grands pas. Mais la solitude était terrible et elle dévorait mon âme, peu à peu. Je n'arrivais même plus à fermer l’œil sans entendre, à nouveau, les cris de ma mère, les échos de mes propres pleurs, ceux d'Elisa, aussi. Un soir, cependant,
il m'a libérée.
... i will follow you to the end ... Cytisus. Je ne sais pas, à quel moment les choses ont déraillé. Je ne sais pas. Si c'était déjà ainsi, lorsque j'avais les baies, dans les mains. Je ne sais pas, si c'était déjà ainsi, lorsque je prenais les coups. Je ne sais d'ailleurs pas vraiment ce qui est arrivé, à ce moment. Je me souviens des cauchemars que j'arrivais même à faire éveillée. De cette peur de disparaître, de mourir, de sombrer. Je me souviens d'entendre
sa voix, encore. Et d'entendre leurs cris. De les entendre supplier. Et je me souviens de moi. De mes propres supplications, qui faisaient écho dans ma tête et me rendaient sourde. Je me souviens de ma propre voix, si éreintée, dénuée de tout humanité, dénuée de toute force. C'est ce qu'
ils avaient fait de moi ? Je me souviens m'être allongée dans l'herbe humide, dans une forêt. Je me souviens avoir regardé le ciel noir, le ciel sans lune et avoir supplié. Pour qu'il revienne. Pour qu'il me sauve. Encore.
Mon ange. Je me souviens avoir fermé les yeux. Avoir prié. Avoir supplié, du même ton que j'avais, lorsqu'il était encore là. Je me souviens d'avoir été, recroquevillée sur moi-même. D'avoir senti mon cœur se déchirer. Et je me souviens du silence. De cette douce respiration, qui n'était pas la mienne. Je me souviens de son contact étrange, inconnu, tout contre mon cœur. Recroquevillés, l'un contre l'autre. Je me souviens de mon cœur qui se calme, de mon esprit apaisé. De l'angoisse que j'ai réussi à expié. Il a répondu à mes prières, je le sais. Je me souviens, enfin, avoir ouvert les yeux, avoir plongé mon regard dans celui de la petite créature. Avoir lu en lui comme il lisait en moi. Je me souviens qu'
il a sauvé mon cœur, de la destruction,
une fois de plus.
... take my heart, my love and then ... Datura. L'angoisse, elle m'emportait le cœur. Elle dévoilait le pire en moi. Ce que je ne voulais surtout pas montrer.
Cytisus avait disparu. Enlevé par une ombre. Le douleur était si forte que j'avais l'impression qu'on m'avait arraché le cœur. Il était mon tout, il me complétait autant qu'il m'effrayait, il ne pouvait pas disparaître, il n'en avait pas le droit. Alors je l'avais cherché, tremblante, j'avais crié, crié encore, à pleins poumons, mes cris faisant renaître en moi des réminiscence que j'aurais voulu étouffer. Encore. Et j'ai vu l'ombre, encore. Elle m'a frappée, cette fois. Ses griffes, acérées, ne voulaient pas lâcher sa proie. Mais Cytisus était miens, et jamais je l'aurais laissé à quelqu'un d'autre. Jamais. Alors. Je me suis battue. Mon corps n'avait plus peur de subir de nouvelles blessures et elle ne s'est pas privée de m'en infliger. Cependant, elle a dû remarquer en moi quelque chose de spécial. Cette rage bouillonnante, cette angoisse qui me faisait trembler et m'obligeait à continuer à ne jamais abandonner. J'étais la pulsion de vie qui infligeait celle de mort. Et, d'une certaine façon, j'imagine que ce Dimoret a aimé ce qu'elle a vu, puisqu'elle ne nous a pas quitté. Je n'avais gagné qu'une bataille, je le savais, et
la guerre est toujours en cours.
... guide me into darkness ... «
On dit qu'il y a une nouvelle championne, à Steukin... » Vrai. «
On dit que c'est presque une enfant ! » Hm... «
On dit qu'elle a battu le champion en titre avec seulement un pokémon ! » Vrai. «
On dit qu'il lui a cédé son arène ? » Faux. «
Après tout, il voulait partir, non ? » Faux. «
Mais bon, quand on y réfléchit, personne ne l'a revu, il a dû avoir honte et filer de l'île. » Faux. Les choses ne se sont pas passées ainsi, non. «
Mais, il n'y avait plus que lui, dans l'arène ! » Vrai. «
Et puis, mignonne comme elle l'est, si ça s'trouve elle l'a charmé et il lui a fait cadeau de son titre ? » Faux. Datura continuait à frapper les pauvres pokémons plante, bientôt réduits en fines lamelles. Je revoyais les froncements de sourcil de champion, alors que je ne demandais rien à mon pokémon, vraiment. Je me contentais de serrer Cytisus dans mes bras et observer les alentours de la serre qui paraissait géante, de cette serre étrange qui me rappelait étrangement l'endroit où j'avais vu l’œil bleu de
mon ange, la toute première fois. Je voulais cet endroit. Parce qu'ici, il reviendrait. Parce qu'ici, baigné dans l'ombre, il serait chez lui, et moi aussi. Une fois le combat vaincu, l'homme au plante avait proposé un rafraîchissement. Erreur fatale. Quelques minutes plus tard, il sombrait dans le sommeil le plus profond, mes mains serrées autour de Cytisus. J'aurais pu forcer la dose. J'aurais pu faire écho à la créature qui sommeillait. Mais. Non. Allongée dans la clairière sous serre, j'observais l'homme à mes côtés. Un homme. Aurais-je pu aimer un homme, un jour ? Non. Les hommes étaient condamnés à détruire tout ce qu'ils touchaient. Et les femmes ? Les femmes étaient faibles. Condamnées à se laisser détruire. Le sommeil de mon hôte était agité, il cauchemardait. Peut-être avais-je réussi. Peut-être que nous formions à présent tous une heureuse famille. Que nous avions tous une maison.
