Vous avez toujours été si différentes. Elle, et toi. On avait pourtant cette manie, de vous répéter à l'une ou à l'autre que vous vous ressembliez beaucoup. Ce n'était pas un mensonge. Vos traits, à y regarder de plus près étaient similaires, absolument pas jumeaux, mais à deux doigts de l'être. Cette même couleur dans les yeux, ces mêmes lèvres, la même courbe sur le nez. Deux sœurs d'apparence ressemblantes, et au fond à l'opposé l'une de l'autre. Saskia, était plus calme. Des deux, elle était la plus appliquée, la plus patiente et surtout, la plus gracieuse et la plus féminine. Elle était la fierté de maman, si belle et adorable, une jeune femme bien élevée, pleine de principes et soignée. Une véritable princesse. Et toi. Bailey. Tout son inverse, en réalité. Plus athlétique, plus active, plus aventureuse et plus curieuse, tu laissais volontiers les bons romans à ta grande sœur pour courir les rues, t'éloigner, voyager. Tu ne supportais pas l'enfermement, tu n'avais jamais tenu en place de toute façon et surtout, tu étais souillon, le vilain petit canard. L'ombre au tableau, la préférée de ton père, la bête noire de ta mère… et pourtant, l'adorable petite sœur tant aimée de Saskia. Bien loin de tes aventures, elle les écoutaient pourtant avec intérêt, allant même jusqu'à t'encourager. Ta moitié. Ton oreille attentive, ton épaule pour pleurer… ta sœur, ta meilleure amie.

Et puis. Il était arrivé. Un beau jour, tu étais rentrée, et elle l'avait ramené. Ce garçon, qui ne te voyait pas. Ce jeune homme qui n'avait d'yeux que pour elle et dont les yeux si magnifiquement bleus ne cessaient de suivre Saskia pour la dévorer de chaque regard. Son amour pour elle était beau, palpable, mémorable… et tu ne pouvais t'empêcher de jalouser. Si attentionné, si délicat, Albion avait pourtant dans le regard cette pointe de mystère, cette si belle étincelle, cette ébauche d'énergie. Actif, réactif, tu le voyais tenter de l’entraîner, joueur, taquin, toi, tu riais de loin. Ton cœur déchiré en deux moitiés qui ne cessaient de s'affronter. L'une amère, jalouse, l'autre heureuse pour elle, pour eux. Et puis. Il l'avait épousée, il s'était éloigné… sa soif de découverte, de voyages, la même que la tienne avait semble-t-il prit le dessus, il laissait cette fleur qu'était Saskia, seule bien loin de son soleil, de son énergie, de son eau de vie. Tu la voyais faner, sans savoir quoi faire. Chacune de tes rares visites étaient animée de larmes qu'elle versait sur ton épaule, toi. Pauvre petite chose égarée entre un amour qui ne verrait jamais le jour et celui que tu portais à ta sœur.

Et enfin, ce jour arriva. Funeste et sombre. Saskia n'était plus. Colonne brisée, elle avait décidé de mettre fin à cette vie qu'elle ne supportait plus. Tu avais tant crié, hurlé, pleurer. Tu l'avais hais… lui. Si fort. Tu avais rejeté la faute sur ses épaules, les siennes. Sans songer une seconde qu'il le faisait déjà lui-même, sans même penser aux conséquences. Lorsque tu t'étais réveillée, comprenant celui qui finalement te ressemblait tant, il était trop tard. Il était parti. Disparu, envolé. Tu ne l'avais jamais revu et tu avais continué de vivre. Parce que c'est ce qu'elle aurait voulu ...