Au loin, un orage se préparait. Jahan surveillait le ciel, un peu en vain. Il sentait que de toutes manières, ça lui tomberait dessus, à Huô et lui. Et il ne pouvait décidément pas s'en aller comme ça, sa mission insistait bien sur la nécessite de vérifier les alentours. Quelques corniches formaient des cavités sous laquelle s'abriter, mais ça pouvait être légèrement dangereux, si ça leur tombait dessus... Tant pis. Ca ne serait pas la première fois qu'ils finiraient trempés comme des soupes pendant une balade. Alors il continue son chemin, observant les lieux plutôt paisibles. Même trop. Aucun pokémon n'avait pointé son nez, tout était silencieux, on n'entendait donc que le fracas des vagues contre la falaise, la déchirant par ses milliers d'acoups incessants. Huô bondissait prudemment de pierre en pierre, à côté de son dresseur, qui se disait que décidément, quelque chose n'allait pas. Il sursaute, surpris au premier roulement de tonnerre qui approche. Peut-être la tempête qui approche a-t-elle fait se terrer les pokémons dans leurs terriers, leurs cachettes, et qu'il devrait faire de même. Mais voilà un éclair qui déchire le ciel, et notre Ranger grimace en sentant de grosses gouttes de pluie s'écraser sur les rocs, sur ses cheveux, ses épaules, sur la fourrure noire cendre d'Huô. Et en quelques instants, la pluie était drue, le frappant partout par les bourrasques de vent qui s'étaient levées. Et en levant les yeux vers les nuages noirs qui s'étaient amassés au dessus de la corniche, il aperçut une silhouette, au centre du maelström.

Par Arceus. C'est tout ce qu'il aurait pu balbutié en un tel instant, en voyant le noyau, le coeur du vortex à quelques pas de là, l'oeil du cyclone, si calme et si violent, mais il n'y avait rien pour s'abriter, les récifs projetaient les vagues assez haut pour l'embraquer dans la flotte, flotte qui tombait déjà en trombe sur ses cheveux, ses épaules, son dos, alors qu'il cherchait ne serait-ce qu'un caillou creusé pour s'y poser, le temps que ça se calme, qu'il puisse reprendre sa mission, ça lui semblait du suicide, surtout en entendant les coups de tonnerre répétés. Et on n'y voyait rien à cause de la pluie, du vent, du crachin ambiant, il aurait pu se prendre n'importe quel rocher et pourtant, il ressortait parfaitement, elle était parfaitement visible, la silhouette postée sur le gros roc, à quelques mètres de là, la silhouette de... Raikou. Le chien du tonnerre, Raikou, qui ne pouvait qu'être le seul investigateur, le seul à l'origine de cette tempête. Que faisait-il là ? Il n'en savait rien. Avait-il provoqué les récents éboulements ? Vu les pouvoirs qu'il se tapait, c'était fort possible. Et Jahan restait planté là, sous la pluie et le choc, la chance de pouvoir, de son vivant, voir un pokémon légendaire, après tout, il est le seul et l'unique Raikou, il pouvait savourer, apprécier l'instant, si une voix au loin n'avait pas jeté un mot, qu'il ne comprend pas forcément, mais il se retourne, il lâche du regard la silhouette légendaire. Une autre personne est là, quelques pieds derrière lui, tout aussi trempée et frigorifiée que lui, et le Ranger fait quelques pas vers lui. Qu'est-ce qu'il fait là, sous cette tempête ? A la limite lui ça pouvait se comprendre, peut-être était-ce juste un promeneur qui s'est aussi fait avoir par l'arrivée de Raikou, mais tout de même les falaises sont dangereuses. Ou alors c'est un collectionneur. Enfin, il s'approche, se tenant aux roches, aux pierres glissantes ou coupantes, il élève la voix, au dessus de l'ouragan.

« Qu’est-ce que vous faites ici ? »

Il ne se concentre absolument pas sur le visage de la personne, c'est juste un homme de son âge, blond, assez barbu, qui risque de connaître le même sort que lui. Il tourne à nouveau les yeux vers l'animal sacré, comme pour vérifier qu'il était encore là, et pas en train de rêver, la bourrasque cogne bien trop sur sa peau pour que ça soit un songe ou que l'animal a disparu, et il échange un regard au blond, comme pour s'assurer que lui aussi le voie.

