ft. evan peters
« Adam, par pitié arrête de pleurer... »La voix de ton père, agacé, gêné. Il serre ton petit poignet dans sa grande main et t'entraîne loin de la foule. Tes pieds butent contre le sol et un sanglot remonte dans ta gorge. Tu essaies de reculer, de le retenir. « Papa, Papa, je veux pas y aller ! » Et te voilà, faisant un scandale en pleine rue, un autre caprice, attirant le regard des habitants de Lavandia. Ton père se retourne, lâchant ton poignet, et te prend brusquement dans ses bras, te serrant contre lui en s'éloignant, rentrant à la maison le plus vite possible. Tu t'accroches à lui, tes larmes tâchant sa chemise.
***
« Papa ? Elle est où Maman ? »De grands yeux noirs. Tu as les mêmes que ta mère, c'est Papa qui te l'a dit. Il te le dit souvent, surtout quand tu viens le voir dans le salon, alors qu'il est dans le noir, une bouteille à la main, et que toi tu n'arrivais pas à dormir. Tu tires sa manche.
« Papa...
— Ne me parle pas d'elle ! »Tu sursautes, les larmes pointent au coin de tes yeux. Encore. Ton père te regarde, impassible, en colère peut être, tu ne saurais dire. Silence. Il soupire, passe un bras dans ton dos pour t'attirer contre lui. Tu te laisses faire, curieux. Votre étreinte dure longtemps et tu bâilles, le sommeil pesant sur tes paupières. Tu t'endors finalement, sans un mot, appuyé contre lui. Silence.
***
Tu observes l’œuf Pokémon posé sur ton lit, pensif. Il ne va pas tarder à éclore, c'est ton père qui te l'a dit. L’œuf remue, légèrement. Tu n'oses pas le toucher, de peur de le casser. Précautionneusement, tu le poses sur ton bureau, enroulé dans des couvertures. Tu le scrutes longuement, assis sur ton lit, la main contre la joue. Finalement, tu t'allonges, te roulant en boule dans tes draps, yeux clos.
Ce sont des couinements aigus qui te réveillent. Tu rouvres les yeux presque avec difficulté, pour te retrouver nez à nez avec une petite boule de poils brune. Tu sursautes, te redresse d'un bond. L’œuf a éclot ! Tu regardais avec effarement le petit Evoli qui s'agitait devant toi, surexcité. Il était minuscule... Tu le serrais dans tes bras, réfléchissant déjà un nom.
***
« Arrête, arrête ! »Tu hurles, tes cris résonnant dans toute la maison. Ton père est absent, mais il se trouve que toi et ta sœur n'avez pas cours aujourd'hui. Ta sœur s'appelle Camille, elle a quatre ans de plus que toi. Et comme d'habitude, elle a tendance à passer ses colères sur toi. Tout est prétexte pour t'embêter, et elle se donne le droit de tout te faire subir : te lancer des choses dessus, faire tomber ton assiette quand vous êtes en train de manger, te faire des croches pied quand tu passes devant elle. Là, elle te traîne sur le sol, te tirant les cheveux. Tu as toujours été plus faible qu'elle, plus petit qu'elle. Elle le sait et en profite.
« Non j'vais pas arrêter ! De toutes façons, c'est à cause de toi que Maman est morte, je te déteste ! »Vous hurlez, tout deux loin de l'autorité parentale qui te protégeait et qui la bridait.
***
Tu entrais au lycée. "
Enfin", comme dirait ton père. Tu n'avais pas beaucoup d'amis là bas. En fait, tu n'en avais pas. Tu avais trop peur pour t'approcher des autres et on te regardait un peu comme si tu avais une grosse, grosse tâche sur le visage. Tu ne faisais pas d'effort pour te sociabiliser, peu habitué à essayer de t'intégrer dans une communauté. De toutes façons, tant que personne ne venait t'embêter, tu ne te souciais pas de ton impopularité.
« Adam, il faudrait qu'on parle. »Mains dans les poches, tu t'approches, Kitsune trottinant près de toi. Tu regardes ton père, la mine sombre, comme d'habitude de toutes façons.
« Quoi ?
— J'ai rencontré quelqu'un.
— Ah. »L'annonce ne te fait ni chaud ni froid, tu ne connais pas ta mère de toutes façons donc tu ne te sens pas trahi à sa place ou quelque chose du genre. Tu vas pour faire demi tour, mais il reprend la parole.
« Elle a un fils de ton âge, il s'appelle Adrien.
— Je m'en fiche.
— Ils vont habiter avec nous. Ta sœur est déjà au courant. »Un poids semble tomber sur ton cœur, ton ventre, tes épaules. Tu ne sais pas quoi répondre. Tu ne peux pas accepter que deux personnes viennent chambouler ta routine, entrent comme ça dans ton petit monde. Tu t'éloignes en courant jusqu'à ta chambre.
