« Ecoutez, James, vous savez bien que notre structure rencontre quelques difficultés en ce moment…
-Oklahoma.
-Pardon ?
-Mon prénom, c’est Oklahoma. James est mon nom de famille. Enfin bref, allez-y, continuez. La crise financière, tout ça… »
On aurait pu penser qu’après plus de cinq ans à bosser ici il aurait pu arrêter de confondre mon nom et mon prénom. Mais apparemment, c’est trop compliqué pour lui. On se demande vraiment comment il a fini patron de la radio, celui-là… Bon après tout, du moment qu’il fait tomber la paie tous les mois, c’est pas bien grave.

« Je suis au regret de vous annoncer, mon cher Ja- Oklahoma, que nous allons devoir nous passer de vos services.
-… quoi ?!
-Vous êtes viré, monsieur James. »
Oh le con.
« Vous pouvez pas faire ça ! Je suis l’animateur le plus populaire de cette foutue boîte ! … … C’est à cause de l’affaire avec le propriétaire du Casino, c’est ça ?
-Vous avez annoncé à tous nos auditeurs qu’il trompait sa femme - sans aucune preuve valable !
-Je l’ai vu batifoler avec son employée, je vois pas ce qu’il vous faut de plus.
-C’était un déjeuner professionnel concernant une augmentation de salaire ! Entre ça et l’histoire du blanchiment d’argent du Centre Commercial, les auditeurs commencent à se lasser de vos mensonges, et moi aussi.
-J’étais persuadé qu’ils se faisaient beaucoup trop de blé avec la camelote qu’ils vendent, j’ai juste extrapolé un peu… etpuisilsepassejamaisriendebiendanscetteville,yaquedesvieuxet-
-DEHORS ! »

Ouais bah c’est ça, je me casse. Tu parles de difficultés financières, ils attendaient juste le bon moment pour me faire dégager. C’est vrai que les journaux n’ont pas été très tendres avec moi dernièrement, mais il faut me comprendre aussi. J’essaie de donner un peu de vie à tout ce bordel. Vous croyez que ça intéresse vraiment quelqu’un de savoir qu’un tel a renommé son Rattata "pantoufle", et que tel autre a acheté un arrosoir à un prix exorbitant ? Non, décidément, il n’y a rien pour moi à Doublonville. Surtout maintenant que j’ai perdu ma seule source de revenus. Je rentre finalement à mon appartement pour retrouver mon petit compagnon bleu. Une cigarette, un peu de jazz, voilà qui remonte déjà un peu le moral.

« Qu’est-ce qu’on va faire, maintenant ? »
Il me regarde avec ses grands yeux jaunes. Il n’a jamais vraiment été très loquace. Vous devez vous demander où est-ce que j’ai pu trouver un Tutafeh pareil. J’étais encore jeune, je faisais mes débuts sur les planches à Rosalia – j’ai été comédien moi messieurs dames, mais ça c’était avant d’aller m’enterrer à la Tour Radio – et mes pas m’ont mené jusqu’aux Ruines Alpha, plus au sud. J’ai toujours aimé ce genre d’endroit, on ne sait jamais ce qu’on va y découvrir. Des trésors, qui sait ? Et ce jour-là, je ne croyais pas si bien dire. Il était là, ce petit bonhomme, tapi au fond d’une des salles des Ruines. Il n’était pas bien téméraire, au premier abord, et j’ai dû le suivre quelques temps avant qu’il se laisse approcher. Pas que je sois très intéressé par le dressage de Pokémon, je laisse ça à d’autres plus patients. Mais celui-là était particulier. Un véritable bijou, comme qui dirait. Il s’est finalement laissé apprivoiser par quelques gâteaux que j’avais dans ma poche. Le lendemain, je suis revenu avec d’autres gâteaux et une Pokéball fraîchement achetée, qu’il a élue comme domicile sans même se faire prier.

