Il commençait à faire nuit alors que Rubiel sortait enfin de la forêt gelée pour se rendre dans le campement abandonné. Le campement abandonné, il faisait peur quand même. En fait, Rubiel n'aimait pas du tout la route 07, ni le chenal 08 d'ailleurs. Déjà, parce qu'il avait failli y rester quand il avait fait la mission du chrysacier avec Seung, ensuite parce que chaque lieu par ici était soit effrayant soit dangereux, et les lieux comme ça, ça ne plaisait pas des masses à Rubiel qui avait retraversé la chaîne boréale et la forêt gelée dans le plus grand silence, observant autour de lui pour voir si tout était en place et en ordre. En effet, s'il était là, c'était surtout parce qu'il faisait ce qu'on pouvait appeler une mission de "repérage". C'était comme les rondes des rangers, en fait. Theipi était lové entre les plis de son écharpe épaisse, le petit Pokémon avait refusé de retourner dans sa ball, malgré les supplications de son dresseur qui ne voulait pas voir le mucuscule devenir un glaçon après leur petite "balade". Mais rien n'y fit, et Rubiel se retrouva donc à marcher avec le Mucuscule blotti contre sa joue, ce qui aurait pu paraître dégueu pour certains mais qui ne dérangeait même plus le jeune homme, il y était trop habitué. Et puis, enfin, il arriva au campement abandonné. C'était très effrayant ici, encore plus que dans les autres lieux qu'il avait traversé pour venir jusqu'ici. Notamment parce que dans la chaîne boréale et dans la forêt gelée, le seul truc effrayant, c'était le silence. Le seul bruit du vent, ce murmure dans les feuilles enneigées qui lui rappelait constamment qu'il était tout seul. Que s'il s'effondrait de fatigue ici, personne ne le retrouverait, probablement. Le campement... c'était autre chose. Il y avait cette présence, horrible, lancinante comme si une main s'était posée sur son épaule libre, comme s'il entendait des bruits de pas en plus des siens. Rubiel avait toujours été un peu médium. Sa mère était une mystimaniac ratée, des pokémons spectre hantaient régulièrement leur maison quand il était plus jeune. Il avait toujours pu comprendre ces pokémons, parfois mieux que leurs dresseurs. Mais Rubiel restait terrifié par les fantômes. Alors il avançait tout doucement dans le campement, observant autour de lui... Un bruit le fit sursauter violemment et pousser un petit couinement de peur. C'était un homme, pas vraiment plus vieux que lui, qui semblait être tout à fait vivant. C'était bon signe. Qu'est ce que vous faites là ? Il demanda timidement, incertain de comment réagir. Un tas de scénarios se déroulaient dans son esprit alors qu'il observait l'inconnu, incertain.

A quatre pattes sous un reste de tente, Athénodore continuait d'explorer le bordel du campement abandonné. Il adorait venir ici depuis longtemps et il lui arrivait souvent même de rester des journées entières, mais au grand jamais il n'avait dormi ici.
Il aimait l'aventure, c'était indéniable, et le campement se trouvait non loin de Sakai, cependant, il restait flippé à l'idée de rester une nuit complète dans un endroit glauque où des pokémons chelous pouvaient en avoir après son derrière.
Mais le jeune ranger était un boulet et, caché sous cet amas de toiles et divers objets, il n'avait pas vu le jour décliné.
Il se retrouvait comme un con, un pied à moitié dans le bordel encore, à scruter le noir environnant alors qu'il faisait nettement plus froid qu'il y à quelques heures, son pull noir ouvert sur son t-shirt de la même non couleur. Il frissonna en sentant le vent s'infiltrer dans son col, grelottant vaguement en se disant qu'l avait bien fait de mettre un bon jean et des chaussures hautes.
Occupé à se frictionner le corps afin de se réchauffer, il n'entendit pas de suite les bruits de pas. C'est Glory, qui s'était logé dans le t-shirt du ranger qui lui mordit l'oreille pour le rendre attentif au bruit.
Un second frisson le prit, mais cette fois-ci, c'était plus par appréhension qu'à cause du froid.
Par réflexe, le jeune homme s'accroupit et se déplaça tel un couaneton à travers les débris, apercevant une silhouette humaine à quelques pas de lui.
Plusieurs fois, il le vit observer les alentours, l'air concentré et quelque peu stressé. Que faisait-il ici à cette heure.. ?
Perdu dans ses pensées, Athénodore se prit les pieds dans un reste de corde et s'écrasa au sol, évitant de peu de réduire son compagnon en sdégueuli de laporeille.
Il se releva avec précipitation pour lui faire face.

« Qu'est ce que vous faites là ? »

Le plus jeune plissa les yeux, puis eut un éclair de génie. Un grand sourire s'étira sur son visage, heureux de faire sa rencontre ici.