« Il faut s'en aller ! C'est déjà bien qu'on ait pu le voir, mais cette tempête est bien trop dangereuse ! »

Ce mec, il lui dit quelque chose, mais c'est flou et incertain dans sa mémoire. Il lui rappelait sûrement quelqu'un, un ami d'enfance, un visage familier sans doute, sans doute plus blond que ça, plus peureux que ça, alors que celui ci a des cheveux sombres à cause de la pluie, plaqués sur son crâne, et une fascination à toute épreuve pour... Lui. Il est toujours là, campé fièrement comme l'oeil du cyclone, sa fourrure à peine dérangée par la pluie et le vent, il sait qu'ils sont là. Si proches et si loin, comme si c'était lui qui avait prédits qu'ils se reverraient, se rencontreraient, pour le pire et pour le meilleur. Jahan s'est rapproché de son compagnon d'infortune, solidement accroché aux rochers, il n'est pas peureux, loin de là, mais il voudrait bien fuir la tempête. Surtout quand un violent coup de tonnerre éclate juste là, ils ont l'air trop proches du chien légendaire, et si Ja avait su se détourner de cette flamme mortelle, l'autre semblait totalement hypnotisé, il lui demande même de rester, à coup de « Attends, attends, je veux juste... Le regarder encore un peu, et être sûr que j'hallucine pas. » Et le Ranger secoue son bras, auquel il est agrippé, comme un vague lien à la réalité, bien sûr il pouvait comprendre, mais il était de son devoir de ranger de le mettre en sécurité, et de rester lieu aussi en sécurité, c'était une des règles des rangers.

« Tu hallucines pas ! Il est bien là, mais justement, il faut se barrer ou il va nous griller et on ira nourrir les poissons en bas ! »

Dans la légère panique qui s'emparait de lui, il le tutoyait, ou peut-être était-ce ce lien qui les avaient déjà liés ? Il fait un pas en arrière, vers la réalité et la sécurité, il empoigne le col de l'autre, pour lui faire saisir l'importance de la situation. Pas peureux, peut-être au contraire naïf...

Le ranger tire un peu plus le blondinet en sûreté, loin du vide de la corniche, loin de Raikou, toujours planté sur son rocher, Raikou semblant les juger, les jauger aussi, pour savoir s'ils sont bons à griller en saucisse pour être venus là, ou si au contraire ils seraient dignes de s'approcher. Dignes d'essayer de l'attraper ? Non, ils n'en étaient pas là, et Jahan n'avait nullement l'idée ou l'envie d'attraper un légendaire. Oh, il est sans doute un peu flippé, mais avant tout il reste prudent, rationnel. Et finalement le dresseur fait un pas en arrière, il allait soupirer de soulagement de les savoir à l'abri, quand... Quand la roche s’effondra sous les pieds du dresseur. Un cri d'effroi, alors qu'il agrippait la roche à pleine mains, l'homme accroché à son bras, et dans un sursaut, il le ramène en sécurité. En quelques secondes, il aurait pu basculer dans le vide et la mer décharnée, et il resta là un instant, haletant de peur, alors que l'autre jurait tout haut pour déstresser, sans doute. Et lui il ne dit rien, il l'observe, sans oser faire le moindre pas, jusqu'à ce que finalement, le blondinet l'attire sous une cavité, une grotte creusée dans la roche, à l'abri du vent et de la pluie, et ils l'espéraient, de Raikou, celui qui après tout, déclenchait tout ça. Il se pose sur un caillou, les mains encore tremblantes, une fois qu'il l'a lâché, une fois certain que rien ne cèdera sous leurs pas.  « Hé, merci, tu m'as sauvé la vie j'pense. » Le Ranger eut un rire nerveux en guise de réponse, l'air de dire c'est rien, c'est normal, je fais ça tous les jours en guise d'échauffement le matin avant le p'tit dej, alors que bon. Sauver des pokémons, ok, sauver des humains... C'était déjà plus rare, pas son affectation. L'autre l'imite, observant la tempête dehors. « Il va peut-être décider de se barrer... Ou alors y a peut-être une autre sortie ? » Se barrer, ça pouvait prendre facile quelques heures, quant à une autre sortie... Il jette un oeil au fond de la grotte, qui doit se toucher quand on tend le bras. Bien. Bien bien bien. Son cerveau tourne à tout allure, alors qu'il sent le regard du dresseur suicidaire sur lui. « Attendons un peu... Le temps que la tempête se calme. »