Et depuis ce jour-là, il m’a suivi partout. Nous avons fait du théâtre ensemble. Ce ne fut pas facile de le faire monter sur scène avec moi, mais il y gagna une certaine assurance. Puis vint une époque où la salle de spectacle de Rosalia ne me suffisait plus, je voulais d’autres horizons. Nous sommes retournés à Doublonville, ma ville natale, et c’est donc là que j’ai trouvé une place comme animateur de radio. Oh, j’ai eu un franc succès. Pourtant, il suffit de quelques erreurs, et voilà où nous en sommes rendus… Le monde est ingrat, ma pauvre Lucette. Ça, oui.
« Mieux vaut éviter de commander des Poffins pour ce soir, p’tit gars. Il faut faire des économies. »
Il est déçu mais il comprend bien la situation. Y a pas à dire, c’est un gentil bonhomme. Je m’en voudrais de le priver de friandises plus longtemps. Il me faut une solution. Un nouvel horizon. Je me mets alors à fouiller les petites annonces dans les journaux. Job de vendeur dans un Poké Shop, non merci. Je n’aime pas rester enfermé derrière un comptoir toute la journée à trier des potions et des cordes sortie. Assistant de l’infirmière Joëlle, je passe. Elle est mignonne mais rester au chevet des malades, très peu pour moi. Promeneur professionnel de Couafarel ? Eh, je tiens à conserver mon peu de dignité, merci bien ! Quoi que, c’est bien payé quand même…

Puis soudain, un titre attire mon regard. « Découvrez les mystères de l’île Miranoir, le nouveau Paradis sur Terre. » En voilà un beau, d’horizon.
« Qu’est-ce que t’en dis ? Il doit bien y avoir quelque chose d’intéressant là-bas. »
Tutafeh acquiesce joyeusement. Adieu, Doublonville. Je casse – littéralement – ma tirelire pour m’acheter un billet de ferry pour cette fameuse île. Je n’emporte avec moi que quelques vêtements, et surtout des babioles récupérées aux quatre coins de Johto, mes petits "trésors" personnels. J’ai toujours adoré découvrir de nouveaux lieux et ramasser tout ce qui passe. Et c’est parti pour l’aventure ! Mais pas avant d’avoir passé un appel à mes parents, tout de même on est pas des bêtes. Ils voyagent un peu partout dans leur camping-car en vendant des pulls et des bonnets faits avec la laine de leurs Wattouatt. Bref, tout à fait le genre de personnes à appeler leur fils Oklahoma, en somme. Ils décrochent, et c’est l’occasion pour eux de poser toujours la même question : me suis-je enfin marié ? Et moi de leur demander pour toute réponse s’ils ont enfin décidé de divorcer.

Un chaleureux coup de téléphone plus tard, il serait quand même temps de se rendre au port. Le futur nous attend là-bas. Une fois sur le ferry, j’ai tout le temps du trajet pour me trouver une idée de métier. Que vais-je bien pouvoir faire une fois à Miranoir ? C’est même pas dit qu’il existe une salle de spectacle… Il doit bien y avoir une Tour Radio, mais j’ai déjà donné. Mon voisin interrompt soudain le fil de mes pensées.
« Sympa, le veston. Avec votre petit Pokémon là, vous ressembleriez presque à un explorateur. »
Tiens, il a envie de faire la discussion, celui-là. C’est mon Pokémon qui me devance pour répondre.
« Tutafeh ! »
Et là, l’idée du siècle.
« Oui, voilà ! Tout à fait. Exactement. Je suis… un explorateur. C’est mon métier depuis… fiouuh, plusieurs années maintenant. Pas vrai, p’tit gars ? J’imagine qu’il doit y avoir plein de choses à … explorer, à Miranoir, non ?
-Pas qu’un peu, de ce que j’ai entendu dire ! Ils ont aussi besoin de guides, apparemment, vu l’affluence de touristes. Maintenant que vous le dites, c’est vrai que vous me rappelez vaguement quelqu’un, vous êtes un explorateur connu non ? Même si, entre nous, vous auriez une meilleure image avec un chapeau. »
Oh non, dire que je commençais à bien t’aimer, toi. Tu vas quand même pas me faire le coup du chapeau. Quel blasphème !

C’est donc décidé. En débarquant sur l'île je me présente à l’agent d’accueil en tant qu’Oklahoma James, célèbre explorateur, qui fait à Miranoir l’honneur de sa visite.
« Enchantée ! qu’elle me répond. Bienvenue sur Miranoir, monsieur Oklahoma !
-Non, Oklahoma c’est mon pr- ….Oh, et puis merde. »