***
Ta belle mère est une femme qui ne t'aime absolument pas, ton demi-frère n'a pas exactement le même âge que toi, en réalité il a trois ans de plus que toi. Tu le vis très mal. L'avantage, c'est que Camille te harcèle moins. De toutes façons, si ce n'est pas elle qui te maltraite, ce sont des gentils, adorables petits camarades d'école. Depuis quelques mois, on te frappe, te bouscule contre les casiers et les murs quand tu passes. Il y a même un jeu qui s'est installé dans ta classe. Il fallait te faire tomber quand tu passais : si on y arrivait, on gagnait cinq points. Si on arrivait à te faire tomber par terre, on gagnait dix points. Si tu saignais, vingt points. Tu n'osais pas te plaindre vers les adultes. Tu avais peur que les élèves de ta classe se vengent, qu'on te suive à la sortie du lycée... Tu ne disais rien. Tu avais essayé d'en parler à ton père, mais tu n'avais récolté qu'un dédaigneux
"Si tu es un homme, un vrai, tu n'as qu'à te défendre.". Ta belle-mère, tu n'avais même pas envie de lui en parler. Ta sœur savait, elle t'avait vu revenir couvert de bleus, le nez en sang. Et elle avait rit. Adrien, lui, ne disait rien. Des fois il venait te voir dans ta chambre, pour engager la conversation. Tu penses qu'il essaie de t'aider. Sans grand succès. Kitsune reste la plupart du temps dans ta chambre. Tu ne l'emmènes pas au lycée, tu as trop peur qu'il lui arrive quelque chose. Tu restes enfermé dans ta bulle et dans tes idées noires, attendant que quelqu'un vienne t'emmener loin de tout ça.
***
Pourtant, un jour, ta vie prit un tournant inattendu. Pendant ton année de première, il y eut une heure de sensibilisation au métier de ranger. Ça ne t'intéressait pas plus que ça, tu n'avais pas envie de devenir ranger, d'ailleurs tu ne savais pas ce que tu voulais devenir. Tu restais au fond de la classe pendant l'heure de cours, encore tremblant à cause d'une altercation avec un des élèves populaires de la classe, qui avait jugé bon de t'envoyer valser contre une rangée de casiers. Tes yeux et tes joues étaient rouges, ta lèvre fendue.Tu n'écoutais pas, le visage caché contre tes bras croisés. Tu entendis soudainement une voix à tes côtés.
« Tu as des questions ? »Tu relevas la tête. C'était le Ranger qui vous faisait cours, qui te souriait. À la vue de son sourire, ta gorge se serra. Ça faisait longtemps qu'on ne t'avait pas adressé un sourire. Tu bafouillais une réponse négative, et au vu des larmes qui pointaient au coin de tes yeux, l'adulte te proposa de sortir, ce que tu fis à la hâte, sous les regards moqueurs des autres élèves. Dehors, tu t'assis à même le sol, adossé contre le mur. Il vint ensuite te rejoindre, s'asseyant à tes côtés. Il s'était présenté. Son prénom, c'était Jahan. Puis il te posait des questions, sur ce qui t'étais arrivé, pourquoi tu étais aussi triste... C'était étrange, cette sensation de réconfort que tu ressentais. Et puis, tu lui racontas tout. Le décès de ta mère, ta sœur qui te persécutait, ton père qui riait de ton harcèlement scolaire, ta belle mère qui blâmait ton homosexualité. Ta classe remplie d'idiots, les coups que tu recevais chaque jour, les insultes qui t'atteignaient trop. Il t'avait pris dans ses bras et tu t'étais laissé faire, pleurant silencieusement contre lui. Finalement, ce fut lui qui t'emmena loin de tes problèmes. Jahan t'avait proposé de venir habiter chez lui, juste pour quelques temps, jusqu'à ce que tu sois majeur et que tu puisses vivre loin de ta famille. Tu avais accepté, évidemment. C'était l'occasion parfaite.
***
Jahan t'avait laissé. Abandonné. Le lendemain, il t'avait demandé de rentrer chez toi, après une nuit que vous aviez passé tout les deux, l'un contre l'autre, et tu avais eu l'impression d'être enfin en sécurité. "Ce n'est pas bien, ce qu'on a fait", il avait essayé de t'expliquer ça calmement, mais tu étais devenu fou de chagrin et était parti en claquant la porte, en hurlant que tu ne voulais plus jamais le voir, plus jamais, plus jamais. Tu le détestais. Tu le haïssais, même. Tu étais rentré chez toi, avais pris Kitsune dans tes bras et t'étais roulé en boule sous tes couvertures, pleurant le reste de haine qui restait dans ton corps. C'était fini, plus personne ne pouvait te tirer de ton enfer. Ou alors il allait falloir que tu le fasses toi même.
***
L'obtention de ton diplôme fut quelque chose de presque anecdotique. Tu étais bon élève, malgré les harcèlements qui persistaient, et l'espoir de pouvoir quitter le lycée te faisait travailler encore plus dur. Diplôme en poche, tu avais décidé d'aller étudier loin d'Hoënn. Il y avait une université à Miranoir qui t'intéressait, et qui en plus donnait la possibilité de prendre une chambre d'étudiant. Tu avais demandé l'autorisation à ton père, ce qui était un simple geste de politesse plutôt qu'une vraie demande d'autorisation, qui avait accepté. Tu le soupçonnais d'être aussi heureux que toi de te voir partir, mais ne disait rien. Ta nouvelle vie commençait à Miranoir, et tu laissais ainsi ton passé derrière toi, comme pour l'oublier à jamais.