« Je te connais ! Tu habitais à Sakai avant. Et tu as arrêté les études juste après le lycée. C'est drôle que tu ai toujours la même coupe. »

Il continuait de grelotter, un grand sourire rectangulaire collé au visage. Il faisait froid putain. Il n'avait pas prévu de rester aussi longtemps.

Ok alors très clairement l'autre jeune homme semblait avoir un petit grain - mais qui n'en avait pas dans ce monde, franchement... Enfin, de base, il fallait être un peu fou pour traîner dans le campement abandonné de son plein gré. Rubiel détestait ce lieu, genre vraiment. Surtout pour son ambiance lugubre, et... Peut être parce que des gens étaient morts ici, dans ce campement, il y a bien longtemps. Il y avait quelque chose avec ce lieu, Rubiel pouvait le sentir, comme un sixième sens, un don d'omniscience qui lui disait quelque chose comme "attention, il y a un danger ici". Néanmoins, l'autre jeune homme lui offrit un beau sourire, l'air sincèrement heureux de le voir. C'était étrange... Et un peu flippant. Mais ça lui faisait chaud au coeur, sans qu'il ne sache pourquoi. Je te connais ! Tu habitais à Sakai avant. Et tu as arrêté les études juste après le lycée. C'est drôle que tu ai toujours la même coupe. Oh. C'était quelqu'un qui... Habitait à Sakai avant. Ils étaient un peu les bêtes noires de leur quartier, lui et sa mère, donc il comprenait que l'autre ait pu le repérer. Mais de là à ce que l'inconnu se souvienne de lui pendant tout ce temps... C'était impressionnant. Soit il le stalkait, soit il avait une mémoire de génie, ou peut être un peu des deux. En attendant, Rubiel n'était pas habitué à autant marquer l'esprit des gens. Sérieusement ? Il eut un petit sourire mi gêné mi surpris, se demandant vaguement si le jeune homme n'était pas un camarade de classe ou quelque chose comme ça... Mais il repéra bien vite le grelottement assez fort de l'autre. Oh, t'as l'air d'avoir froid... Attends. Il retira sa parka pour venir la passer sur les épaules de l'autre garçon, par réflexe. C'était devenu une habitude de servir les gens et d'être attentif à leur besoin... Il aurait du devenir médecin ou soigneur, tiens. Ça l'aurait bien plus convenu que d'être un ranger extrémiste. Il rendit timidement son sourire à l'inconnu. Comment... Comment tu t'appelles , Moi c'est Rubiel. Il était impressionné par sa soudaine capacité à être sociale et à parler sans trop de mal. Fallait croire que l'autre était rassurant...

Athénodore, surpris et gêné, avait lamentablement rougi lorsque le jeune homme avait posé sa veste sur ses épaules. Il était honteux d'avoir été si tête en l'air, ce qui arrivait en soi plutôt souvent, mais dont personne ne s'était soucié auparavant.

« Mais... Tu ne vas pas avoir froid toi . Je ne veux pas que tu tombes malade à cause de ma bêtise, je m'en voudrais. »

Le ranger affichait une petite mine renfrognée et inquiète, enroulé dans le manteau légèrement trop large pour la crevette qu'il était.

«  Comment... Comment tu t'appelles, Moi c'est Rubiel. »

Il n'avait pas souvenir que le plus vieux soit si "à l'aise" pour parler, ce qui lui fit drôlement plaisir. Il lui attrapa la main pour la secouer avec vigueur, se présentant à son tour avec le plus grand de ses sourires :  

« Moi c'est Athénodore ! On était dans la même école à Sakai ! Et je me suis toujours demandé si tu avais des yeux ! Tu as grandi ! Et tu sembles plus fort ! »

Athénodore en avait des choses à dire, mais une masse traversant le chemin à vive allure derrière Rubiel attira son attention. Il agrippa l'homme champignon pour le tirer derrière quelques débris assez gros pour les cacher tous deux. Il colla son doigt aux lèvres de son ancien camarade avant de lui souffler un « chuuuuuuut » discret. Il se leva légèrement pour voir par-dessus les restes de campement. Dans la nuit, il ne distingua pas grand-chose. Quelle idée de venir sans rien pour éclairer aussi ? Il s'accroupit à nouveau et se retourna vers Rubiel, sérieux, la mine sombre.

« Il y a quelque chose qui nous suit. Il a disparu à quelques pas de nous. Ne fais pas de bruit. Je ne veux pas finir dévoré par je ne sais quoi ou hanté jusqu'à la fin de ma vie. Imagine, on pourrait nous regarder sous la douche, ou aux toilettes... »

À cette pensée, il frissonna. Non, jamais il ne voulait être espionné aux toilettes. Jamais. Et la fatigue n'aidait pas le jeune ranger à réfléchir correctement. Si bien qu'il ne sentit pas la présence à ses côtés....