Qu'il veillait sur nous. ... bones, sinking like stones, all that we fought for ... Nerium. J'ignore où était parti le champion dont j'avais pris la vie. Je m'étais réveillée, dans la clairière, et personne n'était plus là, en dehors de Cytisus, qui ne m'aurait jamais laissée. Plus une trace de pokémons plante. Plus une lumière. Plus d'homme. Plus rien d'autres que les ténèbres et le silence. J'aimais cet endroit. Il était beau. Il était calme. C'était le lieu parfait, et je l'avais obtenu. Maintenant, je le savais, il faudrait sourire. Il faudrait faire bonne figure. Être la personne qu'ils voulaient que je sois. Une jeune femme aimable, accueillante, souriante. Même si ce n'était pas vraiment moi, il fallait que ça le devienne. Pour protéger ce monde qui était le
notre. Et puis. En fouillant la maison que j'avais récupéré, j'avais trouvé des dizaines de choses, des objets un peu fou, des photos aussi, certainement de son ancienne famille. Je les avais gardé, elles étaient esthétique. Et. Dans la forêt sous serre, à moitié enterré, au pied d'un arbre, il avait cet objet. Cette... Clef de voûte. Un objet assez indescriptible au premier abord. Un objet que je trouvais plutôt esthétique autant qu'il était intriguant. Il fallu des jours entier, à le porter avec moi, des jours à l'admirer, Cytisus et moi-même penchés sur la question, pour que le pokemon qui y vivait daigne en sortir.
Nerium. Une créature bien étrange, dont je gardais le secret. Une créature étrangement timide, en réalité, qui semblait m'apprécier sans que je ne sache trop pourquoi. Peut-être était-ce lui qui m'avait amené ce gardien ancestral,
pour veiller sur moi ? ... and homes, places we've grown, all of us are done for ... La lumière meurt, peu à peu. Elle s'efface, de ma vie. Elle s'éloigne, je la chasse. La serre se fait plus ténébreuses chaque jour, comme si des ronces poussaient contre le verre. Comme si le soleil ne se levait plus. Mais les plantes ne meurent pas. Elles exaltent dans les ténèbres, elle vivent, plus puissantes que jamais. La serre se fait plus vénéneuses. Et chaque fois, c'est la même histoire, les challengers se pressent à l'entrée de l'arène. Ils veulent me combattre. Mais. La vérité. C'est que ce n'est pas le frisson du combat, que je cherche. Ce n'est pas l'adrénaline d'une victoire où un bel enchaînement qui me fait battre le cœur. Non. Non, c'est l'après. La tasse de thé, partagée entre combattants. Les paupières qui se ferment. Les gémissements de douleur, puis le silence. Le silence lourd. Le silence éternel. Enfin, je m'endors. Cytisus tout contre mon coeur. Je m'endors dans l'obscurité, je m'endors et je sais, qu'après cela, il deumeure près de moi. Il veille sur nous.
Comme une vraie famille. ... there's nothing here to run from ... Digitalis. Une rumeur me tire du sommeil, celle de la pluie qui tombe sur le toit, une impression étrange se diffusant dans mon cœur. La journée qui commence me semble si lourde. Si insurmontable. Et s'il n'y avait
plus personne, pour moi ? Si... S'il n'était plus là ? Les miettes de mon âme se serrent, à cette idée. Mais. Un bruit attire mon attention, plus fort, régulier, un bruit étrange, inconnu jusqu'à lors. En tirant les épais rideaux sombre, je découvre le pokemon qui tape contre le carreau de la vitre, ses yeux perçants me toisent comme s'il pouvait lire à travers moi. Comme s'il me connaissait déjà par cœur. Un Corboss. Un pokemon qui a mauvaise réputation, là d'où je viens. Il tape encore une fois, j'ouvre. Puis il s'incline, légèrement. A-t-il un message à transmettre ? Il ne me semble pas, je ne vois de papier nul part. A moins que. A moins que ce soit
lui, qui l'envoie. Un message des ténèbres. Encore un. Autant de signes de plus qui me laisse songer qu'il est toujours là. Que ce que je fais est utile.
Mon Ange. ... we live in a beautiful world ... Je ne saurais dire, à quel moment les choses se sont adoucies. Je ne saurais dire, à quel moment Blanche est morte. Emportée par ma mère, emportée par les coups, par le poison ou la folie. Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est qu'il a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Il m'a forgée, depuis le néant du silence et pas à pas, il m'a enfantée. Il a fait naître Nyx depuis les fragments de ce qui demeurait de mon existence. Je suis sa créature, dévouée, messagère, nourricière. Je lui sers ses victimes sur un plateau d'argent, déjà prêtes à la dégustation. Des ténèbres je suis née, depuis les ténèbres je servirais mon véritable Père.
Darkrai.